Lettrines2024-03-04T16:10:29+00:00Pierre-Georges DANSETurn:md5:8248c84da1178640e8b77410c563bc8bDotclearGuide de relecture : "Mes forêts sont de longues tiges d'histoire..." (lecture 8/16)urn:md5:ccede46f24ff4f34a9fb23e430f001da2024-03-01T13:16:00+00:002024-03-04T14:43:13+00:00PGDanset1re<p>Voici un guide de relecture sur le très beau dernier poème du livre.</p> <hr />
<h3>Situer le texte</h3>
<ul>
<li>C’est le dernier poème du recueil : je vous renvoie à vos notes sur ce point. Une nuance cependant : l’ultime poème de la section « Avant la nuit » donne lui aussi l’impression d’être le dernier texte, en sa fin.</li>
<li>C’est aussi le dernier des cinq poèmes qui scandent la lecture du livre et qui commencent par cette anaphore <em>à l’échelle du livre s’entend</em> : “Mes forêts sont…”. Il faut donc relire les précédents pour distinguer les reprises, les variations, les échos, et en somme, la progression possible de l’œuvre. En effet, chaque poème qui commence par les mots : « Mes forêts sont… » étend la définition de ce que sont ces « forêts », reprend, retisse certains motifs entrevus dans les précédents, en ajoute de nouveaux.</li>
<li>C’est pour moi l’occasion de vous rappeler que le livre, en sa structure même, apparaît comme fait de jointures, de régularité, mais aussi de disjonctions, de séparations - pour ne pas dire de « déchirures » (je vous renvoie à ce motif important de l’œuvre). Autrement dit, la forme du livre épouse sensiblement son propos et cette tension entre failles et tentative d’union, peut-être à l’image de ce qu’Hélène Dorion fait avec sa poésie : réunir ce que les maux de notre monde sépare, tout en laissant visibles des failles. Je vous laisse réfléchir à l’idée que vous-même vous faites de l’œuvre.</li>
</ul>
<hr />
<h3>Esquisser puis stabiliser un projet de lecture</h3>
<p><code>Lorsque vous vous emparez de ce texte à nouveau, peut-être avec ce guide de relecture, esquissez un projet de lecture après avoir relu le poème à voix haute, et après avoir réfléchi à ce qui se dégageait pour vous d'essentiel (il arrive qu'une relecture à voix haute, sincère, vraiment incarnée, nous fasse vivre une traversée nouvelle : l'explication est alors sa mise en mots). Ainsi tiendrez-vous une esquisse de votre futur projet de lecture. Puis, entrez dans le détail du texte. Il se peut que votre analyse infléchisse rétrospectivement votre projet initial : au terme de la préparation de votre explication, reformulez-le alors jusqu'à être satisfait de ce en quoi il sous-tend tout le développement.</code></p>
<p>Nous avons dit de nombreuses choses en cours, auxquelles je vous renvoie, notamment en nous fondant sur la valeur potentiellement conclusive de cet ultime poème. Je me permets d’ajouter un élément issu de notre travail : ce texte est de tous peut-être le plus proche d’un <em>art poétique</em>, c’est-à-dire un poème qui réfère à la poésie, qui dit ce qu’elle vise, et comment elle s’élabore, ou comment il faudrait qu’elle s’élabore (en tout cas sous la plume d’Hélène Dorion). Attention toutefois à ne pas le réduire à cette dimension.</p>
<p><code>Ajouts du lundi 4 mars :</code>
Quelques esquisses de projets de lecture pour vous aider dans votre réflexion :</p>
<ul>
<li>Ce poème, par les échos et les variations qu’il propose, reprend, prolonge et conclut tout ce que le livre a développé (ce projet de lecture, vous l’aurez saisi, insiste sur la dimension conclusive du texte).</li>
<li>Ce poème donne une ultime image de la relation complexe qu’entretient la poétesse avec le monde et la nature (l’adjectif « complexe » renvoie bien sûr aux paradoxes et aux ambivalences de cette relation et de la nature elle-même).</li>
<li>Ce poème achève le livre en mettant en scène l’écriture poétique elle-même : c’est ce que je vais tenter d’expliquer (ce projet de lecture ou ses variantes insisteraient donc sur la dimension autotélique du texte).</li>
<li>Ce dernier poème met en scène à la fois le regard de la poétesse sur le monde, et la difficulté de son entreprise poétique.</li>
<li>Ce poème conclusif révèle un des enjeux majeurs de l’œuvre : mettre en scène un monde, intérieur et extérieur, fait de repères et de pertes, d’union et de déchirures.</li>
</ul>
<hr />
<h3>Examiner, puis indiquer la composition du texte</h3>
<p>Deux mouvements paraissent composer le texte :</p>
<ul>
<li>le premier, jusqu’à la troisième strophe incluse, part du motif des forêts pour aller vers la référence à l’écriture, et dessine un raccourcissement progressif des strophes, sur le mode d’une extinction ;</li>
<li>Le second, à partir de la quatrième strophe, part de cette même référence à l’écriture, mais pour éclairer ce qu’opère cette poésie des <em>forêts</em> ; et cette fois, la poétesse écrit d’une strophe à l’autre sur le mode de l’expansion.</li>
</ul>
<hr />
<h3>Expliquer le texte de façon détaillée</h3>
<h4>Le texte s’ouvre par l’évocation des <em>forêts</em> de l’autrice, mais il évoque l’écriture de façon progressive, indirecte et imagée (1er mouvement).</h4>
<p><code>Ci-dessous, je laisse un filet à chaque fois que je m'arrête sur une nouvelle strophe.</code></p>
<p>(1re strophe)</p>
<ul>
<li>Commencez par analyser et interpréter les motifs rapprochés de la tige et de l’aiguille dans les deux premiers vers. Pensez pour cela aux domaines auxquels l’aiguille appartient.</li>
<li>En quoi ces vers offrent-ils une variation des précédents “Mes forêts”, et notamment le tout premier (plusieurs différences sont réellement intéressantes à observer et interpréter, au niveau des images et en particulier des verbes) ?</li>
<li>Quel écho avec “Le bruissement du temps” ?</li>
<li>En somme, que disent l’image des “longues tiges d’histoire”, et celle des “aiguilles qui tournent”, à propos du temps et de l’espace ?</li>
<li>Quelle impression se dégage, pour vous, de l’achèvement du vers 2 sur le verbe “tourner” ?</li>
<li>Pour lire ce qui suit, je vous renvoie à l’épigraphe fondée sur des vers de Silvia Baron Supervielle, avant “Une chute de galets”, ou encore au premier poème de “L’onde du chaos” : quelle image du temps était donnée là, que notre poème modifie ?</li>
<li>Dans le même ordre d’idées, que peut suggérer l’absence provisoire de complément après le verbe “aller”, mis en relief en fin de vers ?</li>
</ul>
<p><code>À l'oral, vous aurez nécessairement à faire quelques détours par des poèmes auquel notre texte, conclusif, fait écho par ses reprises et ses variations. Sélectionnez et apprenez bien les quelques extraits, courts, qui peuvent éclairer votre propos.</code></p>
<ul>
<li>Que pensez-vous de l’évocation des points cardinaux ? De leur ordre d’apparition, des blancs ?</li>
</ul>
<p><code>Que les espaces au sein des vers, les "blancs", ne vous paraissent pas des obstacles, ni ici, ni dans les autres textes. Leur effet, assurément, au niveau de la diction à voix haute, est celui de la pause, de la suspension, de la respiration, de fait. C'est d'abord cela que vous pouvez donner à entendre, tant en lisant qu'en expliquant. Pour aller plus loin, pour donner encore plus de richesse à votre interprétation, réfléchissez aux liens possibles entre ces effets de suspension et ce qui est évoqué au sens littéral : ici, par exemple, le fait que les saisons "tournent", et "vont".</code></p>
<ul>
<li>Je vous invite, pour être efficaces, à réunir les différents éléments de <em>définition</em> des forêts qui suivent : l’image des “cages de solitude”, des “lames de bois” (pensez à la polysémie du mot “lames”), que l’adjectif “clairsemées”, qui les qualifie, rapproche des vers suivants (“nuit rare”, “maisons sans famille”, “corps sans amour”). Sur quoi la poétesse insiste-t-elle dans ces vers ?</li>
</ul>
<p><code>J'ai eu maintes fois l'occasion de le dire, ou de l'écrire dans vos copies : habitués que vous êtes à analyser des textes, il vous arrive parfois, pensant bien faire, d'isoler des mots pour les commenter : on ne saurait vous tenir grief de ce geste, mais il a souvent pour effet de vous amener à interpréter les mots indépendamment les uns des autres, <em>alors qu'ils prennent sens grâce aux relations qu'ils entretiennent avec les mots alentour</em>. C'est nettement le cas ici.</code></p>
<ul>
<li>Une clé pour interpréter ces vers réside dans les tout derniers vers de la strophe, lesquels évoquent ce que deviennent, “au matin”, les forêts de l’autrice : “des ratures et des repentirs”, c’est-à-dire des <em>mots raturés et des mots conservés, mais dont la conservation sur la page inspire le regret</em> (le terme <em>repentir</em>, j’ai eu l’occasion de le dire, renvoie à la création littéraire). Ces <em>forêts</em> seraient donc autant de poèmes qui évoqueraient, si on revient un peu en arrière, des “corps sans amour”, et autres “maisons sans famille”. Quelle image cela donne-t-il de la poésie d’Hélène Dorion ? S’agit-il seulement d’une poésie centrée sur les maux contemporains de la nature ?</li>
</ul>
<p><code>Ne craignez pas, de temps en temps, de lire le texte à rebours, du moment que votre propos se fait clair et ordonné : l'explication mime ainsi une découverte (alors qu'on le sait, vous ne découvrez pas le texte) : vous en dévoilez un sens progressivement, au fur et à mesure que les vers vous le livrent.</code></p>
<hr />
<p>(2e strophe)</p>
<ul>
<li>Vous aurez observé, par comparaison avec la première, la brièveté de cette seconde strophe. Pour tenter de comprendre cet amenuisement du texte, on gagne à se référer au sens littéral : qu’évoque l’image de la “boule dans la gorge” ? Que préparaient, plus haut, “la nuit rare”, les “ratures”, entre autres ?</li>
<li>Identiquement, voyez-vous un verbe dans ce premier vers ?</li>
<li>Quelle émotion se dégage des trois vers qui suivent, de l’image des oiseaux s’envolant de nouveau ? Pensez à l’évocation de leur vol dans d’autres textes pour proposer des comparaisons intéressantes.</li>
<li>Si l’on garde à l’esprit que les <em>forêts</em>, dans ce texte précisément, métaphorisent en particulier les poèmes d’Hélène Dorion, que signifie pour vous le fait qu’elles soient des “doigts qui pointent / des ailleurs sans retour” ?</li>
<li>Je vous invite à retrouver, dans le tout premier poème, l’image des “mâts immobiles” : est-ce encore cela dont il s’agit ?</li>
</ul>
<hr />
<p>(3e strophe)</p>
<ul>
<li>Vous aurez observé, de nouveau, la brièveté de cette strophe, qui constitue ce qu’on appelle un <em>distique</em> (une strophe de deux vers). A minima, songez à livrer un commentaire sur la progression de ce texte depuis le début, en liant cet amenuisement textuel aux principaux motifs entrevus (par exemple : “ratures”, “repentirs”, “boule dans la gorge”, “épines”…).</li>
<li>Quel lien le motif des “épines” entretient-il avec les aiguilles du vers 2 ? Comment interprétez-vous ce motif ? De même, le complément “dans tous les sens” trouve-t-il plus haut dans le poème un écho ?</li>
<li>Qu’évoque le deuxième vers de cette courte strophe ?</li>
<li>Après cette strophe, le poème semble s’étendre à nouveau : à quoi le voit-on tout simplement ?</li>
</ul>
<hr />
<h4>Le texte connaît progressivement une inflexion à partir de la quatrième strophe : l’écriture poétique voit son rôle se préciser (2nd mouvement).</h4>
<p>(4e strophe)</p>
<ul>
<li>De nouveau, je ne peux que vous inviter à mettre en évidence les motifs qui, par des traits communs que vous aurez soin de nommer, donnent leur cohérence au texte, tout en dessinant une trajectoire à interpréter : “aiguilles”, “doigt”, “épines”, et ici, “lignes au crayon” (s4).</li>
<li>Comment l’écriture est-elle de nouveau évoquée ici ? À quoi se trouve-t-elle liée ?</li>
<li>Et que se trouve-t-elle désormais capable de faire ? Quel rapport entre l’écriture poétique et le monde ?</li>
<li>Que pensez-vous de l’image du “papier de temps” ?</li>
</ul>
<p><code>Je le répète sans doute : chez Hélène Dorion, les métaphores ne sont pas un ornement, une façon qu'offrirait la poésie de dire le monde en plus beau : si jamais cette conception de la poésie persistait, je vous invite à la confronter à votre lecture de l'œuvre. Sur un plan pratique, une métaphore lie deux réalités, l'une étant évoquée à travers sa comparaison avec l'autre. Tout se passe comme si Hélène Dorion exploitait cette propriété fondamentale de la métaphore qui réunit et englobe, pour nous inciter à voir, ou à faire des liens entre des réalités disjointes, ou que notre regard habituellement sépare.</code></p>
<hr />
<p>(5e strophe)</p>
<ul>
<li>Les forêts de l’autrice reçoivent de nouveau une définition : faut-il y voir le fait que le poème (voire le livre tout entier) avance vers la révélation de son sens, éclaircit son sens ? Que, l’écrivant, l’autrice, dont on sait qu’elle suit les mots, qu’elle se laisse devancer par eux, parvient peu à peu, grâce à eux, à livrer le sens de toute sa démarche, malgré les “ratures” et les “repentirs” évoqués plus haut ?</li>
<li>Je vous invite à confronter ce qu’elles sont, ces forêts, à savoir “un long passage / pour nos mots d’exil et de survie”, aux vers de la première strophe avec lesquels cette image du passage peut résonner. Quant à l’exil et à la survie, plus simple à interpréter, je vous propose de les mettre en relation avec tout ce que le livre évoque.</li>
<li>Faut-il selon vous considérer ce “passage”, qui devient “un peu de pluie sur la blessure”, puis “un rayon qui dure / dans sa douceur”, comme une variation des déchirures” précédemment évoquées ? Quelle évolution s’est donc dessinée sous nos yeux ?</li>
<li>La pluie peut-elle guérir la “blessure (qu’auraient causée… les “épines” ?) Et sinon, quel effet peut-elle avoir néanmoins ?</li>
<li>Pour interpréter ce rôle de la pluie, la façon dont la poétesse l’intègre ici, vous pouvez de nouveau vous reporter au tout premier poème, qui l’évoque.</li>
<li>Quel sens donner au “rayon qui dure / dans sa douceur” ? Je vous propose de le mettre en relation, comme s’il en était une ultime variation, avec le réseau formé par les “tiges”, les “aiguilles”, les “épines”, etc.</li>
<li>On peut gagner à s’attarder sur le déterminant défini devant “blessure” : comme si chacun savait de laquelle il s’agit. Est-ce le cas ? Sait-on d’évidence de quelle blessure il s’agit ? Sinon, que penser de ce choix ?</li>
<li>Pluie, rayon, passage, blessure… : ces contrastes ne sont pas les premiers que nous rencontrons. Hélène Dorion, jusqu’au dernier poème, cherche-t-elle à dépasser, à résoudre, ou à mettre en scène en les conservant les ambivalences du monde et de la vie humaine (et ici, de l’écriture) ?</li>
</ul>
<hr />
<p>(6e strophe)</p>
<ul>
<li>La conjonction “et”, le recours à une dernière et courte strophe : cela renvoie à ce que nous avons pu lire, notamment dans la première section (mais pas seulement) : l’ultime strophe du poème joue un rôle particulier. Lequel ?</li>
<li>Quel contraste constitue le point final du poème et du livre ? Comment la distribution des mots dans les deux derniers vers le met-elle en valeur (pensez à la façon dont Hélène Dorion joue sur la fin du vers intermédiaire) ?</li>
<li>Songez peut-être au lien que l’on peut faire entre ces derniers vers et le titre.</li>
</ul>
<hr />
<h3>Conclure</h3>
<p>Parce qu’il est le dernier, ce poème vous offre bien des façons de conclure votre explication, à condition de ne pas omettre qu’il a porté, largement, sur la question de l’écriture elle-même (qu’est-elle, que fait-elle, à quoi sert-elle ?…), le poème renvoyant de diverses façons à l’œuvre et à la démarche poétique d’Hélène Dorion. Pour vous aider à construire une conclusion, je peux vous inviter à revenir évidemment à votre projet de lecture : qu’a montré votre développement par rapport à ce projet initial ? Mais vous pouvez aussi réfléchir à l’image que ce poème laisse de l’ensemble de l’œuvre - ce qui pourra également composer une ouverture intéressante.</p>Guide de relecture : "Le chemin qui monte vers toi..." (lecture 7/16)urn:md5:af2c5e0093dd3dc4245ba13492defc302024-02-21T17:09:00+00:002024-03-04T16:10:29+00:00PGDanset1re<p>Voici un nouveau guide de relecture, pour vous approprier ce singulier et magnifique poème issu de <ins>Mes forêts</ins>.</p>
<p>Bonne relecture à vous !</p> <hr />
<p><code>Vous commencez à être plus qu'habitués à ces guides de relecture ; vous trouverez cette fois un certain nombre d'éléments semi-rédigés.</code></p>
<hr />
<h3>Complément audio</h3>
<p>Compte tenu de la relative complexité de ce texte, j’ajoute à ce guide un complément audio, que je vous invite à découvrir ici :</p>
<div style="text-align: center;">
<audio controls preload="auto">
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Lecteur audio intégré</object>
</audio>
</div>
<hr />
<h3>Situer le texte…</h3>
<ul>
<li>dans « L’onde du chaos » : après avoir présenté Hélène Dorion et son livre, que dire de cette section ?</li>
<li>Que dire de la position du poème au sein de cette section ?</li>
<li>Rappelez-vous, une évolution se dessine au fil de la section : le JE de la poétesse apparaît peu à peu (j’écris la poétesse : ce n’est pas le terme que préférerait Hélène Dorion, mais je préfère que vous l’utilisiez au cas où, pour ne pas être repris par votre examinateur) ; il est suivi d’un NOUS collectif.</li>
<li>Dans les derniers textes, d’autres motifs se font jour : la mémoire, le temps, et la possibilité d’un “commencement” pour ‘un monde”.</li>
<li>En parcourant cette section de nouveau, afin de préparer votre explication, relevez un ou deux vers significatifs des détails relevés ci-dessus.</li>
</ul>
<hr />
<h3>Élaborer un projet de lecture</h3>
<p><code>Ce poème a parfois résisté à notre travail d'analyse, quoique vous ayez aussi proposé, avec audace, des hypothèses très convaincantes, auxquelles je vous renvoie.</code></p>
<p><code>Pistes légèrement reformulées lundi 4 mars pour mieux vous accompagner :</code></p>
<ul>
<li>Est-ce pour vous un poème qui donne à voir, à sentir et à comprendre le désir, en montrant que ce serait un point commun aux hommes et à la nature ?</li>
<li>Est-ce justement un poème sur le désir, qui vise à nous faire prendre conscience, en l’évoquant, que l’homme et la nature ont partie liée ?</li>
<li>Diriez-vous que c’est un poème ambivalent, qui mêle désir et images de destruction (ou qu’il évoque le désir dans toutes ses ambivalences) ?</li>
<li>Etc. : à vos notes et vos trouvailles !</li>
</ul>
<hr />
<h3>Questionner, pour pouvoir la donner à lire ensuite, la composition du poème</h3>
<p><code>Je rappelle que cette étape n'est pas exigible à l'oral.</code></p>
<p><code>L'enjeu ici est double : vous aider à voir un texte pour ce qu'il est : un objet façonné, construit, composé. Et deuxièmement, en donnant à entendre à votre examinateur cette composition comprise par vous, indiquer par là ce qui structurera votre propos.</code></p>
<p><code>Je rappelle que nous parlons de <strong>composition</strong> (comme pour de la musique), d'architecture, et non de découpage. Les auteurs ne découpent pas, ils assemblent ; ne confondons pas leur geste et le nôtre : analyser, ce n'est pas découper, c'est mettre au jour des structures et des liens. Choisissez donc une formule qui réfère à cet ouvrage qu'est un texte littéraire : <em>notre texte est composé de..., comprend..., articule plusieurs mouvements... Plusieurs mouvements composent notre poème...,</em> etc. Vous vous distinguerez aussi par ce souci rhétorique.</code></p>
<p>Notre poème compte quatre strophes :</p>
<ol>
<li>une première strophe dit l’émergence du désir, dans une langue poétique qui mêle la nature et l’intime.</li>
<li>La seconde paraît prolonger cette évocation du désir, mais de façon détournée, imagée, en se référant à la nature.</li>
<li>La troisième opère un retour au JE, et aux amants ?</li>
<li>Une ultime strophe méditative lie le désir à la possibilité de faire émerger le monde à nouveau.</li>
</ol>
<p><code>Ces mouvements ne sont pas proposés là pour un apprentissage par cœur, mais bien pour une relecture : à vous d'en résumer l'essentiel, avec vos mots.</code></p>
<hr />
<h3>Lecture détaillée du poème</h3>
<h4>La première strophe, sans le dévoiler d’emblée, évoque la venue du “désir”.</h4>
<p><code>J'ajoute quelques éléments lundi 4 mars pour mieux vous aider dans votre travail de préparation.</code></p>
<ul>
<li>Un “chemin qui monte” : que pensez-vous de cette image ? Gardez cette montée en mémoire pour la suite. Il peut en tout cas être interprété de diverses manières : croissance, en soi, de ce qu’on découvrira être le désir ? Sentiment d’une élévation ? Départ à la rencontre de l’autre, sur un chemin métaphorique synonyme d’épreuves ?</li>
<li>Il vous faudra interpréter le “tu”, qui cette fois ne saurait être associé à l’autrice (laquelle est désignée par la 1re personne). Ce poème a donc une dimension lyrique, <strong>au sens où il invoque un destinataire</strong> (le lyrisme ne se réduit pas, tant s’en faut, à l’expression des sentiments personnels ; il met plutôt en scène un manque, un destinataire plus ou moins identifiable, et suppose un travail musical). Ce destinataire, est-ce l’être aimé ? La nature tout entière, que représentent parfois les “forêts” ?</li>
<li>Que dire du verbe “brûler” ? De son complément, “les ombres de ma vie”, et des deux réunis ? <code>J'attire votre attention sur le ciselage de ce vers</code> : l’éclat de l’image paraît d’autant plus intense que sur le plan sonore, ce qui est mis en relief, c’est “brûle” et “ombres”, seuls mots accentués du vers. La seconde syllabe du verbe et le déterminant sont en effet atones (sans accent) : vous pouvez aisément le vérifier en disant et redisant ce vers à voix haute.</li>
<li>En quoi le vers 3 est-il original, par rapport à une expression bien connue, que vous gagnerez à restituer ? C’est bien là que l’on a affaire à l’une de ces métaphores vives qui composent le texte : le sens propre est encore perceptible, même si, à l’horizon, l’image invite à l’esprit une interprétation symbolique. Diriez-vous que cette image de ce qu’on découvrira être le désir, et qui est liée à cet être qu’il s’agit de rejoindre par la montée d’un chemin, est une image négative ?</li>
<li>Songez aussi à la cohérence du texte : la foudre relaie sans doute le feu du vers précédent…</li>
<li>Et la chute peut être la conséquence du foudroiement. <code>Voyez toujours le texte comme un tissu : pensez ses liens internes, ses échos, ses combinaisons. Surtout, que le geste de l'analyse n'isole que peu, et provisoirement seulement les mots et les groupes de mots.</code></li>
<li>“la chute et l’envol” : en quoi ce vers peut-il être vu comme emblématique de tout le livre ? Comment le relier au début du texte (au premier vers) comme au dernier vers de la strophe ?</li>
<li>Isolé en un seul vers, le complément « dans l’instant » vous donne l’occasion de réfléchir à l’effet produit par un tel choix. Pourquoi ces deux mots, séparés provisoirement du reste, regroupés en un vers ? Quel effet peut-on ressentir ? Quel lien avec… ce que peut ressentir le JE lorsque’ “advient le désir” ? Ne pourrait-on relier ce complément avec l’image de la foudre et le cliché, non repris tel quel par Hélène Dorion, que l’on emploie fréquemment lorsqu’on parle d’amour ?</li>
<li>En quoi le dernier vers permet-il, à rebours, de comprendre toute la première strophe et son réseau métaphorique ? En d’autres termes, pouvez-vous expliquer les images des premiers vers en les référant toutes au désir ? Prenez le temps de cette lecture rétrospective.</li>
<li>On pourrait réfléchir aussi à ce que suggère la syntaxe, en particulier le sujet et le verbe : “dans l’instant / où advient le désir”. Cette expression ne dit pas : <em>je te désire</em>. Sujet du verbe advenir, le désir semble autonome, il se meut de lui-même… C’est dire sa force !</li>
<li><code>Attention à une possible erreur d'interprétation : ce que fait cette strophe ne s'apparente pas à la projection d'un sentiment, comme le serait ce qu'on appelle un <em>paysage état d’âme</em> à la façon des romantiques, où la nature se trouve recomposée, recadrée pour exprimer une intériorité. La nature semble offrir ici un véritable mode de lecture de soi, ou si vous préférez, un vocabulaire (arbre, foudre, incendie...) qui évoque la nature, mais aussi, en même temps, le surgissement du désir, probablement amoureux. Pour bien comprendre cette différence avec le recours à la nature par les romantiques, relisez le poème de Lamartine pour vous en convaincre.</code></li>
</ul>
<hr />
<h4>La deuxième strophe illustre la première, par des images inédites qu’offre la nature.</h4>
<p><code>Cette seconde strophe est peut-être la plus difficile à lire. Même si ce que je vais écrire ici devrait être abordé plus bas, au terme de la relecture de ces vers, je vous propose cependant d'emblée une clé de lecture. Elle semble portée par des mots de comparaison invisibles. On pourrait la lire ainsi, en prenant appui sur la précédente :</code></p>
<blockquote><p>(De même que) le chemin qui monte vers toi / brûle les ombres,<br />
De même, il existe dans la nature de puissantes, fulgurantes et parfois douloureuses unions, suivies ou accompagnées de douloureuses ruptures : celle de la neige qui “recouvre la terre”, celle de l’aile de l’oiseau qui à pleine vitesse “perce le ciel”, de l’écho de ce vol qui par son retentissement “rompt le rivage”…</p></blockquote>
<p><code>Autrement dit, cette strophe offre un détour par les images, lesquelles sont empruntées à la nature, pour mieux exprimer ce qu'est le "désir".</code></p>
<ul>
<li>N’y-a-t-il pas de nouveau un paradoxe dans le premier vers ? Pensez à expliquer sur quoi il repose. Songez que ce n’est pas là, en tout cas, coquetterie poétique. L’enjeu de la poésie d’Hélène Dorion, et souvent, de la poésie moderne, est par des associations nouvelles et inattendues, de déplacer notre regard sur le monde. Que semble donc faire la neige dans ces deux vers ?</li>
<li>Essayons cette lecture : <em>de même que je remonte vers toi, l’élan de la neige recouvre la terre</em>. S’il est juste de voir là une analogie, et par la suite même une série d’analogies, la poétesse dresserait des parallèles entre l’union et le désir, chez les hommes, et ce qui unit les éléments du monde au sein de la nature.</li>
<li>Songez aussi à la mobilisation du motif de la “neige” : en quoi est-il intéressant, par rapport à l’isotopie qui se dessinait dans la première strophe (brûler, foudroyé…) ?</li>
<li>La neige qui recouvre la terre, l’aile qui perce le ciel : que fait faire la poétesse au lecteur ? à son regard ?</li>
<li>Sur l’aile qui perce le ciel, je vous invite à lire les éléments méthodologiques que je vous avais fait connaître par mail, et que j’ai recopiés ci-dessous. Pour interpréter ce qui s’apparente à une synecdoque désignant l’oiseau (la synecdoque désigne un objet en ne nommant qu’une de ses parties), songez, par le raisonnement contraire, à l’effet que produirait la phrase : “un oiseau perce le ciel”. Pourquoi “une aile”, dès lors ? Quels effets ? Que s’agit-il de faire ressentir quant au vol de l’oiseau ? (Songez que, souvent, la poésie a moins pour but de dire un sentiment que de le faire éprouver à qui lit, pour paraphraser un propos d’Éluard).</li>
<li>Soyez aussi à l’écoute des sonorités (assonances surtout, allitération aussi) : neige / aile / perce / ciel. Comment et surtout pourquoi les sons unissent-ils les mots ? Quel rapport avec le mot central du poème, révélé plus haut ?</li>
<li>Je comprends que certains aient pensé : cela peut-il, cette aile, référer à un avion ? Cela expliquerait, de façon rassurante, pourquoi l’image est plus négative que celle de la neige, pourquoi il y a rupture par la suite. Mais rien ne dit que le désir ne doive être vu que de façon positive : témoin “l’arbre foudroyé” de la première strophe. D’autre part, s’il s’agit d’un avion, alors les deux premiers vers de la strophe, qui amorcent une comparaison entre le désir chez les hommes et les relations entre les réalités de la nature, avec la neige et la terre, n’ont plus de sens : ils deviennent une simple image.</li>
<li>Prenez le temps de réunir les verbes choisis depuis le début (à un moment ou à un autre de votre explication) : ici, recouvrir, percer, bientôt rompre, comme auparavant brûler, monter vers, foudroyer… Que suggèrent ces différents verbes quant à ce que fait, provoque le désir ? Quels points communs, quelles différences ?</li>
</ul>
<p><code>Vous le voyez, l'explication n'est jamais prisonnière d'une ligne ; elle ne s'y attarde que provisoirement. Pour le dire autrement, une explication linéaire n'est pas une explication ligne à ligne. C'est un discours qui déplie le texte progressivement, mouvement après mouvement, en s'autorisant, lorsque c'est nécessaire pour éclairer un de ces plis, des retours en arrière, ou des incursions vers la suite. Ne soyons pas myopes, sachons lier les mots entre eux, car c'est cela, un texte : des liens entre des mots qu'il nous revient de révéler.</code></p>
<ul>
<li>Je vous invite à vous arrêter sur la sensation étrange et mêlée de la rupture du rivage : quels sens se trouvent ici convoqués et réunis ? Cette métaphore étonnante n’est pas aisément interprétable, de mon point de vue du moins. Mais le plus important est peut-être que le rivage, motif important dans l’œuvre, matérialise là encore une forme de contact (le rivage unit la terre et la mer). S’agit-il de dire que l’oiseau volant au-dessus de l’eau rompt la cadence régulière des vagues, crée une fêlure dans le ciel, tandis qu’à terre le rivage faisait se rencontrer terre et mer ?</li>
<li><code>Vous aurez à un moment ou à un autre de votre relecture des phases de travail peut-être difficiles, tant le poème demeure parfois insaisissable. Rappelez-vous ce que j'ai dit en cours : il peut suffire d'observer, de caractériser, de s'interroger. C'est déjà lire. Ensuite, on repart vaillamment en quête d'un sens. Pourquoi ces allers-retours entre le motif de la relation, de l'union, et celui de la séparation ? Pourquoi des blancs au sein des vers ? Quelle image du désir, puisque c'est le mot clé du texte, cette façon d'écrire et ces images donnent-elles ? Autrement dit, d'après ce poème, de quoi le désir est-il fait ?</code></li>
</ul>
<p><code>À ce stade de la relecture, il faut une nouvelle fois reconnaître la complexité du texte... Mais le vouloir simple, alors qu'il évoque le désir comme moteur de la vie des hommes, et peut-être de la nature (ce que confirmera la fin du texte), ce serait souhaiter que le désir lui-même soit simple ! Le poème est à l'image de son objet. Je vous propose une clé de lecture supplémentaire pour tenter de mieux comprendre l'alliage entre ce qui s'apparente à des unions (la neige recouvrant la terre), plus ou moins violentes (l'aile perçant le ciel), et des séparations ("son écho rompt le rivage"), voire des destructions ("la chute et l'envol").</code></p>
<p><code>On peut considérer deux effets qu'on pourrait dire destructeurs du désir : désirer autrui par ce "chemin" difficile, qui "monte", n'est pas toujours synonyme de joie, mais d'abord... synonyme de <em>manque</em>. Pas de désir sans manque que l'on chercherait à combler, en essayant de "voir toucher dire", en effet. Autrement dit, désirer, c'est aussi être <em>déchiré</em>, "comme une flamme".</code></p>
<p><code>Plus profondément, désirer, souhaiter une union, celle des corps dans l'amour, par exemple, celle de la terre avec la neige, ou de l'aile avec le ciel, c'est aussi et simultanément prendre conscience que pour qu'il y ait union, il faut qu'il y ait prise de conscience d'une séparation, d'une différence irréductible entre les êtres : on peut toucher l'autre parce qu'il est autre, et ne jamais l'atteindre totalement pour la même raison. Hélène Dorion écrit à la fin du poème que "le monde surgit" : or, dans la Genèse, Dieu crée le monde en séparant les choses, la lumière de l'obscurité, la terre de la mer (précisément), etc. La feuille, écrit-elle encore, est "désir / de fleur et de fruit" : elle désire donc autre chose qu'elle-même. En somme, pour qu'il y ait désir, il faut qu'il y ait séparation, voire rupture, et prise de conscience de celle-ci, sensation de celle-ci, comme le disent peut-être les images de cette strophe.</code></p>
<ul>
<li>Le motif du feu réapparaît dans une comparaison : l’écho de l’aile qui perce le ciel « déchire comme une flamme » : prenez le temps de l’étonnement. Une flamme déchire-t-elle ? Quelle place le motif de la “déchirure” a-t-il dans l’œuvre ? La déchirure est-elle forcément négative ? Songez à sa réversibilité. Si nécessaire, relisez les derniers vers du tout dernier poème. Chez Hélène Dorion, déchirure, écarts, interstices, intervalles (c’est un mot que j’emprunte à l’un de ses titres) comptent. Toute déchirure, chez elle, n’est pas un mal, ou pas seulement un mal. Elle est aussi le gage d’un passage.</li>
<li>Comment le concret et l’abstrait se trouvent-ils réunis par la suite ? Comment le poème revient-il à l’humain ?</li>
<li>La “peau” : ce mot, avant d’entrer dans la métaphore dont il est le seuil, peut agir sur l’esprit du lecteur : en quoi résonne-t-il avec le “désir” ?</li>
<li>Arrêtez-vous sur la métaphore complète, bien sûr : “la peau fragile de nos rêves”. Songez aux autres occurrences du mot “rêve”, dans la section, et à l’ambivalence de ce terme : idéal ou illusion ? Trouvez-vous logique ou curieuse cette évocation de la fragilité humaine (fragilité des relations humaines ?) à la fin de cette strophe, qui égrenait des relations au sein du monde naturel ?</li>
<li>Je me permets de partager un commentaire, que j’ai sans doute dû esquisser en cours : entre la représentation de la nature, ce qui s’y vit, et celle de la vie des hommes, Hélène Dorion ne choisit pas ; elle unit les deux. Mais pas à la manière des poètes romantiques : revoyez, si vous ne l’avez déjà fait, le poème de Lamartine et la façon dont la nature devient un moyen d’expression de l’intériorité. Est-ce le cas ici ?</li>
</ul>
<hr />
<h4>Après ce détour par la nature, la troisième strophe remet en scène le sujet lyrique, “JE”, et son destinataire.</h4>
<p><code>Que l'expression <em>sujet lyrique</em> ne vous effraie pas : elle appartient au vocabulaire de l'analyse poétique. Elle désigne simplement le JE qui s'exprime ici, et c'est une façon de dire qu'on ne l'apparente pas automatiquement à l'autrice : JE peut être un autre qu'elle. En disant je, quand nous lisons, nous faisons nôtre le poème, d'ailleurs. L'adjectif <em>lyrique</em> doit sa présence à la tonalité du poème : quelque peu musical, surtout en cette strophe, centré sur le désir, il porte une parole destinée à un "TU" non identifié, et qu'il s'agit d'atteindre : on a là l'élan musical vers l'autre qui est souvent le fondement du lyrisme. Si l'expression vous paraît trop abstraite, dites simplement la première personne, ou la poétesse.</code></p>
<ul>
<li>Par quoi cette strophe se trouve-t-elle particulièrement rythmée, même visuellement ? Pourquoi ces respirations selon vous ? A minima, bien sûr, elles incitent à une lecture à voix haute qui en tienne compte : il vous faudra à la fois marquer une pause à la fin des vers, et à l’intérieur de ceux-ci. Essayez de le faire plusieurs fois, pour accueillir progressivement une impression, puis une interprétation. Je ne crois pas que ce puisse être fermé : s’agit-il de représenter un effort, celui qui consiste à se tenir “dans le sillage / de la nuit” ? Celui qui consiste à “remon(ter) vers (lui)”, malgré la “chute”, malgré les difficultés rencontrées pour vivre dans notre monde, telles que “L’onde du chaos” les a précédemment évoquées ? Est-ce une façon de dire qu’il n’y a de mouvement qu’avec des suspensions, d’élans vers l’autre qu’avec des arrêts, de liens qu’avec des failles ? Est-ce purement rythmique, musical ? Ou les blancs miment-ils une “onde”, les “ondes” d’un “sillage” ?…</li>
</ul>
<p><code>Tout n'est pas dicible ; il ne s'agit pas de projeter tout et n'importe quoi : j'essaie surtout de vous montrer ici qu'interpréter, c'est faire un lien entre ce que le texte dit (sillage, nuit, remontée, contact avec une présence), et ce que le texte fait (blancs, phrases interrompues provisoirement en fin de vers). Mais l'interprétation, vous l'avez compris depuis longtemps, c'est à vous de la faire in fine.</code></p>
<ul>
<li>Je propose une lecture de ce début de strophe : tout se passe comme s’il nous était dit : ”de même que l’élan de la neige recouvre la terre, qu’une aile perce le ciel, etc., je me tiens dans le sillage de la nuit…”. Autrement dit, il est question, depuis le début du texte, de ce que fait le “JE” : à savoir, désirer. À l’image de ce que ferait la nature (cf. la deuxième strophe) ?</li>
<li>Or que fait ce JE dans ce vers précisément ? Se tenir “dans le sillage / de la nuit”, et, animé par le désir, poursuivre la remontée vers celui qui est appelé “TOI”, remontée déjà évoquée au tout premier vers.</li>
<li>À vous d’interpréter le verbe “se tenir” : que véhicule-t-il ? Pourquoi l’image du “sillage / de la nuit” ? Quel écho avec le titre de la section ? Dans le livre, à quoi renvoie la nuit (parfois intégrée à cette expression : “la nuit humaine”) ?</li>
<li>Si le désir est affaire de mouvement vers l’autre, il est intéressant de lire que le sujet est à l’initiative d’une remontée (“je remonte / vers toi”), tout en suivant la nuit, en étant prise dans un mouvement qui le dépasse et l’incorpore, ce que métaphoriserait le “sillage”. Ce “sillage / de la nuit”, qui pourrait n’être pas connoté négativement, ce pourrait être une autre image du désir ?</li>
<li>Jusqu’à présent, dans ces lignes, j’ai réuni les termes de cette métaphore ; mais il vous revient aussi de voir qu’ils sont séparés par l’écriture en vers : songez à l’effet de mise en valeur produit par la suspension en fin de vers, et le rejet en début de vers suivant.</li>
<li>Comment interpréter « je remonte » ? En quel lieu bas se trouvait-elle pour devoir remonter (j’écris “elle” par facilité, en associant l’autrice au JE) ? Est-ce à dire que tout contact avec l’autre est une remontée… une ascension, une élévation ? Est-ce que ce poème opère un tournant dans la section “L’onde du chaos” : une sortie de la “nuit”, de la noirceur d’un monde difficile à “réparer”, grâce au désir et à l’autre ?</li>
</ul>
<p><code>C'est l'occasion de le redire : certains mots, certaines images ne prennent sens que mis en perspective avec la section de l'œuvre d'où le poème est issu, voire avec toute l'œuvre. Cela signifie qu'il vous faut bien connaître le reste de l'œuvre, en tout cas avoir des repères avec plusieurs poèmes, pour interpréter ceux de l'oral du Bac de façon convaincante. Mais c'est un avantage certain : car vous éviterez d'autant mieux les interprétations arbitraires et les contresens, que vous vous appuierez sur l'entour de chaque texte.</code></p>
<ul>
<li>Faut-il lire malgré le blanc, non pas “dans le sillage / de la nuit”, mais “de la nuit je remonte”, le blanc suggérant l’effort nécessaire à cette remontée ? À tout le moins, je me dois de vous inciter à la vigilance face à l’ambiguïté de la syntaxe et du sens.</li>
<li>Toujours s’agissant de cette remontée : même la forme des vers va en ce sens : « je remonte » se trouve en fin de vers, comme s’il s’agissait, pour remonter vers autrui, de revenir à la source, c’est-à-dire, pour le vers, en début de ligne. Le texte imite ce qu’il dit, en somme.</li>
<li>Comment les termes « vers toi » et « l’unique » sont-ils disposés ? Comment l’interprétez-vous ? On peut être sensible à l’effet de suspension, à la mise en valeur, au fait qu’isolé, “l’unique” devient un nom, alors qu’apposé à “présence”, il redevient un adjectif…</li>
<li>Vous avez réfléchi en cours à ce vers : « l’unique / présence qui jamais ne s’éteint ». Certains ont avec justesse souligné que la relative conférait une dimension sacrée à cet être. Lors de la rencontre du mois de novembre, Hélène Dorion a récusé tout référence à un dieu inscrit dans une religion donnée, mais elle n’a pas écarté le fait que le livre revêtait une dimension spirituelle. Faut-il voir l’être aimé ici ? Ou bien se confond-il avec la nature tout entière ? Ne faut-il pas voir dans cette éventuelle confusion le fait que toute relation portée par le désir s’inscrit profondément dans la vie de la nature ?</li>
<li>Que pensez-vous du triptyque d’infinitifs que les blancs mettent en relief avec soin ? S’agit-il de dire l’amour en trois temps (voir, toucher, dire) ? D’évoquer, plutôt (ou en même temps ?) la création poétique ? Amour et poésie s’équivaudraient-ils ?</li>
<li>J’attire votre attention sur les pluriel dans le dernier vers (“on” est singulier, mais renvoie à une pluralité d’être ; s’y ajoute le déterminant possessif). Qu’en pensez-vous ?</li>
<li>Comment interprétez-vous l’expression “des ailleurs à la vie” ?</li>
</ul>
<hr />
<h4>La dernière strophe offre une clôture en forme de méditation.</h4>
<p><code>Deux points méthodologiques : comme je vous l'ai souvent dit, et conseillé, je rédige les phrases correspondant aux charnières de mon explication - ici, du guide de relecture. À l'oral encore plus qu'à l'écrit, formuler un titre, sans verbe conjugué, est du pire effet. Votre propos cesse de s'animer, et risque de ne plus susciter le même intérêt qu'auparavant. Préparez donc les phrases charnières. Si possible, en imitant ce que je vous propose ici, évitez les lourdeurs (<em>On entre à présent dans le dernier mouvement</em> pourrait donner l'impression d'un atterrissage prochain annoncé par le commandant de bord).</code></p>
<p><code>En second lieu, si j'emploie ici le terme de méditation, aussi bien, j'aurais pu écrire "leçon", par exemple. Mais j'évite soigneusement un terme qui revient encore dans nombre de copies, malgré mes mises en garde, à savoir le mot "message", et son corollaire, la fameuse volonté qu'auraient les écrivains non pas d'écrire des textes, mais de "transmettre des messages". Ceci pour vous rappeler de nouveau de proscrire cette expression réductrice et stéréotypée. S'il y avait là <em>un message</em>, il n'y aurait pas besoin d'une explication, ni d'un guide de relecture après un cours de plusieurs heures.</code></p>
<ul>
<li>Où avons-nous vu, dans l’œuvre, de brèves strophes conclusives, porteuses d’une réflexion ?</li>
<li>Soyez attentifs à ce qui <em>détache</em> cette strophe de celles qui précèdent : les pronoms de 1re et de 2e personne sont-ils de nouveau employés ? Quel est le temps utilisé ? Quelle est sa valeur ? Quel sens le déterminant « toute » a-t-il ? Regardez les sujets : “toute feuille”, “un monde”. Cette strophe se situe-t-elle encore à hauteur d’homme, dans l’intimité entre deux êtres ?</li>
<li>Vous aurez observé la nouvelle occurrence du terme “désir”, comme une dernière occasion de livrer une clé de lecture pour tout le texte.</li>
<li>Comment interpréter cette équation : “toute feuille est désir” ?</li>
<li>Où le mot “désir” est-il situé dans le vers ? Avec quel effet ?</li>
<li>Soyez à l’écoute des sons (allitérations et assonances) qui confèrent à cette strophe son équilibre, son harmonie :</li>
</ul>
<p>”toute FEUille est désIR
<br />de FlEUR et de FRUIT”
<br />avec lUI
<br />le monde surgIt</p>
<p>Pourquoi cette harmonie sonore ? Pour dire quoi ?</p>
<ul>
<li>Quels nouveaux mouvements naturels relaient le percement, le recouvrement, le sillage… ?</li>
<li>Ici, Hélène Dorion écrit « le monde » : qu’écrivait-elle quelques pages plus haut ?</li>
</ul>
<hr />
<h4>Conclure, et proposer une mise en perspective</h4>
<ul>
<li>Revenez à votre projet de lecture ; considérez la trajectoire du poème, qui évoquait des ombres brûlées, un foudroiement, et qui s’achève par la fleur, le fruit, le surgissement du monde : à présent que vous avez du recul sur le texte, quel “chemin” dessine-t-il ?</li>
<li>Quel sens donnez-vous à ce rapprochement entre le désir qui anime les hommes et les relations qu’observe la poétesse au sein de la nature ?</li>
<li>Pour une mise en perspective, que prépare ce surgissement final ? Que proposent les derniers poèmes de cette section, que donne à lire la dernière section du livre ?</li>
<li>Ou bien, pour une autre ouverture : quel regard portez-vous sur le livre, dont ce poème pourrait être emblématique ?</li>
</ul>
<p><code>Méthodologie : une ouverture, contrairement à ce qui est parfois proposé, ce n'est pas une question vague qui restera fatalement sans réponse, du type : <em>On pourrait se demander si... (mais on ne le fera pas, parce que c'est fini ! C'est juste pour dire quelque chose...)</em> : voilà ce que disent certains candidats, à l'écrit comme à l'oral, avec une gêne souvent visible. Une ouverture, c'est un moment de votre discours (un lieu rhétorique) qui consiste à mettre la dernière touche à votre toile, à formuler une dernière phrase qui produise la meilleure impression possible sur votre auditeur. Elle prend le contrepied de ce qui a été fait jusque-là : puisqu'on s'est penché sur un texte, en détail, il faut à présent prendre du champ, ne plus rester à l'intérieur de cette page, mais la regarder dans un ensemble plus vaste, la mettre en relation avec d'autres, avec lesquelles il est intéressant, le temps d'une phrase, de la faire dialoguer. Je vous en propose deux exemples ci-dessous, et je choisis volontairement d'écrire des phrases affirmatives (mais ce pourrait être des questions rhétoriques, pourquoi pas).</code></p>
<p><code><em>Ce poème, qui unit une image des relations humaines à celles qui peuvent animer la nature, peut faire penser au titre de l'œuvre : <ins>Mes forêts</ins> renvoie autant au monde extérieur, qu'il faut apprendre à regarder et à sauver, qu'à notre intimité : l'un permet de comprendre l'autre, et réciproquement.</em></code></p>
<p><code><em>Le lien que tisse Hélène Dorion entre la sphère intime et le monde qui nous est apparemment extérieur est très profond. C'est ce qu'on peut lire aussi chez René Char, dans l'extrait de <ins>Feuillets d'Hypnos</ins> où il évoque ce qu'il appelle la "contre-terreur". Contempler les forces les plus invisibles de la nature en train de se mouvoir devient alors pour le maquisard un moyen de trouver en son for intérieur la force de résister à la peur.</em></code></p>
<p><code>Pour être originaux, il vous reste à tisser des liens avec les œuvres que vous avez lues. Ainsi, malgré la question de grammaire intermédiaire, la transition vers l'entretien pourra être plus efficace - en tout cas au second oral blanc.</code></p>
<hr />
<h3>Complément que je vous ai envoyé par mail à l’issue du cours, avec des conseils méthodologiques pour l’interprétation</h3>
<p>Pour votre préparation, et pour clore donc l’étude de ce texte, je reviens donc ici en quelques mots sur ce que l’on peut retenir à la fois de la méthode de l’interprétation et du poème lui-même. Je vous remercie de lire tout cela attentivement.</p>
<h4>Pour consolider votre méthode</h4>
<p>S’agissant de la façon d’interpréter un texte, nous faisons face à des poèmes parfois difficiles à lire, en ce que les images, par exemple, laissent peu d’indices sur ce à quoi elles réfèrent : ce sont souvent des métaphores in absentia : nous disposons du comparant, pas toujours du comparé (ce qui est comparé au comparant).</p>
<p>Ainsi, « une aile », c’est probablement une synecdoque (un mot qui par figure désigne la partie pour le tout, comme la voile pour le bateau), mais que dire de « l’arbre foudroyé », de « l’élan de la neige » qui « recouvre la terre » ? Sont-ce même d’ailleurs toujours des métaphores ? Manifestement, certaines images sont des vues de la nature, qui n’appellent pas nécessairement, ou pas immédiatement de lecture métaphorique. Mais face à de telles images, la tentation est grande, souvent, de laisser parler notre sensibilité, de confronter le texte à notre culture personnelle pour le lire. Au risque d’avoir petit à petit le sentiment que tout pourrait être dit, autrement dit rien de totalement fiable.</p>
<p>C’est là que, méthodologiquement, notre culture et notre sensibilité doivent trouver un allié : le réflexe consistant à s’aider du contexte pour éclairer le texte. Par exemple, dans le poème de René Char que nous avons lu, le « diable » s’interprète à la fois par la culture (le diable tente et fait se fourvoyer les hommes, dans la culture judéo-chrétienne), par l’étymologie (ce qui est diabolique sépare, ce qui est symbolique réunit), par le contexte historique (René Char fait alors partie de la Résistance) et par le contexte poétique (dans le même recueil, à propos de Georges de La Tour, le poète évoque les « ténèbres hitlériennes » ; dans le même poème, l’exclamation finale parle d’une « heure » et d’un « lieu » où le « diable » aurait « fixé rendez-vous » au poète et à ses compagnons : cette dernière image pourrait bien évoquer la mort). Ce qu’il vous faut absolument retenir, c’est que chaque vers prend sens à la croisée de tous ces éléments. Autrement dit, le sens de chaque vers, de chaque image dépend de son contexte, à l’échelle du poème comme du livre tout entier : ce sont autant d’aides pour compléter ou infléchir une lecture qui reposerait uniquement sur notre sensibilité (ce qui est valable mais insuffisant) et notre culture (idem).</p>
<p>Je vais le formuler encore différemment : ce qui signe la valeur d’un grand texte, c’est qu’il continue à être lu longtemps après avoir été écrit, alors même que la sensibilité et la culture des lecteurs qui s’en emparent ne sont plus les mêmes qu’à l’époque de sa création ; mais ce qui nous aide à rejoindre les lecteurs de jadis sur un ou des sens possibles, ce sont le texte et son contexte, tant immédiat qu’au sein de l’œuvre.</p>
<hr />
<h4>Pour interpréter notre poème</h4>
<p>J’en reviens donc au poème « Le chemin qui monte vers toi » : j’espère que vous avez noté les échos avec ceux qui le précèdent de quelques pages et qui laissent à penser qu’Hélène Dorion évoque à la fois une présence ou un être présent, et le monde prêt à surgir, comme en partie réparé.</p>
<p>Bien sûr, des images renvoient quelque chose de négatif : est-il encore question de destruction ? Notre poème est situé vers la fin et non au début de la section « L’onde du chaos ». Il n’est pas centré sur les désordres du monde comme le sont les premiers textes de cette partie du livre, mais sur ce qui permet, comme en témoigne le dernier vers, que le monde à nouveau surgisse. Et cela, c’est dit à trois reprises : c’est le « désir ».</p>
<p>Certes, la poète ne dit pas de quel désir il s’agit très explicitement, quel est l’objet désiré. Le foudroiement peut faire penser au coup de foudre (mais on songe d’abord aux arbres foudroyés, tout simplement : le texte n’est ni immédiatement, ni exclusivement métaphorique chez Hélène Dorion) ; la montée vers l’autre, à un rapprochement des corps, voire une union charnelle. Mais le texte ne va pas explicitement jusque-là : Hélène Dorion n’a pas écrit des métaphores pour qu’elles soient déchiffrées, mais plus probablement pour qu’on y voie l’union profonde entre les choses, pour que l’on soit attentif à une ressemblance trop souvent mal perçue, entre la vie de la nature (arbres foudroyés, oiseaux qui percent le ciel, neige qui recouvre la terre d’un surprenant élan - et non plus classiquement d’une tombée - , feuille qui appelle le fruit et la fleur…) et celle des hommes (chemin qui monte vers l’autre, « désir de voir toucher dire »). Le point commun ? Ce mot récurrent et qui est au cœur de la strophe en forme de leçon finale, comme cela a bien été dit : le désir. C’est-à-dire ce qui pousse vers l’autre, ce qui nous fait « monter » vers l’autre, avec ce que cela comporte de douleurs (la brûlure, le percement, la rupture, la déchirure…) et de contact, même infime ou fragile (« la peau fragile de nos rêves »). Mais Hélène Dorion ne propose pas un poème sur l’amour seulement ; elle ne saurait se restreindre au champ des relations humaines dans ce livre : avec le désir, grâce au désir, « le monde surgit ». Le désir, moteur de l’amour, apparaît la métaphore du fonctionnement de la nature, et pour Hélène Dorion, des hommes : ce qu’elle nous dit, c’est que par le désir, quoi qu’il provoque comme conséquences, nous ressemblons à cette nature dont nous faisons partie.</p>
<p>Dès lors, le poème n’est donc pas ou plus un texte obscur qui dissimulerait en un triptyque une nuit d’amour (« désir de voir toucher dire »), pour le plaisir d’user le cerveau des lecteurs. Il est une façon de réunir ce qui paraît, ce qui est peut-être disjoint et ne devrait pas l’être : le foudroiement de l’arbre et l’éclosion d’une fleur, la brûlure et la neige, la fragilité de nos rêves et le surgissement du monde, les hommes et la nature. Déclinaison des manifestations du désir, tout dans ce texte est mouvement, contact, relation : chute, envol, foudroiement, percement, déchirure… Il est bien question d’exprimer ce qu’est le désir d’atteindre quelque chose, ou quelqu’un. Une feuille, le fruit ; une femme, l’être qu’elle aime.</p>
<p>S’il y a chaos c’est donc désormais un chaos naturel, et non plus un chaos exclusivement destructeur. Dans « l’onde du chaos », ou pour le dire avec une formule voisine, dans « le sillage de la nuit », la poète « remonte » (vers l’autre, ou remonte absolument, tout court) et nous invite à voir dans les forêts et entre les hommes les mouvements et les désirs qui les font se ressembler les uns aux autres.</p>
<p>Ces éléments de réflexion, d’interprétation, je vous invite vivement à les méditer pour construire, à l’aide ensuite du guide de relecture ci-dessus, une explication personnelle convaincante.</p>Guide de relecture : "Il fait un temps de bourrasques..." (lecture 6/16)urn:md5:782f85b10204aceb169cb129d65123f52024-02-13T10:53:00+00:002024-02-13T16:13:05+00:00PGDanset1re<p>Voici un nouveau guide pour votre travail de relecture, cette fois consacré à l’œuvre d’Hélène Dorion, et en l’occurrence au premier poème que nous avons étudié dans <ins>Mes forêts</ins>, dont le premier vers est : “Il fait un temps de bourrasques et de cicatrices”.</p>
<p><code>Je le rappelle ici : contrairement à ce que vous pourrez trouver sur d'autre sites, lesquels fournissent parfois des explications prétendument clé en main, ce guide est étroitement lié à nos cours, d'une part, et conçu pour vous faire réfléchir, d'autre part. Il vous invite à questionner de nouveau le texte travaillé ensemble, car c'est ainsi que vous mettez toutes les chances de votre côté pour réussir l'épreuve.</code></p> <hr />
<h3>Situer et caractériser le texte</h3>
<ul>
<li>Je vous invite avant toute chose, comme pour chaque préparation de texte en vue de l’oral, à reprendre vos notes, à commencer par celles qui concernent la section intitulée “L’onde du chaos” : sa place dans l’œuvre, le volume qu’elle représente, l’épigraphe par laquelle elle s’ouvre (“Aux aguets, nous faisons écho / Aux rumeurs de l’abîme” - Kathleen Raine)…</li>
<li>C’est dans cette section que le regard d’Hélène Dorion sur notre monde <em>dans tous ses états</em> est le plus acéré, le plus vif, le plus inquiet aussi, sans doute.</li>
<li>Pensez cependant à garder de la nuance. Si “L’onde du chaos” réunit des poèmes de la catastrophe, du temps décousu, de la terre indéchiffrable et ravagée, nous avons aussi observé deux phénomènes au moins : la réversibilité de certains signes d’une part (à l’échelle de tout le livre, mais de cette section notamment), et l’évolution de cette vision du monde, au fil de la section, avec une ouverture presque porteuse d’espoir à la toute fin.</li>
<li>Quoi qu’il en soit, notre poème est aussi à situer par rapport à sa place dans “L’onde du chaos” - il fait partie des premiers ; il contribue donc à installer la tonalité de cette section -, et en résonance avec les autres poèmes de la section : il s’ouvre par une anaphore, récurrente à l’échelle de cette partie du livre, qui confère à cette dernière sa signature propre.</li>
<li>Pensez à dire à un moment ou à un autre, lorsque vous le présenterez dans ce temps liminaire, que ce poème, à l’instar de l’ensemble du livre, est composé en vers libres (ni rimes, ni mètres identifiables - par mètres, on entend : alexandrins, décasyllabes, octosyllabes, etc.). Revoyez la définition du vers libre si nécessaire.</li>
</ul>
<hr />
<h3>Élaborer un projet de lecture</h3>
<p>Là encore, relisez le texte, puis vos notes. Quelle formule résumerait pour vous l’essentiel du poème ? Essayez-en plusieurs : <em>c’est un poème qui offre la vision d’un monde…</em>.</p>
<p>Je pense que vous gagnerez à conjuguer deux aspects que le texte articule : l’image d’un monde détruit, et la question de ce qui peut, par la parole, tenter (en vain ?) de le réparer.</p>
<hr />
<h3>Indiquer les mouvements qui composent le texte</h3>
<p>Trois mouvements inégaux composent le texte. On pourrait même parler d’un poème en deux volets, construits autour d’un vers central.</p>
<ul>
<li>Trois strophes, au début du poème, nous invitent à porter notre regard avec gravité sur un monde détruit et désolé.</li>
<li>Le vers central, tourné vers le XXe siècle, est peut-être l’acmé de cette déploration.</li>
<li>Trois strophes clôturent le poème en introduisant plus nettement la poète puis les hommes dans son texte.</li>
</ul>
<hr />
<h3>Expliquer le texte de façon progressive et détaillée</h3>
<h4>Les trois premières strophes offrent une vision de notre monde : celle d’une terre “ravagée”.</h4>
<ul>
<li>Comment qualifieriez-vous la formule d’ouverture ? Pourquoi ? Je vous invite notamment à étayer votre interprétation en commentant le choix du pronom sujet. N’hésitez pas à vous référer, sans y perdre trop de temps, aux autres tournures impersonnelles qui scandent la section.</li>
</ul>
<p><code>Remarque complémentaire : entendons-nous bien, l'enjeu n'est pas seulement de faire état d'un repérage, ni même de se satisfaire de souligner la cohésion du livre en disant : <em>cette anaphore est présente dans d'autres textes</em>. Cela, c'est une observation utile, nécessaire, mais insuffisante. Ce qui compte, c'est de s'interroger sur la récurrence de cette formule : pourquoi Hélène Dorion a-t-elle éprouvé le besoin de la répéter et de la décliner au long de la section "L'onde du chaos" ?</code></p>
<ul>
<li>Comment interprétez-vous le terme “temps”, au cœur de l’image ?</li>
<li>Que pensez-vous de l’association faite dans la métaphore (“bourrasques” et “cicatrices”) ?</li>
<li>N’hésitez pas à vous arrêter sur la première partie de l’image (“un temps de bourrasques”). Elle me semble particulièrement représentative de l’écriture d’Hélène Dorion dans <ins>Mes forêts</ins>, porteuse de métaphores vives, au sens où, littéralement, notre époque voit en effet se multiplier les phénomènes climatiques extrêmes. Autrement dit, le mot “bourrasques” peut être pris au sens propre, comme dans son sens métaphorique.</li>
<li>Comment le second vers enrichit-il cette évocation ? Je vous invite à le mettre en regard avec le premier, mais aussi à interpréter le blanc qui suit le mot “chute”.</li>
<li>À quoi “séisme” et “chute” renvoient-ils ?</li>
</ul>
<hr />
<ul>
<li>La seconde strophe donne une image plus détaillée de cette destruction.</li>
<li>Comment le premier vers de cette strophe prolonge-t-il la “chute” ?</li>
<li>N’hésitez pas à souligner le caractère encore quelque peu abstrait de l’image véhiculée par le premier vers.</li>
<li>Que pensez-vous de cette image ? Quel(s) effet(s) de sens le verbe tomber suscite-t-il de votre point de vue, en tant qu’il a le nom “promesses” pour sujet ? Songez aussi, pourquoi pas, à une expression imagée elle aussi, mais lexicalisée, c’est-à-dire entrée dans la langue courante, et qui ne fait plus image : on dit souvent de quelqu’un qui nous vend des illusions qu’il fait des <em>promesses en l’air</em> (cela a été rappelé par l’un d’entre vous en cours).</li>
<li>Une autre idée, partagée en classe : les promesses ne tomberaient-elles pas parce qu’il n’y a plus d’homme pour les entendre ? Il faudrait donc voir là une hyperbole à l’accent prophétique : l’image d’un monde sans humanité.</li>
<li>Chaque mot compte, y compris le déterminant défini, “les”, qui peut surprendre : de quelles promesses s’agit-il ? En tout état de cause, il confère une portée généralisante à l’expression.</li>
<li>La comparaison avec les vagues est retardée, du fait du passage au vers suivant. Mais elle enrichit encore le sens de cette chute des promesses : qu’en dites-vous ?</li>
<li>Et le sens de se déployer plus largement encore avec l’étonnant complément de lieu : “sur aucune rive”, que l’œil ne pouvait prévoir, en raison de l’absence de l’adverbe “ne” qui aurait dû le précéder. Comment interprétez-vous ce choix, et ce complément de lieu qui n’indique aucun lieu ?</li>
<li>On comprend mieux, à lire les trois premiers vers de cette strophe, un des effets du vers libre, forme qu’a choisie Hélène Dorion. Ici, il faut trois vers pour que peu à peu le sens gagne en profondeur. Si tout avait figuré en un seul vers, chacun des groupes (“les promesses tombent / comme des vagues / sur aucune rive”) n’aurait, en somme, pas eu le temps nécessaire à sa décantation pour le lecteur.</li>
</ul>
<p><code><strong>Conseil n°1 :</strong> S'agissant de l'absence du "ne" dans le système négatif, ici, n'entrez pas dans une réflexion grammaticale plus poussée que cela : l'explication littéraire et la réponse à la question grammaticale sont des temps différents au sein de cette épreuve orale.</code></p>
<p><code><strong>Conseil n°2 :</strong>Toutefois, vous êtes autorisés, pendant l'explication, si cela vous paraît plus aisé ainsi, à <strong>répondre à la question grammaticale lorsque vous parvenez au passage sur lequel elle porte</strong>. Il vous faut simplement en formuler la demande : "Si vous le permettez, à la façon d'une parenthèse, je vais répondre ici à la question grammaticale que vous m'avez posée". Par expérience, l'effet est tantôt réussi, tantôt raté, suivant le niveau des candidats : en cas de doute sur l'approche à privilégier, séparez donc les deux temps.</code></p>
<ul>
<li>Je vous propose un pas de côté, que vous pourrez faire ou non au cours de votre explication. Tout dépend du temps dont vous disposez et du projet de lecture qui sous-tend votre propos. Vous pourriez utilement mettre en évidence l’écho entre le vers “sur aucune rive” avec les vers suivants, dans le troisième poème qui commence par “Mes forêts…”. Là, des rivages existent où peuvent s’inscrire les choses, rivages articulés avec la vie de la poète.</li>
</ul>
<blockquote><p>Mes forêts sont des rivages
accordés à mes pas la demeure
où respire ma vie</p></blockquote>
<ul>
<li>La poète passe ensuite des “promesses” aux “oiseaux” : que dire de cette progression ?</li>
<li>Peut-être peut-on faire un parallèle entre les promesses, qui n’ont “aucune rive” où échouer, et les oiseaux, qui “demandent refuge” ?</li>
<li>Que produit le verbe “demander” ? Que “demandent” les oiseaux pour vous ? À qui, ou à quoi cette demande est-elle adressée ?</li>
<li>Vous pourriez réfléchir à la construction des vers, aux retours à la ligne : “à la terre ravagée” complète manifestement le verbe “demander”. Mais en même temps, on peut lire les deux vers ainsi : “à la terre ravagée (sous-entendu, sont rendus) / nos jardins éteints / entre l’odeur de rose et de lavande”. La lecture à voix haute donnera utilement une indication de votre choix. Le plus évident reste le premier enchaînement (“les oiseaux demandent refuge / à la terre ravagée”). Mais l’absence de ponctuation, on le vérifie ici, ouvre un potentiel de significations et offre un champ d’interprétation étendu au lecteur.</li>
<li>Comment interprétez-vous la référence aux jardins, pris “entre l’odeur de rose et de lavande” ? Qu’expriment à vos yeux ces quelques vers ?</li>
</ul>
<hr />
<ul>
<li>Combien de vers dans la strophe suivante ? Cela peut-il être interprété en étant mis en relation avec ce qui est dit, et ce qui était dit dans la strophe précédente ?</li>
<li>Vous aurez noté la reprise de la formule initiale : par-delà son tout début - il fait un temps… -, pouvez-vous mettre en évidence des effets d’écho avec le premier vers ?</li>
<li>L’image change. Qu’en dire ? Quel intérêt de ne pas écrire “verre brisé”, plus convenu que “verre éclaté” ? Que véhicule l’adjectif “éclaté” ?</li>
<li>Le “verre éclaté”, sans doute, appelle les “écrans morts” du vers suivant. Que dire de cette expression ? Que penser des adjectifs choisis pour qualifier les “jardins” et les “écrans” (je vous repose cette question à la suite d’une excellente remarque faite en cours ; la poésie d’Hélène Dorion cherche à surprendre par des associations de mots inattendues : c’est sans doute en grande partie ainsi qu’elle tente de modifier notre regard sur le monde) ?</li>
<li>Qu’entendez-vous si vous dites à voix haute le vers : “d’écrans morts de nord perdu” ?</li>
<li>Comment interprétez-vous l’espace ?</li>
<li>Que dire de l’expression “nord perdu” ? En l’interprétant, vous pouvez peut-être mettre de côté, pour une ouverture en fin de conclusion, un rapprochement avec le début du dernier poème de l’œuvre, qu’en dites-vous ?</li>
<li>Même questionnement au vers suivant, entre les deux adverbes interrogatifs.</li>
<li>Pourquoi ces derniers sont-ils employés ici sans que rien ne vienne les prolonger, et préciser la question ?</li>
</ul>
<hr />
<h4>Au cœur du texte, un vers rétrospectif nous invite à voir, et même à juger le siècle écoulé.</h4>
<ul>
<li>À distinguer donc, ce vers seul semble, avec la profondeur de champ que lui donne l’histoire, quitter un instant le “temps” présent “de bourrasques et de cicatrices”. Comment l’interprétez-vous ? Simple jugement porté sur le XXe siècle ? Esquisse d’explication au “pourquoi” et au “comment” du vers précédent ?</li>
<li>Pensez, même si cela vous paraît simple, à commenter l’adjectif qui ouvre le vers (“tout”), mais aussi l’absence de verbe conjugué. Essayez de dire et de redire ce vers, en trouvant une intonation qui vous semble juste. Qu’exprimez-vous ainsi ?</li>
</ul>
<hr />
<h4>Les trois dernières strophes achèvent le déploiement de cette image du monde, mais en faisant place, cette fois, à la poète et à l’humanité.</h4>
<p><code>Bref point de méthode, pour l'oral : dans ces guides de relecture, je rédige intégralement les phrases de transition qui correspondent aux mouvements successifs du texte, ceci à la fois pour que le propos soit clair, et pour que vous fassiez de même, ainsi que je vous le conseille souvent, dans le cadre de votre préparation. On formule mieux des transitions que l'on a écrites - même si le reste ne doit pas être rédigé. Cela donne des balises claires pour votre auditeur et examinateur. Deuxièmement, vous remarquerez que j'évite d'alourdir le propos en parlant de façon répétée du "premier mouvement", du "deuxième mouvement", etc. Mais je fais des détours qui disent la même chose et fournissent ainsi un repère clair de ce qui va être expliqué ensuite.</code></p>
<ul>
<li>La première strophe s’ouvrait par un regard sur notre époque. Qu’est-ce qui est au cœur du premier vers cette fois ?</li>
<li>Comment interpréter le “chant” et surtout son action, “soule(ver) la poussière” ? En quoi cette image peut-elle être riche de sens ?</li>
<li>Quel sens donnez-vous à l’évocation de “spectacles muets”, notamment lorsque vous les mettez en regard avec le “chant” du vers précédent ? Que sont ces “spectacles” ? Qu’est-ce qui les rend <em>spectaculaires</em> ?</li>
<li>La métaphore du “trou béant” peut assez facilement être interprétée ; de même celle de la “maison noire des mots” (vous pourrez d’ailleurs réfléchir à la façon dont cette maison pourrait être moins noire, mais aussi plus simplement au choix du nom “maison”, à mettre en relation avec la deuxième strophe). Mais le plus intéressant sera peut-être d’y revenir lorsque vous analyserez la strophe suivante.</li>
</ul>
<hr />
<ul>
<li>Au début de l’avant-dernière strophe, quelle variation la poète opère-t-elle par rapport à la formule inaugurale ?</li>
<li>Comment interpréter l’incomplétude du premier vers (“jamais assez”) ? Les espaces (plusieurs interprétations me paraissent possibles) ? Les répétitions ? Le raccourcissement des vers ? Quels liens faire avec la strophe précédente ? Qu’est-ce qui se <em>défait</em> ici ?</li>
<li>En quoi ces vers font-ils écho à ce qui précède : “on ne pourra pas toujours / tout refaire” ?</li>
<li>Comment interpréter le fait d’avoir distribué les constituants de cette phrase en deux vers ? En d’autres termes, qu’apporte la suspension avant “tout refaire” ?</li>
<li>Qui le “on” désigne-t-il ? Que signifie pour vous le glissement de la première personne, avec “mon chant”, à cette troisième personne ?</li>
</ul>
<hr />
<ul>
<li>De nouveau, le “temps” est associé à des noms qui caractérisent notre monde et notre époque. Que dire de ces termes ? Qu’entendez-vous en les proférant, qui vient souligner leur sens ? Je vous renvoie notamment à l’éclairage proposé en cours sur le mot “bile”.</li>
<li>l’éboulis renvoie bien sûr de nouveau à la destruction : amoncellement de débris. Toujours la fragmentation. Le mot semble généré phoniquement par « bile ». Proximité des sons.</li>
<li>Hélène Dorion n’écrit pas ”mes”, mais bien “<em>les</em> forêts”, ici. Comment interprétez-vous ce choix ?</li>
<li>Comment interprétez-vous l’image suivante : “sous nos pas” ?</li>
<li>Et le tremblement des forêts ?</li>
<li>Songez qu’on peut lire aussi le complément avec le dernier vers : “sous nos pas / la nuit approche” : et l’association suggérerait alors autre chose.</li>
<li>le verbe approcher a un aspect qu’en grammaire on appelle “imperfectif” : il renvoie à quelque chose de commencé (le mouvement) et d’inachevé. Le dernier vers laisse donc en suspens la venue d’un événement - que par métaphore la poète appelle “la nuit”.</li>
</ul>
<hr />
<h3>Conclure</h3>
<p>C’est le sixième texte dont vous préparez l’explication, et il est assez accessible : aussi puis-je me permettre de vous renvoyer ici à votre travail de préparation. Quel était votre projet, votre angle de lecture ? Revenez-y pour conclure, mais pas en vous répétant : si par exemple, après votre lecture, vous avez dit : ”Je vais tenter d’expliquer ce qui donne sa force à ce poème sur un monde abîmé”, en conclusion, vous pourrez résumer ce sur quoi reposait cette “force”.</p>
<p><code>Méthodologiquement, on a donc toujours intérêt à penser formulation du projet de lecture et conclusion ensemble, comme à l'écrit en commentaire notamment.</code></p>
<p>À votre place, j’accorderais une place particulière aux motifs de la “chute” et de “l’éboulis”, auxquels succède la “nuit”, pour reprendre des mots du texte. Tout se passe comme si chutaient le “temps”, les “promesses”, les “oiseaux” peut-être aussi, en quête d’un introuvable abri ; tout chute et disparaît, comme le sens de l’orientation (cf. le “nord perdu”) ; tout, sauf peut-être “la poussière” soulevée par le “chant” de la poète. Mais, signe que “la nuit approche”, la “maison (…) des mots” est “noire”, et les mots semblent eux aussi se morceler vers la fin du poème, pour former un “éboulis”. Comme si la destruction du monde menaçait le langage poétique qui s’efforce pourtant de la dire et de l’interrompre.</p>
<hr />
<h3>Prolonger</h3>
<ul>
<li>Pour une ouverture intéressante, je vous ai proposé maints échos internes à l’œuvre ci-dessus : je vous y renvoie, non seulement pour eux-mêmes, mais aussi d’un point de vue méthodologique : relisez votre livre, et vous trouverez sans aucun doute de nombreux rapprochements possibles.</li>
</ul>
<p>@@Rappelez-vous : une ouverture ne consiste pas à poser une question nouvelle - surtout pas : quel est l’intérêt de poser en dernière phrase une question qui restera sans réponse ? Si vous tenez à une interrogation, qu’elle soit rhétorique. Si vous proposez un rapprochement avec un autre texte, une autre œuvre, justifiez-le en précisant quelles ressemblances et quelles différences intéressantes on peut relever avec profit. Enfin, pensez, pourquoi pas, à l’œuvre que vous allez présenter si elle fait écho en quoi que ce soit au poème et à <ins>Mes forêts</ins>.</p>Guide de relecture : fragment 141 des Feuillets d'Hypnos (lecture 5/16)urn:md5:d303580ac5de9f3ad90fe73b2eb9c5c52024-02-12T09:58:00+00:002024-02-19T16:55:24+00:00PGDanset1re<p>Voici un guide de travail sur ce très beau poème de résistance qu’est le fragment 141 des <ins>Feuillets d’Hypnos</ins> de René Char.</p>
<p>Bonne relecture !</p>
<blockquote><p>(La période m’obligeant à rédiger assez rapidement ces guides, il se peut que j’y aie laissé des erreurs : n’hésitez pas à me les signaler le cas échéant.)</p></blockquote> <hr />
<h3>Situer le texte</h3>
<p><code>Je vous livre de nouveau ici des éléments assez nombreux ; faites votre miel : évitez les introductions encyclopédiques et hypertrophiées ; allez à l'essentiel.</code></p>
<p>Je vous invite à reprendre vos notes pour présenter René Char en quelques mots :</p>
<ul>
<li>influence d’<a href="https://www.philomag.com/philosophes/heraclite">Héraclite</a> ;</li>
<li>amour de <a href="https://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Arthur_Rimbaud/141035">Rimbaud</a> ;</li>
<li>premiers pas en poésie au sein du groupe des <a href="https://www.beauxarts.com/grand-format/le-surrealisme-en-3-minutes/">Surréalistes</a> ;</li>
<li>entre 1942 et 1944, sous le nom de capitaine Alexandre, chef du secteur de l’Armée Secrète Durance-Sud, puis chef de la section atterrissage parachutage de la zone sud …).</li>
</ul>
<hr />
<h4>Sur l’œuvre : <ins>Feuillets d’Hypnos</ins>, et son contexte de création</h4>
<ul>
<li>René Char (1907-1988) réunit dans ce livre 237 “feuillets” : des récits liés au quotidien de la guerre et de la Résistance, qui relatent des réalités parfois triviales et dures, mais aussi de brefs poèmes en prose proches de <a href="https://www.cnrtl.fr/definition/aphorisme">l’aphorisme</a> à la manière du poète de l’Antiquité grecque Héraclite.</li>
<li>Bref rappel sur le poème en prose : cette forme de poème existe depuis le XIXe siècle : il a probablement été inventé par Aloysius Bertrand, puis rendu célèbre par Baudelaire, et déployé avec éclat par Rimbaud, pour le dire de façon rapide et schématique.</li>
<li>Le poète renonce à la publication durant la guerre, mais aussi à l’ampleur du verbe hugolien (il veille à « ne pas demeurer dans la stratosphère du Verbe », comme il l’écrit dans le feuillet 19), à l’illusion romantique (sa parole est sans doute libératrice, ne serait-ce que pour lui-même, mais contrairement aux poètes romantiques du XIXe siècle, il n’en fait pas un vecteur de changement du monde).</li>
<li>Char efface en somme sa propre figure pour mettre en avant, de façon fictive, celle d’Hypnos, dieu du sommeil, fils de la nuit et frère jumeau de Thanatos, dieu de la mort. Ce choix, qui correspond aussi à la période définie par Char comme celle couverte par le recueil (l’hiver 1943-1944 - alors qu’on sait que les premiers textes sont plus anciens), est empreint du sceau du renoncement. On peut voir aussi dans cette figure d’Hypnos, rattachée à la nuit, celle du maquisard précisément, que la nuit protège et dissimule.</li>
<li>Le nom “feuillets” remplace le terme “carnet” initialement choisi par Char pour nommer cet ensemble de notes prises pendant la période ; sa poésie est déliée, au sens figuré comme au sens propre : Char retrouve son carnet, en partie détruit, et en libère les feuilles avant de les retravailler en vue de leur publication en 1946.</li>
</ul>
<p><strong>En somme, dans ce livre, René Char - Hypnos est à la fois un poète en sommeil et un poète combattant, qui entend « agir en écorché plutôt qu’en guerrier ». Ses textes, écrits au gré des circonstances, ne prétendent pas à l’universalité, mais opèrent un repli sur l’action du maquis et sur l’intériorité du résistant, lieux d’où, en parallèle de l’action, se déploie une poésie chargée de refonder l’homme.</strong></p>
<hr />
<h3>Élaborer un projet de lecture</h3>
<p>Je vous renvoie ici à vos notes. Vous savez maintenant comment échafauder un tel projet, donner à votre explication un fil conducteur, que vous déploierez tout au long de votre oral, avant de réunir vos hypothèses à la toute fin.</p>
<p>Aidez-vous si nécessaire des éléments que je fais figurer ci-dessous pour vous faire réfléchir à des pistes de conclusion possibles.</p>
<hr />
<h3>Préciser comment le texte est composé (indiquer les mouvements du texte)</h3>
<p><code>Je le rappelle, cela n'est pas exigible au Bac. Cependant, beaucoup de candidats précisent quels sont les mouvements du texte ; l'intérêt est surtout pour vous d'organiser une lecture progressive, construite, avec des transitions claires. Lorsque vous commentez un mouvement en particulier, ne soyez pas trop prisonnier des lignes ; au contraire, circulez, lisez le mouvement en question plusieurs fois, sous plusieurs angles. Ce sera particulièrement intéressant dans le cas d'un texte bref comme celui-ci.</code></p>
<h4>Première lecture possible, en matière de composition.</h4>
<ul>
<li>Le poète nomme et caractérise divers fragments de la nature et de son environnement.</li>
<li>Puis dans une ultime phrase, comme si cette nature harmonieuse et réunie lui en donnait la force, il défie “le diable” et les menaces qui pèsent sur lui et sur ses hommes.</li>
</ul>
<h4>Variante :</h4>
<ul>
<li>Le poète nomme et caractérise divers fragments de la nature et de son environnement,</li>
<li>au sein desquels apparaissent progressivement plusieurs figures humaines (un visage, un buste, un compagnon accroupi).</li>
<li>Puis dans une ultime phrase, comme si cette nature harmonieuse et réunie lui en donnait la force, il défie “le diable” et les menaces qui pèsent sur lui et sur ses hommes.</li>
</ul>
<p><code>La variante proposée vous permet, je crois, une articulation plus fine de vos remarques. Je fonde le développement suivant sur elle.</code></p>
<hr />
<h3>Expliquer le texte en détail</h3>
<h4>Dans les premières phrases du texte, le poète nomme et caractérise divers fragments de la nature et de son environnement.</h4>
<p><code>Rappel : à l'instar des guides de relecture précédents, celui-ci attire votre attention sur des choix d'écriture particuliers (vous noterez que je privilégie toujours cette formule à celle des "procédés d'écriture"). Vous aurez donc souvent des propositions de points à observer, desquels induire un sens ensuite. <strong>Mais une fois dans la préparation d'un oral, et lors de sa mise en œuvre face à l'examinateur, énoncez en premier lieu la remarque que vous souhaitez faire sur le sens, puis étayez-la d'une observation sur l'écriture. Sinon, vous donnerez la malheureuse impression d'un catalogue de relevés, sans cohérence, ni volonté de démonstration. En d'autres termes, on doit entendre ce que vous voulez démontrer, avant d'écouter votre démonstration.</strong></code></p>
<ul>
<li>Même si ce n’est pas un titre, la mention du numéro “141” vous donne l’occasion d’un commentaire sur l’esthétique du fragment qui caractérise l’ensemble des textes du livre, et singulièrement celui-ci.</li>
<li>Que dire du mot-seuil forgé par René Char : “contre-terreur” ? Pensez à commenter le déterminant défini (comment l’interpréter, par opposition à un déterminant indéfini par exemple, qui donnerait : “une contre-terreur, ce serait…” ?)</li>
<li>Le texte est fondé sur deux figures de construction : d’une part, sur une anaphore : celle de la tournure présentative “C’est…”. D’autre part, le texte se déploie suivant le principe de l’énumération. Comment interprétez-vous le fait de définir à plusieurs reprises ce qu’est pour Char la “contre-terreur” ?</li>
<li><code>Pour aller plus loin</code> : sur un plan esthétique, ce qui est intéressant, c’est que par cette tournure, Char efface un élément très fréquent de la poésie lyrique : le “Je” (le prénom qui désigne le sujet lyrique).</li>
<li>Pourquoi un déterminant démonstratif ici selon vous : “ce vallon” ? Ce même déterminant, Char l’emploie à plusieurs reprises dans le poème, avec sans doute le même effet. Sont-ces des éléments de la nature qu’il saisit par la vue (ce que corroborerait l’emploi du présent) ? Ou les a-t-il vues, et se les rappelle-t-il ?</li>
<li>Le vallon peut faire écho à un poème que vous connaissez.</li>
<li>Je vous invite à observer et faire sonner les consonnes (donc ici, les allitérations) : “la conTRe-TeRReuR, c’est ce vaLLon que Peu à Peu le Brouillard CombLe”. Qu’en pensez-vous ? Plus loin, Char recourt à une image qui pourrait bien trouver son sens ici : celle de la “pesanteur bien répartie”.</li>
<li>Pensez aussi aux assonances (les sons vocaliques) : “vallon”, comble”</li>
</ul>
<p><code>Rappelez-vous : les sons n'ont jamais de sens en eux-mêmes. On rencontre encore des interprétations au Bac et sur la toile qui évoquent des sons supposément "durs", ou doux, et ainsi de suite... Proscrivez ces lectures totalement arbitraires. En réalité, un son n'est dur que rapporté au mot qui le déploie, ou à d'autres sons auxquels l'écrivain l'a manifestement opposé. "Tintement" et "contre-terreur" comportent tout deux T, par exemple : mais l'allitération en T véhicule-t-elle la même sensation, et partant, le même sens ? Par voie de conséquence, <strong>lorsque vous interprétez la répétition d'un son donné (allitération ou assonance), ou encore d'un rythme particulier, reportez-vous, tout simplement, et en toute sérénité, au sens littéral de l'extrait concerné.</strong></code></p>
<ul>
<li>Enfin, examinez le rythme : c’est ce vallon / que peu à peu / le brouillard comble. Qu’en dire selon vous ?</li>
<li>De même, je vous invite à être sensible tant à l’image qu’aux sons, et à les interpréter dans le segment suivant : “c’est le fugace bruissement des feuilles comme un essaim de fusées engourdies”. Pourquoi pas faire entendre aussi la régularité des 10 dernières syllabes (à partir de “comme”).</li>
<li>Prenez le temps de décomposer, puis de recomposer l’image de l’ “essaim de fusées engourdies”. Que suggère la première association (essaim de fusées), et l’oxymore (“fusées engourdies”) ?</li>
<li>Voyez si des parallèles sont possibles avec ce qui suit : par exemple, les “mille traits” que tirent les insectes sur “l’écorce tendre de la nuit”.</li>
<li>Faut-il voir aussi, dans ces “mille traits”, et dans cette “pesanteur bien répartie”, une référence au poème lui-même ?</li>
<li>Que dire de cette “écorce tendre de la nuit” ? Veillez à la polysémie de l’adjectif tendre (qui renvoie aussi bien à la tendreté du bois… qu’à la tendresse).</li>
<li>Vous pouvez, avec plus de recul et en comptant les syllabes, comparer les différentes propositions que juxtapose l’énumération : il s’en dégage une impression de régularité (alors qu’elles ne sont pas équivalentes en nombre de syllabes, mais cela, grâce à des séquences de 4 syllabes nettement sensibles), et de relief (certaines étant plus longues).</li>
<li>“Brouillard”, “circulation ouatée d’animaux et d’insectes”, “graine de luzerne”… : qu’ont en commun les éléments qu’énumère le poète (plusieurs réponses sans doute sont possibles) ?</li>
</ul>
<hr />
<h4>Au milieu de ces éléments de la nature, apparaissent ensuite et progressivement des figures humaines (un visage, un buste, un compagnon accroupi).</h4>
<ul>
<li>Même travail d’analyse et d’interprétation que précédemment, à faire sur cet extrait : “c’est cette graine de <a href="https://www.cnrtl.fr/definition/luzerne">luzerne</a> sur la fossette d’un visage caressé”. L’effet d’écho sonore est sensible au début ; songez aussi au son du E dit ouvert (le même son que l’on entend dans “cette”, “graine”, luzerne”, “fossette”).</li>
<li>On peut s’attarder sur le motif de la caresse. Quelle image, employée plus haut, ce motif prolonge-t-il ? Que dire de cet effet d’écho, par rapport à l’interprétation générale que vous entendez donner du poème ?</li>
<li>On peut s’arrêter sur ce visage dont on ne saura rien d’autre : la saisie demeure fragmentaire ; le poème, une esquisse. Mais la mémoire du poète sans doute travaille. Chacun pourra, à son tour, fixer les traits de quelqu’un grâce à cet indéfini : “un visage caressé”. C’est là notamment que le texte acquiert une portée universelle, au-delà de l’espace et du temps du maquis.</li>
<li>Que lire dans l’image de “l’incendie de la lune”, aussitôt récusé (en effet, il “ne sera jamais un incendie”) ? Y voyez-vous, comme c’est souvent le cas plus haut, une image au ras de la prise de vue, un instantané de la nature, capté par l’œil du poète (une lune rousse, par exemple) ? Une formule qui apaise les inquiétudes (après tout, la lune ne prendra pas feu, quoi qu’il arrive sur Terre) ? Le rejet d’une image typique du romantisme, celle de la lune, réceptacle des émotions et de la mélancolie des hommes ?</li>
<li>Le “visage” n’est pas le seul terme à être précédé d’un indéfini. C’est le cas aussi dans l’expression : “un lendemain minuscule…”. Quel lien peut-on faire entre ces déterminants indéfinis et les “intentions (…) inconnues” du lendemain ? Le contexte d’écriture du texte peut-il permettre d’interpréter le choix de ces déterminants ?</li>
<li>Pourquoi, selon vous, ce lendemain est-il “minuscule” ? Référez-vous à l’expérience des résistants, peut-être, pour y réfléchir.</li>
<li>Sur l’image du buste aux couleurs vives - “c’est un buste aux couleurs vives qui s’est plié en souriant”, de nombreuses hypothèses ont été émises en cours, que je vous laisse reprendre. Comme souvent chez Char, et dans ce poème notamment, dominent les <a href="https://www.unige.ch/lettres/framo/enseignements/methodes/frhetorique/fr021000.html#:~:text=La%20métaphore%20in%20absentia%20propose,être%20évoquée%20par%20le%20destinataire.">métaphores in absentia</a>. Il manque donc, dans la comparaison qu’opère la métaphore, l’élément comparé. Ce peut être parce que, pour le poète, il relève de l’évidence (un tableau qu’il a sous les yeux ?), ou bien parce que les choses sont nommées telles qu’elles sont perçues, ou telles qu’elles apparaissent au poète, avec le pouvoir qu’il leur confère au moment de leur surgissement ; ou bien encore, parce que le sens doit demeurer ouvert : ce buste, c’est probablement l’image de la femme penchée, avec empathie, croit Char, sur le corps malingre d’un homme (que nous savons être son mari, Job : je vous renvoie à l’histoire de ce tableau de Georges de la Tour), mais aussi bien, l’image peut référer à un autre être (certains parmi vous ont même évoqué la mort d’un frère d’armes, tombé en se sacrifiant).</li>
<li>Quoi qu’il en soit, je vous invite à être aussi attentifs au rythme (3 / 4 / 4 / 4 syllabes) qu’au son (voir les i, qui contribuent à donner à cette proposition son équilibre sonore) et à l’image elle-même.</li>
</ul>
<hr />
<h5>Le tableau de Georges de La Tour : Job et sa femme</h5>
<p><a href="http://eduscol.education.fr/louvre/ecriture/char2.htm">Pour en savoir plus sur cette œuvre.</a></p>
<p><a href="http://lettrines.net/dotclear/public/Illustrations_billets/Tableaux_divers/La_Tour-Job_et_sa_femme-1640-1645.jpg" title="La_Tour-Job_et_sa_femme-1640-1645.jpg"><img src="http://lettrines.net/dotclear/public/Illustrations_billets/Tableaux_divers/.La_Tour-Job_et_sa_femme-1640-1645_m.jpg" alt="La_Tour-Job_et_sa_femme-1640-1645.jpg" style="display:block; margin:0 auto;" /></a></p>
<hr />
<ul>
<li>Apparaît une image plus nette, et probablement plus ancrée dans le réel aussi, d’un homme : le “compagnon”. Pensez à toujours avoir en tête l’intégralité du texte, et les motifs récurrents, les effets de réseau.</li>
<li>Je vous invite à observer le jeu entre les sons, qui passent d’un <a href="http://lettrines.net/dotclear/index.php?post/2024/02/12/k" title="k">k</a> à un <a href="http://lettrines.net/dotclear/index.php?post/2024/02/12/s" title="s">s</a>, ce qui pourrait bien mimer ce qu’éprouve le maquisard. Pour une interprétation convaincante, il faut donner un sens à cette image de “compagnon accroupi” et inquiet. Pas plus que dans une autre, un mot n’est choisi au hasard dans cette image.</li>
<li>Comment interprétez-vous, en lien avec l’image, les points de suspension ?</li>
</ul>
<hr />
<h4>Enfin, dans une ultime phrase, comme si cette nature harmonieuse et réunie lui en donnait la force, le poète défie “le diable” et les menaces qui pèsent sur lui et sur ses hommes.</h4>
<ul>
<li>Commentez cette dernière phrase en partant du plus évident, et en allant vers le plus subtil :</li>
<li>par exemple, commencez par l’exclamation, programmée par l’attaque avec le “Qu’importe” initial. Quel sens donner à cette exclamation ? À cette <em>insurrection</em> de l’être ?</li>
<li>Pensez à commenter le choix du “nous”.</li>
<li>Nous sommes à la toute fin du poème : n’y a-t-il pas là effet de bouclage avec le tout début ?</li>
<li>L’image du diable est très évocatrice. Comment l’interprétez-vous ? Je rappelle ici un point d’étymologie vu en cours : le diable est celui qui divise (il était question d’une ceinture peu de mots auparavant, et le poème, on l’a vu, réunit des fragments de la nature dans sa beauté protectrice, dans sa beauté qui est simultanément protection).</li>
<li>Mais on peut réfléchir aussi à la fixité de l’incertain “rendez-vous”, celui de la mort probable : cette vision inéluctable, celle d’une vie soudain à l’arrêt, en quoi le poème en a-t-il tout du long pris le contrepied ?</li>
</ul>
<hr />
<h3>Réfléchir à des éléments de conclusion</h3>
<h4>Ce texte en prose se fait poème.</h4>
<p>Pour le dire en quelques mots, dans ce poème en prose, la contemplation attentive proche de la célébration (portée toutefois par un lyrisme renouvelé où s’effacent le “je” et la grandiloquence romantique) font du paysage un moyen de rendre à l’homme force, courage et dignité, grâce à une communion avec le monde, à rebours des effets paralysants de la terreur. Il relève comme l’ensemble des <ins>Feuillets d’Hypnos</ins> et une large part de l’œuvre de Char d’une <strong>esthétique du fragment</strong> ; or le fond correspond ici parfaitement à la forme, car le poète entreprend dans ce poème - fragment de saisir des fragments de la beauté du monde pour retrouver une harmonie menacée par les “ténèbres hitlériennes”.</p>
<p>Poème en prose, il est placé d’emblée sous le signe de l’alliance des contraires (par la tension entre prose et poésie). Au-delà de la <em>forme en prose</em>, il s’attache aussi aux réalités <em>prosaïques</em>, c’est-à-dire banales du temps du maquis (un compagnon accroupi, la nature environnante). Le vers est absent, mais le travail sur les images, la musicalité et l’effort de structuration du texte demeurent. Et sur le fond, c’est bien à des réalités très simples de la nature que le poète accorde toute son attention.</p>
<hr />
<h4>Le poème saisit des fragments de beauté.</h4>
<p>L’évocation de la nature procède par images (mais qui sont au moins autant des <em>prises de vue</em> que des métaphores), par des changements d’échelle qui permettent au poète de saisir l’infiniment petit (les insectes) et l’infiniment grand et lointain (l’incendie de la lune). Cette attention au monde se dit sur un mode harmonieux grâce à la musicalité du texte (rythme, sonorités).</p>
<p>La nature est perçue dans ce qu’elle a de plus vivant, de plus “tendre”, mais aussi de plus infime (et apparemment insaisissable).</p>
<p>À cette nature rassérénante s’ajoute probablement l’image réconfortante et presque fortifiante, pourrait-on dire, que Char voit dans le tableau de Georges de la Tour, devenu une allégorie de sa condition de résistant (au point que la référence au tableau est faite sur un mode allusif : il n’est identifiable que par hypothèse et croisement avec le feuillet 178).</p>
<hr />
<h4>La contre-terreur est constituée par ce nouveau rapport au monde.</h4>
<p>En ces temps de guerre et d’occupation, Char entend redonner à l’homme son fondement en rassemblant ce que la terreur menace de disperser. La “pesanteur bien répartie”, c’est aussi l’harmonie rythmique des mots qui contre la pesanteur mal répartie qu’est la “terreur” (songez au “compagnon accroupi” comme sous le fardeau de la peur). Ce que le “diable” menace de division (cf. l’étymologie de diable), de dispersion, la poésie le réunit.</p>
<p>Ce poème n’est pas seulement le texte d’un résistant ; il refait de l’homme un résistant par définition, capable de faire face à la terreur. En effet, il montre un chemin : s’attacher à la beauté, non par désir de contemplation seulement, mais parce que la beauté du monde est salvatrice ; elle justifie la lutte et aide l’homme dans son combat.</p>
<p>Souvenons-nous du feuillet qui clôt le recueil :</p>
<blockquote><p>“Dans nos ténèbres, il n’y a pas une place pour la Beauté. Toute la place est pour la Beauté.”</p></blockquote>
<hr />
<h3>Prolongement possibles :</h3>
<h4>Vers la poésie d’Hélène Dorion</h4>
<p>Si vous voulez donner à la fin de votre travail une touche finale, en forme d’ouverture, songez aux parallèles possibles avec <ins>Mes forêts</ins> d’Hélène Dorion. Quels liens uniraient intelligemment ce poème et cette œuvre ?</p>
<h4>Sur le rôle de la nature en poésie</h4>
<p>Relisez les poèmes de Lamartine, Rimbaud, Anna de Noailles : la nature chez Char joue-t-elle le même rôle qu’au sein de ces textes ? Je pense en particulier à sa fonction chez Lamartine (dont on sent l’écho, quelque peu, chez Rimbaud, avant de découvrir la chute du célèbre “Dormeur du val”).</p>
<hr />
<h3>Question-réponse, sur l’interprétation de la « contre-terreur »</h3>
<h4>Question d’élève</h4>
<p>Nous ne comprenons pas comment nous devons interpréter la “contre-terreur” alors que les phrases censées le définir ensuite viennent contredire ce combat de la peur et, à l’inverse, dépeignent la guerre.</p>
<hr />
<h4>Réponse</h4>
<p>Tout se passe comme si la guerre se trouvait contrée, et avec elle, la terreur qu’elle suscite, par les éléments de la nature environnante, ou mieux, par la façon singulière qu’a le poète de les regarder et de les mettre en scène. La “contre-terreur”, ce serait l’effet de cette capacité à voir certes “mille traits” qui inévitablement pourraient rappeler la guerre, mais “mille traits” liés cette fois aux processions d’insectes.</p>
<p>De même, l’image des “fusées” a toute chance de rappeler au résistant apeuré la guerre dans laquelle il est pris, et la mort qui le menace ; mais elle est englobée dans un élément cette fois naturel : “un essaim de fusées engourdies”. On peut bien imaginer à quel point, dans le maquis, le moindre bruit devait attirer l’attention pour un groupe de résistants sans cesse aux aguets. Mais ici, le bruit est inoffensif et même musical : c’est le “fugace bruissement de feuilles comme un essaim de fusées engourdies”. La comparaison prend sens en ce qu’elle dit, presque explicitement, que si les feuilles peuvent très temporairement rappeler les bruits de la guerre, ils sont autres, ils ne les rappellent que de loin : et ce faisant, ils les conjurent, ils l’exorcisent, pour prendre un mot qui résonne avec la fin du texte.</p>
<p>La nature ainsi contemplée et dont les fragments sont réunis fait cela : elle engourdit la peur de la guerre ; la “pesanteur” n’a pas disparu, mais la voilà, comme sous l’effet du rythme du poème, “bien répartie”.</p>
<p>Comme si contempler, se concentrer sur ces éléments de la nature, et les réunir dans un texte permettait de repousser la peur et la guerre, lesquelles ne disparaissent pas : elles sont prises dans une “ouate”, comme désamorcées provisoirement.</p>
<hr />Guide de relecture : Racine, Phèdre, extrait de l'acte IV, scène 2urn:md5:061c69f8ea0d1a029c1e5e7039af5a232023-12-03T10:14:00+00:002023-12-05T09:11:43+00:00PGDanset1re<p>Je reviens ici sur l’extrait de <em>Phèdre</em> que nous avons lu, afin de vous aider à le relire et à préparer votre explication en vue de l’oral. Que ce texte, parce qu’il est plus ancien que celui de Lagarce, parce que sa forme est visiblement plus codifiée, ne vous effraie pas. Le cas échéant, envisagez-le justement comme offrant de multiples prises à l’analyse, grâce à sa musicalité, à l’accord ou aux discordances entre phrase et vers, notamment, à la tension entre la mesure du vers et la démesure de la colère de Thésée.</p>
<p>N’hésitez pas à consolider vos connaissances en matière de versification, grâce au document méthodologique en annexe, pour comprendre tous les effets que Racine tire du travail du vers.</p> <hr />
<h3>Délimitations de l’extrait</h3>
<ul>
<li>Acte IV, scène 2.</li>
<li>De “Fuis, traître. Ne viens point braver ici ma haine, …” (Thésée) à “Approuvez le respect qui me ferme la bouche…” (Hippolyte). Ce sont les vers 1053 à 1090 de la pièce.</li>
</ul>
<hr />
<h3>Jean Racine en quelques mots</h3>
<p><img src="http://lettrines.net/dotclear/public/Illustrations_billets/Portraits/.Racine_m.jpg" alt="Racine.jpg" style="display:block; margin:0 auto;" /></p>
<ul>
<li>1639-1699</li>
<li>Très tôt orphelin, Jean Racine reçoit une formation morale, intellectuelle et culturelle de premier ordre au sein du monastère de Port-Royal, où sa grand-mère l’a emmené en se retirant. L’abbaye de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Port-Royal_des_Champs">Port-Royal-des-Champs</a> est à l’époque un centre spirituel où des nobles issus des plus grandes familles du royaume se sont retirés, et le foyer du courant du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jansénisme">Jansénisme</a> en France.</li>
<li>Loin de la rigueur janséniste de son enfance et de sa jeunesse, il compose de la poésie et des pièces de théâtre à partir des années 1660, et fait représenter sa première pièce, <em>La Thébaïde ou les Frères ennemis</em> (sur Étéocle et Polynice, les frères d’Antigone) par la troupe de Molière en 1664.</li>
<li>La décennie qui le voit devenir, après Molière, le plus grand auteur dramatique du temps et de la Cour, s’ouvre vraiment avec la création d’ <em>Andromaque</em> en 1667, qui rencontre un succès équivalant à celui du <em>Cid</em> de Corneille, trente ans plus tôt. Dix ans plus tard est créée <em>Phèdre et Hippolyte</em>, à l’Hôtel de Bourgogne, pièce qui sera rebaptisée <em>Phèdre</em> par son auteur lors de la première édition de ses œuvres complètes en 1687 - le dramaturge opérant donc un changement de focale par rapport à la pièce d’Euripide : le vrai personnage tragique est avant tout la femme dévorée par l’amour.</li>
<li><em>Andromaque</em>, <em>Britannicus</em>, <em>Bérénice</em>, <em>Bajazet</em>, <em>Mithridate</em>, <em>Iphigénie</em> : les grandes tragédies de Racine mettent souvent en scène des personnages en proie à des passions destructrices ; la mesure de l’alexandrin classique, d’une part, et une construction dramatique tendue vers un dénouement tragique d’autre part enchâssent ces sentiments terribles.</li>
<li>Racine créera encore deux autres pièces, généralement jugées de moindre envergure, à la demande de Madame de Maintenon, pour les jeunes filles de Saint-Cyr. La faveur du roi, dont il est nommé historiographe, accompagne les dernières années de sa vie.</li>
<li>Le nom de Racine reste attaché au règne du Roi-soleil, à la tragédie classique, comme s’il avait porté ce genre à son apogée, et à l’alexandrin : si ce vers est depuis longtemps en usage en France, on cite souvent l’auteur de <em>Phèdre</em> lorsqu’on en veut évoquer la beauté, tant il a su allier les ressources musicales de ce mètre avec une langue qui brille par son apparente simplicité, comme en témoigne le célèbre plaidoyer d’Hippolyte : “Le jour n’est pas plus pur que le fond de mon cœur”.</li>
</ul>
<hr />
<h3>Pour situer l’extrait, du contexte de création de la pièce aux scènes qui le précèdent</h3>
<ul>
<li>Lors de la création de <em>Phèdre</em>, en 1677, Racine est au sommet de sa gloire. La pièce est encore aujourd’hui encore unanimement jugée comme le couronnement de son œuvre.</li>
<li>Rappelons brièvement que Racine reprend la pièce d’Euripide, l’un des grands dramaturges du Ve siècle avant J.-C., soit l’âge d’or de la tragédie grecque. Cette œuvre, intitulée <em>Hippolyte porte-couronne</em>, était comme son titre l’indique centrée sur le personnage d’Hippolyte. Racine conserve les principaux éléments du mythe porté à la scène par son prédécesseur. Faut-il le rappeler, même Euripide n’invente pas l’histoire : il s’approprie un matériau mythique transmis par voie orale au fil des siècles ; le geste éminemment classique de Racine prolonge celui du dernier grand auteur tragique de la Grèce antique. Quant à vous, vous travaillez pour le Bac sur une histoire qui a probablement trois mille ans, si ce n’est plus !</li>
<li>Voici les principaux éléments de cette intrigue, tels que Racine les reprend, jusqu’à notre extrait ; je mets en gras l’essentiel : la scène est à Trézène, ville du Péloponnèse. Phèdre (ce qui signifie “la brillante”), descend du soleil et d’une lignée maudite : sa mère Pasiphaé a engendré le Minotaure en s’unissant à un taureau, sa sœur Ariane a été abandonnée par Thésée). Épouse de ce même Thésée, roi d’Athènes, héros depuis longtemps parti et que l’on croit mort, <strong>la reine est tombée très tôt amoureuse du fils de ce dernier, Hippolyte. Le jeune homme la rejette lorsqu’elle lui avoue, presque malgré elle, cette passion secrète, interdite et mortifère.</strong> Au beau milieu de la pièce de Racine (au vers 827 sur les 1654 qu’elle compte : « Le roi, qu’on a cru mort, va paraître à vos yeux »), l’on annonce que Thésée, vivant, est de retour ; Hippolyte le retrouve, mais brièvement, presque froidement : c’est qu’il se sent quant à lui se sent coupable d’un autre amour : il aime Aricie, survivante de la maison des Pallantides, une famille rivale de Thésée, et décimée par lui ; la jeune femme est condamnée à n’avoir jamais d’époux ni de descendance. Hippolyte s’apprête à fuir, prétextant vouloir se hisser à la hauteur des exploits paternels. Mais revenons à Phèdre : <strong>Œnone, sa servante, craignant que n’éclate la vérité au détriment de sa maîtresse, calomnie alors Hippolyte auprès de Thésée, et prétend qu’il a tenté de séduire la reine. Ignorant tout de ce mensonge, le jeune prince se rend de nouveau à la rencontre de son père, afin d’avouer sa passion pour Aricie. C’est ainsi que père et fils se retrouvent.</strong></li>
</ul>
<hr />
<h3>Votre projet de lecture</h3>
<p>Relisez l’extrait plusieurs fois. On peut être sensible à de nombreuses dimensions du texte, et fonder sur ce qui nous touche, ou ce qui résonne avec l’œuvre de Lagarce pourquoi pas, un projet de lecture convaincant. Nous en avons envisagé un certain nombre en cours, qui portaient sur les angles suivants, notamment :</p>
<ul>
<li>cet extrait met en scène une condamnation à mort, d’un fils par son père.</li>
<li>Placé sous le signe du tragique, cet extrait opère une bascule décisive, dès lors qu’Hippolyte, par son silence et par la parole de son père, est voué à la mort.</li>
<li>Racine met ici en scène les noirs effets d’un mensonge et l’impossible défense d’un fils.</li>
<li>Il s’agit de mettre ici en scène et en vers un double silence, celui d’Hippolyte, subi puis volontaire.</li>
<li>(Si l’on est particulièrement sensible à l’esthétique de l’extrait) : Un père expose ici son fils à une rage mortelle, mais dans la trame ouvragée et harmonieuse de l’alexandrin et de la tragédie classiques.</li>
<li>Cet extrait oppose frontalement un déchaînement de la parole, celui d’un Thésée fou de rage, à un silence absolu, celui de son fils Thésée, dévasté par le mensonge, écrasé par le destin, et soucieux de la dignité de son père.</li>
<li>Etc.</li>
</ul>
<p><code>Ce ne sont là que des exemples : ils insistent tantôt sur la parole et ses effets, tantôt sur le silence, ou bien encore sur l'esthétique de la page.</code></p>
<p>Songez aussi, et peut-être d’abord, pour formuler une ligne directrice qui vous satisfasse, à l’horizon de lecture qui est celui du spectateur. On sait Thésée dévoré par la colère, mais Hippolyte ignorant de ce qui l’attend, et animé, en revanche, d’un sentiment de culpabilité qu’il voudrait dépasser pour dire son amour pour Aricie. Quelle forme cette rencontre peut-elle revêtir dès lors ?</p>
<p>Nous sommes loin, et proches à la fois de certains des enjeux qui irriguent les retrouvailles familiales chez Jean-Luc Lagarce…</p>
<hr />
<h3>Mouvements du texte</h3>
<p><code>Comme toujours, ceci n'est qu'une suggestion de lecture de la composition de l'extrait ; ici, cependant, la composition du texte est assez évidente.</code></p>
<h4>À première vue :</h4>
<ul>
<li>1. Thésée exprime toute sa rage dans sa tirade.</li>
<li>2. Dans l’échange qui suit, Hippolyte n’oppose que silence, parce qu’il est surpris et soucieux de protéger la dignité de son père.</li>
</ul>
<p><br /></p>
<h4>Pour affiner cette lecture (et de facto structurer plus précisément votre explication) :</h4>
<ul>
<li>1. Thésée chasse Hippolyte.</li>
<li>2. Puis il en appelle à Neptune pour assouvir sa vengeance.</li>
<li>3. À cette rage, Hippolyte n’oppose que silence, parce qu’il est surpris et soucieux de protéger la dignité de son père.</li>
</ul>
<hr />
<h3>Lecture détaillée</h3>
<h4>Thésée, fou de rage, chasse son fils de son royaume et de sa vue.</h4>
<ul>
<li>Cette rage s’exprime en particulier par l’emploi du verbe fuir : je vous laisse observer la façon dont ce dernier scande la tirade. Vous serez attentif à la place du verbe dans la tirade (revoyez si nécessaire ce qu’on nomme une anaphore : tout se passe ici comme si le verbe régissait l’ensemble du propos), mais aussi bien sûr au mode (l’impératif), à la brièveté de cette injonction, aux variations qu’elle connaît dans la tirade, à la manière dont cet ordre rompt le rythme habituellement régulier de l’alexandrin.</li>
<li>Rappelez-vous l’œuvre de Lagarce : rien n’empêche de voir dans cet ordre répété une didascalie interne : que pourrait faire un metteur en scène ? Que fait Patrice Chéreau (cela a été bien dit en Première A notamment, lorsqu’a été soulignée la différence entre l’ordre donné et le geste de Thésée) ?</li>
<li>(Attention à « à peine », qui signifie <em>avec difficulté</em>.)</li>
<li>N’hésitez pas, dans un premier temps, à exprimer ce que vous avez compris, en vous appuyant sur le sens littéral : pourquoi Thésée dit-il à son fils de partir sur-le-champ ? Que pourrait-il lui faire ? Pourquoi ne le fait-il pas ?</li>
<li>Je vous invite à voir comment ce premier temps de la tirade est construit : au terme de deux ou trois lectures, les reliefs en sont nets, et mettent en évidence la façon dont Thésée justifie l’acte de condamnation qu’il est en train de proférer. Il apparaît successivement en père (d’un fils indigne), en héros (à la gloire souillée), puis en roi (dont les Etats doivent être purgés de tout monstre). Je fais l’économie d’une référence précise à ce qui justifie cette lecture, mais vous, à l’oral, devrez citer le texte à l’appui d’une telle remarque.</li>
<li>J’attire votre attention sur le vocabulaire de l’insolence (“braver ma haine”, “pied si téméraire”) et surtout sur celui du déshonneur. Pensez par exemple à l’hyperbole : « opprobre éternel ».</li>
<li>Thésée, on l’a vu, est fou de rage. Il est donc essentiel que le vers en rende compte, non seulement dans les mots, mais dans la forme, fond et forme étant toujours profondément liés. Ainsi la phrase excède-t-elle parfois la limite du vers, comme le père passe la mesure de la raison : je vous invite à observer les enjambements (“ta mort honteuse à ma mémoire / De mes nobles travaux…” ; “… un châtiment soudain / T’ajoute aux scélérats…” ; “… l’astre qui nous éclaire / Ne te voie en ces lieux…”).</li>
<li>Soyez aussi attentif à l’isotopie de l’ennemi et du monstrueux (c’est-à-dire, par-delà le champ lexical, à tous les mots qui renvoient à cette figure ; si le terme “isotopie” fait obstacle, la périphrase “tous les mots qui réfèrent à” suffira). Le terme “traître” (et sa position), l’adverbe intensif “si” devant “criminel”, le terme “scélérats”, le motif du châtiment, l’ “horrible aspect” d’Hippolyte… On peut penser aussi au motif de la souillure et de la purgation (voir l’occurrence du verbe purger). Il est question de purification. Thésée se met ici en scène en héros de la Grèce, qui, comme tel, supporte d’autant moins la trahison et la bassesse supposées de son fils.</li>
<li>Néanmoins, cette colère folle se coule dans l’esthétique classique. On peut (ou non) être sensible à des oppositions frappantes : entre déshonneur et gloire, naissance et mort, héros et scélérat…</li>
<li>J’attire votre attention sur l’ironie de Racine, lorsqu’il fait dire à Thésée : « Prends garde que jamais l’astre qui nous éclaire / Ne te voie en ces lieux mettre un pied téméraire ». L’astre, c’est bien sûr le Soleil, c’est-à-dire l’aïeul de Phèdre. Thésée enjoint par cette image à son fils de ne pas reparaître ; il évoque par allusion l’ascendance de Phèdre ; mais Racine en même temps fait entendre la malédiction qui pèse sur Phèdre et qui désormais s’abat sur Hippolyte. Peut-être vous rappelez-vous, dans la mise en scène de Patrice Chéreau, les jeux d’ombres et de lumières que vous avez commentés, et le projecteur sur les personnages imitant les rayons du soleil ?</li>
<li>Plutôt qu’un “châtiment soudain”, et par crainte d’un déshonneur encore plus grand, Thésée change de destinataire et s’adresse au dieu Neptune, son débiteur.</li>
</ul>
<hr />
<h4>Thésée se tourne ensuite vers Neptune pour l’implorer.</h4>
<ul>
<li>Voyez la force avec laquelle la parole de Thésée invoque et implore le dieu : qu’observez-vous lorsqu’il s’adresse à lui ?</li>
<li>La référence aux ennemis de Thésée, les “infâmes assassins”, et au <em>nettoyage</em> articule ces deux mouvements, et fait entrer définitivement Hippolyte dans le rang des ennemis du héros.</li>
<li>(“efforts heureux” signifie efforts couronnés de succès.)</li>
<li>Vous aurez peut-être noté comment, subtilement, les rimes associent par le son les actes du héros et la récompense attendue (“mon courage…” / nettoyage ton rivage” ; “mes efforts heureux / le premier de mes vœux” ; “tes soins / de plus grands besoins’). <code>Il me paraît essentiel que vous saisissiez cela : les rimes ne sont pas ornement, ou pas seulement : le son précède ici le sens dans l'oreille du spectateur</code>, les rimes établissent une liaison logique que le discours de Thésée explicite : le dieu a une dette envers lui.</li>
<li>Je ne m’y attarderais pas forcément, mais de façon assez habile, Racine explique, par ce passage, la longue absence de Thésée, qui a conduit à ce qu’on le croie mort (“les longues rigueurs d’une prison cruelle”). Si on veut lire cela autrement que comme un simple résumé de ce qui n’a pas été expliqué jusqu’à présent, mais c’est d’abord cela, on peut aussi y voir le fonctionnement même de la pièce : c’est parce que Thésée était supposé mort que l’aveu de Phèdre à Hippolyte a été facilité ; durant cette longue absence, le dieu Neptune a contracté une dette à l’égard du héros, qui en requiert désormais le paiement. La pièce s’abat, de tout le poids de sa structure, sur le pauvre Hippolyte. Elle est construite pour le détruire.</li>
<li>On peut commenter toutes les étapes par lesquelles Thésée fait appel à Neptune : “Souviens-toi que pour prix de mes efforts… / Tu promis…”, “Je n’ai point imploré…”, “Avares du secours que j’attends de tes soins / Mes vœux t’ont réservé pour de plus grands besoins”, “Je t’implore aujourd’hui”.</li>
<li>On peut être frappé par la mesure que retrouve le vers, comme un fleuve déchaîné son lit. Les effets de discordance entre phrase et vers sont plus rares ; la musicalité classique de l’alexandrin, avec une césure à l’hémistiche (au terme de six syllabes) se fait de nouveau entendre : signe de la solennité de la demande de Thésée au dieu ? Du changement de destinataire (d’un “scélérat” à un dieu) ? De la rage à la prière ?</li>
<li>La condamnation elle-même, qui n’arrive explicitement qu’au terme de plusieurs vers, s’accompagne d’abord, je vous invite à le regarder de près, d’une accélération. La fin de la supplique est marquée par un enjambement solennel : “Avare du secours que j’attends de tes soins / Mes vœux t’ont réservé pour de plus grands besoins”. Puis le souffle se fait plus court : “Je t’implore aujourd’hui. Venge un malheureux père” (les deux hémistiches sont nettement séparés par le point ; l’ordre mortel tient en un vers).</li>
<li>Je ne peux que vous inviter à être attentifs aux impératifs, mais aussi aux sons, par exemple ici : “J’abandonne ce traître à toute ta colère”.</li>
<li>Comme je vous y invitais plus haut, il est intéressant d’observer la tension entre la violence (“Étouffe dans son sang…”) et le corset de l’alexandrin, entre la condamnation à mort et les contrastes propres à plaire au spectateur du XVIIe siècle, et qu’emblématise, me semble-t-il, le dernier vers de la tirade, avec deux mots en antithèse mis en évidence par leur position en fin d’hémistiche (“tes fureurs /… tes bontés”.</li>
<li>Pourquoi répondre à l’appel de Thésée serait-il satisfaire à “de plus grands besoins” ? Il s’agit au fond d’un parricide que Thésée, on l’a vu plus haut, ne saurait commettre ; et le crime est plus grand quand il vient de son propre fils que d’un monstre comme Thésée a l’habitude d’en combattre : de même la vengeance.</li>
<li>Au fond, Thésée enjoint au dieu de répondre aux “désirs effrontés” qu’il prête à son fils par les “fureurs” du dieu (il a d’ailleurs employé le mot fureurs à propos du crime supposé d’Hippolyte, mais avant notre extrait). La logique vengeresse du père est implacable.</li>
</ul>
<hr />
<h4>Face au réquisitoire et à la condamnation de son père, Hippolyte se tait, ou plutôt dit qu’il se tait et justifie son silence par deux fois.</h4>
<ul>
<li>À quoi voyez-vous, dans sa première réplique, l’état dans lequel il se trouve ? Plusieurs éléments peuvent être mentionnés.</li>
<li>À qui cette réplique est-elle adressée ? Hippolyte répond-il à Thésée ? Sinon, quel sens donnez-vous à cette réplique ? <code>Gardez toujours à l'esprit que vous lisez et expliquez un texte théâtral, non un récit : les personnages parlent, et généralement <em>se</em> parlent. Tout écart avec le dialogue est intéressant à observer.</code> (Attention toutefois à ne pas parler de monologue si un personnage n’est pas seul en scène, nous l’avons amplement dit en travaillant sur <em>Juste la fin du monde</em>).</li>
<li>Pas de discordance entre la phrase et le vers chez le jeune prince : la phrase est prise dans la gangue de l’alexandrin, toute retenue, à l’image de cette parole qui s’éteint.</li>
<li>De même, songez à la brièveté de sa réplique, au regard de la tirade du père. On peut d’ailleurs commenter ce silence dès avant la réplique d’Hippolyte : si la tirade du père est si longue, c’est que le fils se tait.</li>
<li>J’attire votre attention sur le fait que ce premier silence, Hippolyte l’explique de plusieurs manières différentes, avec une gradation qui va de l’âme et de l’esprit jusqu’au corps : âme, parole, voix. Si l’on songe à Lagarce, on voit que la mise en scène du silence pose toujours un défi à un dramaturge, par nature, puisque le théâtre, c’est une histoire non pas racontée, mais jouée, dite par les personnages. Mais vous avez ici un traitement classique du silence, très éloigné du traitement moderne de la parole qui s’amenuise ou dit ses impasses dans <em>Juste la fin du monde</em>.</li>
<li>Songez à ce que le silence d’Hippolyte peut laisser croire à son père.</li>
</ul>
<hr />
<ul>
<li>Thésée interprète justement ce silence en le reliant au fait qu’Hippolyte n’ait, lors de leur dernière entrevue, rien laissé paraître ni entendre. Que pensez-vous d’ailleurs des deux premières rimes de la réplique de Thésée, selon vous ?</li>
<li>Observez la place du mot “traître”. Qu’en dites-vous ?</li>
<li>Nous avons amplement commenté, peut-être plus en 1re B qu’en 1re A, la place éminente et le sens très riche du terme “fer”, et les sonorités qui donnent presque l’impression qu’elles génèrent le mot dans la bouche de Thésée (“… Phèdre enseVelirait ta brutale insolence. / Il Fallait en Fuyant ne pas abandonner / le Fer”). Du fait de l’enjambèrent et de l’accent, le mot est mis en valeur au vers suivant. SI vous dites ces vers à voix haute, vous vous apercevrez en un instant que le mot est accentué, contrairement au déterminant « le », qui est atone (non accentué). Racine a écrit ce vers en modifiant la place des accents (habituellement sur les syllabes 3 et 6 pour le premier hémistiche). Placé sous l’accent, le mot « fer » est donc mis en relief. Rappelez-vous nos échanges par ailleurs du point de vue du sens : à quoi renvoie ce mot métonymique, “fer”, qui désigne l’épée d’Hippolyte ? N’hésitez pas à revoir ce que j’ai résumé en cours, et qui se déroule <a href="https://fr.wikisource.org/wiki/Page%3ARacine_-_Œuvres%2C_Didot%2C_1854.djvu/262">lors de la scène d’aveu de Phèdre, à la toute fin de celle-ci</a> : la reine, rejetée, a demandé à Hippolyte qu’il la tue, en vain.</li>
<li>Vous pouvez aussi, là encore, vous appuyer sur le travail scénique de Patrice Chéreau, de Pascal Greggory (Thésée) et Éric Ruf (Hippolyte), que nous avons vu, s’agissant de l’emploi de cette épée.</li>
<li>J’attire votre regard sur la terrible et menaçante ironie de Thésée, que fait déjà entendre l’imparfait (“Il fallait…”, à deux reprises). Lorsque le roi suggère qu’une ruse aurait pu sauver Hippolyte (“lui ravir tout d’un coup la parole et la vie”), son propos reprend le motif de la parole entravée, développé par Hippolyte. C’est toujours de silence qu’il est question, et plus précisément de méprise sur un silence : Thésée ne lui donne évidemment pas le sens qu’il a pour Hippolyte.</li>
<li>Mais l’ironie la plus glaçante est peut-être celle, admirablement belle, mais terrible, de Racine : en tout cas, je vous invite à réfléchir à ce que dit Thésée en parlant d’ôter tout à la fois la parole et la vie.</li>
</ul>
<hr />
<ul>
<li>(Pas de confusion sur le sens, fort à l’époque, de l’adjectif “irrité” : la colère d’Hippolyte calomnié est immense.)</li>
<li>Il n’est pas anodin qu’ “irrité” rime avec “vérité”, qu’en dites-vous ?</li>
<li>Que pensez-vous du rejet du terme “Seigneur” ? Pourquoi insister sur ce mot ? Là aussi, il existe plusieurs façons de l’interpréter.</li>
<li>“qui vous touche” signifie à la fois <em>qui vous concerne</em> et <em>qui vous affectera</em> (s’il vous plaît, surtout pas d’emploi du verbe “impacter”).</li>
<li>Quel est le sous-entendu d’Hippolyte ici ?</li>
<li>Cette seconde réplique, comme en miroir, porte aussi sur le silence, ou plutôt, soyons plus clairs, met en mots et en vers un silence. Mais quel est-il cette fois ? Quelle différence avec le premier ?</li>
<li>Pourquoi est-il important que le GN “le respect” soit le sujet de la dernière proposition, dans l’ultime vers de l’extrait ?</li>
<li>Que peut comprendre le spectateur en entendant Hippolyte se taire ? Est-il héroïque ? Si oui, que penser de cette confrontation ?</li>
</ul>
<blockquote><p><em>Je ne sais pas pour vous - je vous laisse vous imprégner du texte -, mais je ne peux réprimer une admiration profonde et fascinée pour la façon dont s’opposent dans notre extrait une tirade et un réquisitoire portés par la rage et, au lieu d’un plaidoyer, un pur silence pour seule réponse. Je suis encore un peu classique dans mes goûts !</em></p></blockquote>
<hr />
<h3>Réflexion sur des ouvertures possibles, en conclusion</h3>
<p><code>Rappelez-vous, une ouverture n'est pas une question artificiellement lancée au vent, comme si cela avait quelque sens de dire que l'on "pourrait aussi s'interroger sur..." quelque chose sur quoi on ne s'interrogera pas, l'épreuve s'achevant.</code> Une ouverture, c’est un autre mot pour dire que l’on met en perspective ce que l’on a étudié et dit avec autre chose ; on prend du recul, on dé-zoome, en somme. Le texte désormais déplié entre dans un champ plus vaste : la tragédie, le théâtre, la mise en scène du silence au théâtre, etc. Rhétoriquement, c’est un moment où une ultime formule peut emporter la conviction de votre auditeur, parce qu’elle manifeste votre intelligence des œuvres, c’est-à-dire, littéralement, la faculté que vous avez acquise de les lier (ligere) entre elles (inter).</p>
<p>Vous pouvez aussi chercher à clore votre explication par un motif qui fasse écho à son tout début, l’ouverture en conclusion répondant à l’amorce en introduction.</p>
<p>Quelques pistes :</p>
<ul>
<li>Si le dénouement voit la mort de Phèdre, qui s’empoisonne, la pièce s’achève aussi par la mort d’Hippolyte : ce dernier est parti combattre désespérément un monstre jailli de la mer, créé par Neptune. Les chevaux qui obéissait au jeune prince (songez à son nom) s’emportent, effrayés, et dans leur course folle, achèvent leur maître. C’est Théramène, serviteur et confident d’Hippolyte, qui rapporte cette terrible fin à Thésée, dont les yeux sont en train de se dessiller.</li>
<li>À l’acte II, scène 5, avant l’aveu fatal de Phèdre à Hippolyte, ce dernier, qui la voit éplorée, se méprend : il la croit dévastée par la mort supposée de Thésée. Il tente alors de la rassurer par ces mots : “Neptune le protège, et ce dieu tutélaire / Ne sera pas en vain imploré par mon père”. Mais qu’entend alors le spectateur, connaisseur de l’histoire, qu’Hippolyte dit malgré lui ?</li>
<li>N’hésitez pas à aller voir des extraits de <em>Phèdre</em> en scène, pourquoi pas dans la mise en scène de Patrice Chéreau, pour tracer un parallèle intéressant.</li>
</ul>
<p>Songez aussi aux nombreux points communs, et aux différences que vous pourriez mettre en exergue, entre cet extrait de <em>Phèdre</em> et la pièce de Lagarce que nous avons lue, et que nous avions évoqués ensemble à la suite de votre réflexion (peut-être plus en 1re B qu’en 1re A) :</p>
<ul>
<li>l’importance du secret</li>
<li>la place et la forme du silence</li>
<li>le tragique, la malédiction familiale,</li>
<li>la chronique d’une mort annoncée, qui se met en branle à partir de cette scène</li>
<li>la présence du père, la relation père-fils.</li>
<li>…</li>
</ul>Récapitulatif des textes pour l'oralurn:md5:0c7a8e2c0ee038ac190ec9fcbd0522b42023-11-20T21:05:00+00:002023-11-20T21:06:25+00:00PGDanset1re <p>Vous trouverez en annexe le récapitulatif des textes pour l’oral, dont l’extrait de <em>Phèdre</em> de Racine, sur lequel nous travaillons en ce moment.</p>Grammaire : travail sur la négationurn:md5:c2343dad8d53a287379902b974250ddd2023-11-20T18:47:00+00:002023-11-20T19:10:39+00:00PGDanset1re<p>Voici de quoi comprendre le fonctionnement de la négation syntaxique, et vous entraîner à partir d’extraits des textes étudiés.</p> <hr />
<h2>La négation : diaporama avec commentaire</h2>
<div style="text-align: center;">
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Lecteur vidéo intégré</object>
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</div>
<hr />
<h2>Entraînement</h2>
<p><em>Ces extraits ne correspondent pas exactement à ceux proposés sur Pearltrees, auxquels je n’ai plus accès ce lundi 20 novembre.</em></p>
<hr />
<h3>Extrait 1</h3>
<p>Mais je suis ainsi, jamais je n’aurais pu imaginer qu’ils ne se connaissent,<br />
que vous ne vous connaissiez pas (…)</p>
<hr />
<h3>Extrait 2</h3>
<p>Oui, ne m’expliquez pas, c’est bête, je ne sais pas pourquoi je demandais cela,<br />
je le sais aussi bien mais j’oubliais, j’avais oublié toutes ces autres années,<br />
je ne me souvenais pas à ce point, c’est ce que je voulais dire.</p>
<hr />
<h3>Extrait 3</h3>
<p>c’était cette impression, je ne trouve pas les mots (…)<br />
qu’on m’abandonna toujours (…)<br />
parce qu’on ne saurait m’atteindre (…)</p>
<hr />
<h3>Extrait 4</h3>
<p>Je compris que cette absence d’amour dont je me plains (…)<br />
sans que jamais jusqu’alors je ne la voie,<br />
que cette absence d’amour fit toujours plus souffrir les autres que moi.</p>
<hr />
<h3>Extrait 5</h3>
<p>Je n’ai rien, je suis désolé,<br />
je suis fatigué, je ne sais plus pourquoi (…)<br />
aujourd’hui, je n’ai jamais été autant fatigué de ma vie.</p>
<hr />
<h3>Extrait 6</h3>
<p>vous dites que je suis brutal, mais je ne le suis pas et ne l’ai jamais été.</p>Chapitre 3 : les métamorphoses du moiurn:md5:9d3a7966a9aa3fe62281f2f66c0ad0722023-11-20T16:52:00+00:002023-12-03T09:57:02+00:00PGDansetHumanités - Tle<p>Nous entamons un travail de lecture et de réflexion axé sur les métamorphoses du moi.</p> <hr />
<h2>Chapitre 3 : les métamorphoses du moi</h2>
<ul>
<li>Lecture d’œuvres autobiographiques de genres divers : Saint-John Perse, Claude Mauriac, Marguerite Yourcenar, Nathalie Sarraute.</li>
<li>Lecture de <em>Shâb ou la nuit</em> de Cécile Ladjali.</li>
</ul>
<hr />
<h3>Séance 1 : « Tout s’organise et prend place »</h3>
<p>Entrons dans la réflexion sur les métamorphoses du moi avec trois textes, auxquels, en écho, répond cette photographie du poète Saint-John Perse.</p>
<p>La photo ci-dessous, visible sur le site <a href="http://www.sjperse.org/eloges.html">sjperse.org</a> a été prise de Gisèle Freund. Elle photographie alors Saint-John Perse âgé contemplant une photo de lui enfant, en Guadeloupe, vers 1895.</p>
<p><a href="http://lettrines.net/dotclear/public/Illustrations_billets/Portraits/Saint-John_Perse_contemplant_une_photo_d__enfance-Gisele_Freund.jpg" title="Saint-John Perse contemplant une photo d'enfance, par Gisèle Freund"><img src="http://lettrines.net/dotclear/public/Illustrations_billets/Portraits/.Saint-John_Perse_contemplant_une_photo_d__enfance-Gisele_Freund_m.jpg" alt="Saint-John Perse contemplant une photo d'enfance, par Gisèle Freund" style="display:block; margin:0 auto;" title="Saint-John Perse contemplant une photo d'enfance, par Gisèle Freund" /></a></p>
<p>Voir fichier en annexe.</p>Conclusion du chapitre 2, avec deux œuvres de Coroturn:md5:7423e8192e5a51e6ea36e7203d9837bc2023-11-20T16:21:00+00:002023-11-20T16:59:53+00:00PGDansetHumanités - Tle<p>Je vous propose de conclure en image notre chapitre intitulé “Les chants du monde” (d’après la phrase de Marie-Hélène Lafon dans “Arbres”, in <em>Album</em>). Voici deux tableaux célèbres de Jean-Baptiste Camille Corot.</p> <hr />
<h2>Je reproduis ci-dessous la biographie de Corot par <em>Beaux Arts magazine</em>.</h2>
<p><a href="http://lettrines.net/dotclear/public/Docs_Tle_Humanites/Corot_par_Nadar.jpg" title="Corot_par_Nadar.jpg"><img src="http://lettrines.net/dotclear/public/Docs_Tle_Humanites/.Corot_par_Nadar_m.jpg" alt="Corot_par_Nadar.jpg" style="display:block; margin:0 auto;" /></a></p>
<p><em>Corot par Nadar, vers 1880 - Musée d’Orsay.</em></p>
<blockquote><p>Maître du paysage, inspirateur des impressionnistes par la pratique du plein air, Jean-Baptiste Camille Corot (1796–1875) a renouvelé le paysagisme classique. Grand voyageur, il a su s’émanciper des doctrines de l’École des beaux-arts (qui promouvait le paysage historique) pour peindre la nature de manière plus directe, en compagnie des jeunes peintres de l’école de Barbizon dont il est reconnu comme l’un des fondateurs.</p></blockquote>
<p>J’ajouterais deux éléments :</p>
<ul>
<li>ayant voyagé en Italie, Corot a peint de nombreux paysages italiens, avec des tonalités très chaudes qu’il a abandonné pour la dernière partie de son œuvre. </li>
<li>Par ailleurs, ses tableaux sont intéressants en ce qu’ils condensent les esthétiques et les motifs de son siècle : ils annoncent l’impressionnisme, certes, mais ils se trouvent aussi à la croisée du romantisme et du réalisme, qui traversent son temps.</li>
</ul>
<hr />
<h2>Oprhée ramenant Eurydice, 1861</h2>
<p><a href="http://lettrines.net/dotclear/public/Docs_Tle_Humanites/Corot-Orphee_ramenant_Eurydice-1861.jpg" title="Corot-Orphee_ramenant_Eurydice-1861.jpg"><img src="http://lettrines.net/dotclear/public/Docs_Tle_Humanites/.Corot-Orphee_ramenant_Eurydice-1861_m.jpg" alt="Corot-Orphee_ramenant_Eurydice-1861.jpg" style="display:block; margin:0 auto;" /></a></p>
<hr />
<h2>Second tableau, 1864</h2>
<p><a href="http://lettrines.net/dotclear/public/Docs_Tle_Humanites/J.-B._C._Corot_Souvenir_de_Mortefontaine_1864._corot_souvenir_de_mortefontaine_1864.jpg" title="J.-B._C._Corot_Souvenir_de_Mortefontaine_1864._corot_souvenir_de_mortefontaine_1864.jpg"><img src="http://lettrines.net/dotclear/public/Docs_Tle_Humanites/.J.-B._C._Corot_Souvenir_de_Mortefontaine_1864._corot_souvenir_de_mortefontaine_1864_m.jpg" alt="J.-B._C._Corot_Souvenir_de_Mortefontaine_1864._corot_souvenir_de_mortefontaine_1864.jpg" style="display:block; margin:0 auto;" /></a></p>Guide de relecture : Juste la fin du monde, deuxième partie, scène 2 (lecture 3/16)urn:md5:261675ce73018742602c1e8ce798de172023-10-25T10:26:00+01:002023-10-25T10:26:00+01:00PGDanset1re<p>Voici un guide pour vous aider à relire l’extrait de cette scène au cours de laquelle Antoine se révèle au spectateur.</p>
<p>J’insiste une nouvelle fois sur le mot “guide” : il n’est pas question de vous indiquer quoi dire : surtout, refusez le prêt-à-penser. L’interprétation est, précisément, le travail que <em>vous</em> avez à faire, en amont et lors de l’oral.</p>
<p>Cette page d’accompagnement, qui prolonge notre cours, est conçue pour que vous vous saisissiez de nouveau du texte, en aiguisant vos compétences de lecture et d’analyse, pour que votre interprétation soit pleinement une démonstration, nourrie de commentaires de l’écriture, au plus près du détail de l’extrait.</p> <hr />
<h3>Délimitations de l’extrait</h3>
<p>De la réplique de Suzanne, « Antoine, regarde-moi (…) rien. » à « Je vais bien ».</p>
<hr />
<h3>Pour situer la scène, la remettre en perspective avec ce qui précède</h3>
<p><code>À l'oral, vous ne pourriez tout reprendre de ce que je propose de revoir ici, mais ces remarques vous aideront à vous replonger dans l'extrait, avec son contexte à l'esprit.</code></p>
<ul>
<li>Repensez à ce que nous avons travaillé en cours, en nous appuyant sur la notion d’horizon d’attente : à quoi le spectateur (ou le lecteur) peut-il s’attendre au début de la deuxième partie ? Revoyez les notes qui dans notre cours synthétisent ces attentes possibles.</li>
</ul>
<ul>
<li>Réfléchissez aux enjeux pour Louis, pour les autres personnages, mais aussi, au niveau de l’écriture, pour le dramaturge, alors qu’il s’agit de préparer ce qu’au théâtre on appelle habituellement le dénouement.</li>
</ul>
<ul>
<li>Relisez la scène précédente : c’est un monologue de Louis qui annonce n’avoir pas dit ce pourquoi il était venu ; ce propos est donc postérieur à la scène qui suit. Voilà qui peut créer une nouvelle attente très intéressante : alors que le spectateur jusque-là imaginait que Louis allait enfin parler, il découvre que ce ne sera pas le cas. Comment la pièce peut-elle bien se dénouer s’il demeure silencieux sur l’essentiel ? Que va-t-il dire ?</li>
</ul>
<ul>
<li>Pensez aussi aux personnages de la scène 2 : qui devrait (aurait dû ?) être le protagoniste, le centre de l’attention, celui qui avait une révélation à faire ? Quel est finalement le personnage le plus important ? Quel effet cela produit-il in fine sur le spectateur ?</li>
</ul>
<ul>
<li>Je vous recommande enfin de relire la scène 1 de la première partie : la scène 2 reprend les mêmes personnages, et comme en miroir, elle est centrée sur le départ de Louis, alors que la première était fondée sur sa venue. On peut d’ailleurs observer cet effet miroir à une échelle plus large : au Prologue, dans lequel Louis explique qu’il revient annoncer sa mort prochaine, répond le monologue de la scène 1 de la deuxième partie, dans lequel il dit repartir sans avoir parlé ; la scène du départ, je l’ai écrit ci-dessus, pose la question de l’au revoir, quand celle de l’arrivée soulevait le problème des retrouvailles et de la rencontre avec Catherine.</li>
</ul>
<ul>
<li>Vous pourriez utilement extraire de ces scènes une phrase qui vous semble représentative des enjeux énoncés ci-dessus pour construire une amorce, ou une ouverture intéressante.</li>
</ul>
<ul>
<li>N’hésitez pas, enfin, à revoir l’extrait dans la lecture qu’en propose la Comédie-Française (mais cela vaut pour tous).</li>
</ul>
<hr />
<h3>Pour situer l’extrait proprement dit</h3>
<ul>
<li>À l’instar de sa venue, le départ de Louis, semble-t-il tout aussi inexpliqué, a déclenché une nouvelle crise au sein de la famille, Suzanne désirant qu’il reste encore, Antoine proposant de le raccompagner.</li>
<li>Les tentatives de calmer Antoine, et les mots à son encontre (“désagréable”, “un peu brutal”), n’ont fait qu’envenimer la situation, de sorte que ce qui s’apparentait à l’approche d’un dénouement a comme créé de nouveaux nœuds.</li>
<li>Mais la colère d’Antoine, qui a focalisé l’attention de tous, semble alors retomber.</li>
</ul>
<hr />
<h3>Lecture détaillée :</h3>
<h4>Angles de lecture possibles, que nous avons envisagés en cours</h4>
<p><code>Je ne les ai pas tous notés : je vous invite à reprendre vos notes pour compléter ce qui suit, et faire un choix, ou mieux, ciseler à votre tour un angle (un projet) de lecture qui condense la façon dont vous-même interprétez l'extrait. Comme j'ai pu le faire précédemment, je propose des variations et des formules pour vous montrer plusieurs façons d'énoncer ce projet de lecture lors de l'oral.</code></p>
<ul>
<li>C’est une scène par laquelle Antoine se libère / C’est une tirade grâce à laquelle Antoine se libère / vit un moment de libération</li>
<li>C’est une tirade en forme de plaidoyer.</li>
<li>Au cours de cet extrait s’opère une inversion des rôles entre Antoine et Louis : c’est ce que je vais tenter de démontrer dans l’explication qui suit.</li>
<li>Avec des mots qui rappellent ceux d’un enfant, Antoine tente de définir ici qui il est.</li>
</ul>
<p><code>Notez, pour ce dernier projet, que j'infléchis un peu ce qui a pu être dit en classe au sujet de la puérilité. Je pense que ceux qui en ont parlé l'ont fait avec pertinence. Ce qui est difficile, c'est que le terme "puérilité" est connoté péjorativement : il nous conduit à un jugement exclusivement négatif du personnage. Si on le choisit, il faut donc avoir conscience de cela ; je crains que le mot ne masque la complexité d'Antoine : d'où cette inflexion et ce choix de l'expression : "avec des mots d'enfant", ou "avec des mots qui rappellent ceux d'un enfant".</code></p>
<ul>
<li>C’est une tirade paradoxale : Antoine s’y défend d’être brutal, mais avec, à mes yeux, une forme de brutalité.</li>
<li>C’est un extrait dans lequel Antoine livre ses émotions.</li>
</ul>
<p><code>Là aussi, je propose une nuance par rapport à ce qui avait pu être dit de la "haine" qu'Antoine déverserait. Sans doute peut-on y voir de la haine, mais de la haine seulement ?</code></p>
<ul>
<li>Le retour de Louis, et à présent son départ, obligent chacun à trouver ou retrouver sa place au sein de la famille : dans cet extrait, c’est ce que tente de faire Antoine, comme je vais tenter de le démontrer.</li>
</ul>
<p><code>Ce dernier projet, vous le voyez, nécessite d'articuler, au début de la phrase, une réflexion sur l'ensemble de la pièce, et l'extrait, dans la dernière partie de la phrase. Je trouvais cette proposition faite en classe très intéressante.</code></p>
<p><code>J'ajoute quelques projets de lecture envisagés par vos camarades au cours de l'année passée : souvent, ce sont des variantes de ce que vous avez proposé :</code></p>
<ul>
<li>C’est une scène dans laquelle Antoine se justifie, après son explosion de colère.</li>
<li>C’est une tirade par laquelle Antoine tente de changer le regard des autres : d’homme en colère, il devient un homme fatigué, victime de son frère Louis.</li>
<li>C’est une tirade au cours de laquelle Antoine s’autorise à dire aux autres ce qu’il éprouve.</li>
<li>Cette tirade s’apparente à la fois à un plaidoyer et à une prise de conscience.</li>
<li>C’est une scène dans laquelle Antoine se libère à la fois d’un poids et du regard des autres.</li>
<li>C’est une scène dans laquelle Antoine, qui jusque-là se taisait, s’ouvre et se révèle, alors que retombe sa colère.</li>
<li>Cette tirade d’Antoine s’apparente à un plaidoyer et un réquisitoire à la fois (je précise : une défense et une accusation).</li>
<li>C’est une scène qui renverse la situation : où l’on attendait Louis, c’est le personnage d’Antoine qui est au centre de l’attention.</li>
<li>Antoine, qui se taisait jusque-là “pour donner l’exemple”, passe ici de la colère à l’analyse, du plaidoyer au réquisitoire, et se révèle au spectateur.</li>
<li>C’est une scène dans laquelle le personnage d’Antoine se complexifie.</li>
<li>…</li>
</ul>
<p><code>Redisons-le, ces angles de lecture ont pour but de donner à entendre, immédiatement après la lecture, ce que vous avez retenu, ce qui oriente votre explication (et qui justifie, après-coup, les reliefs et les intonations de votre lecture à voix haute). Par là même, vous permettez à l'examinateur de mesurer si vous avez une vue d'ensemble, ou si vous préférez une interprétation globale pertinente de l'extrait.</code></p>
<hr />
<h4>Composition de l’extrait</h4>
<p><code>Ceci, je le rappelle, est une proposition. On peut très bien s'appuyer, de façon différente, sur les blancs qui marquent des interruptions pour délimiter autrement les étapes du discours d'Antoine. Mais ce que vous indique ici me semble plus simple à expliquer.</code></p>
<ol>
<li>Dans un premier temps, Antoine interroge sa « fatigue », et tente à travers ce mot, « fatigué », de se définir, peut-être de se comprendre lui-même (de se saisir, pourrait-on dire). Ce mouvement correspond à la première phrase ponctuée (il s’achève à “je n’ai jamais été autant fatigué de ma vie”).</li>
<li>Puis le plaidoyer d’Antoine se poursuit, et tourne au réquisitoire (à l’accusation), ainsi qu’à la rectification : il récuse ainsi le terme « brutal » employé pour le qualifier. Tout ce mouvement est aussi fondé sur le mot « juste », avec toute sa polysémie - entre justesse des mots et justice des conduites (jusqu’à « ce n’est pas exact »). Ce mouvement lui aussi s’achève par un point final.</li>
<li>Comme pour illustrer son propos, Antoine rapporte un souvenir d’enfance représentatif et éclairant (jusqu’à « On ne peut pas m’accuser »). Ce troisième mouvement s’achève par un point final. On pourrait aussi voir le début de ce mouvement un peu plus haut (à « c’était soudain comme si avec toi »), après qu’Antoine a marqué une pause dans son discours ; mais cela me semble moins convaincant : la véritable inflexion correspond au récit qui illustre l’accusation (et la prise de conscience d’Antoine).</li>
<li>Dans un quatrième et bref mouvement de clôture de l’extrait, s’exprime enfin un certain apaisement, à moins d’y voir, de la part d’Antoine, l’aboutissement d’une réflexion et d’une prise de conscience (voire l’acmé de sa fatigue) : il s’adresse à Catherine et à Suzanne, à tous peut-être. Il renvoie à Louis la responsabilité de son départ.</li>
</ol>
<hr />
<h4>Antoine se définit en premier lieu comme un « homme fatigué ».</h4>
<p><code>Attention : pour ce mouvement comme pour les suivants, et pour toutes les lectures, ne dites surtout pas, à l'oral, sous forme statique, dans une phrase sans verbe conjugué : "Premier mouvement, la fatigue d'Antoine...". Je fais exprès, ici, de ne pas proposer de titres, même si c'est souvent ce que les candidats écrivent au brouillon, et disent à l'oral ensuite. L'explication consiste en la production d'un discours sur le texte, organisé, <strong>mais vivant</strong>.</code></p>
<p><strong>L’ESSENTIEL</strong></p>
<ul>
<li>Pensez à commenter, au cœur de ce début de tirade, le crescendo au travers duquel Antoine évoque son état, “fatigué”, et la polysémie du terme (de l’expression d’un état temporaire à une vision de soi). Vous songerez à insister sur le fait qu’il ne s’agit pas seulement ou pas essentiellement d’une excuse, mais bien d’une explication, au service au fond d’une défense pro domo (Antoine se défend ; un plaidoyer pro domo, c’est un plaidoyer pour soi-même). Le terme “fatigué” se substitue à “brutal”, que récusera ensuite Antoine : comment ? Antoine n’est-il pas en train de se définir, de se révéler sous nos yeux ?</li>
<li>Vous serez attentifs aux retours à la ligne et à ce qu’ils traduisent chez le personnage, ainsi qu’aux répétitions et aux références explicites à la difficulté de dire. Antoine est-il maladroit ? Bouleversé ? Enragé ?</li>
<li>Antoine vous paraît-il touchant dans ce début de tirade ? Qu’est-ce que cela change, qu’il soit au centre de l’attention de la famille et des spectateurs ?</li>
</ul>
<p><strong>POUR AFFINER VOTRE LECTURE</strong></p>
<p><code>Je le rappelle, c'est cette rubrique qui vous permet d'entrer vraiment dans le détail de l'analyse.</code></p>
<ul>
<li>Quel changement s’opère chez Suzanne ? Associée à l’impératif, que suggère la répétition du prénom de son frère ? Rappelez-vous le fonctionnement des didascalies internes ; pensez à proposer, pourquoi pas, des mises en scènes possibles, ou à vous référez à ce que vous avez vous-mêmes vu.</li>
<li>À quoi voit-on que la colère d’Antoine est retombée ? Quel mot remplace les termes « désagréable », « brutal » et « mal », employés plus haut ? En quoi ce terme est-il particulièrement riche de sens ? Renvoie-t-il à un état provisoire ou un état permanent ?</li>
<li>Pensez à réfléchir à la gradation, qui passe de l’énoncé d’un état à celui d’une définition : «  je suis fatigué (…) je suis toujours fatigué (…) je suis devenu un homme fatigué (…) je n’ai jamais été autant fatigué de ma vie ». Vous gagnerez à commenter les subtiles variations qui s’opèrent dans cette phrase (temps, adverbes…).</li>
<li>Quels motifs (quelles raisons) Antoine évacue-t-il ?</li>
<li>Pensez à montrer comment Antoine se singularise. Vous pouvez par exemple commenter la portée généralisante d’une partie de son propos (cf. le “on” et le présent de vérité générale : “on croit que…”). En quoi peut-on dire qu’Antoine parvient à affirmer une part de lui-même de façon plus nette que dans le reste de la pièce ?</li>
</ul>
<hr />
<h4>(Second mouvement) Le plaidoyer se poursuit, dans un second temps de la tirade, par la récusation du terme “brutal”, et se transforme bientôt en réquisitoire : en somme, Antoine prend ses juges à partie.</h4>
<p><strong>L’ESSENTIEL</strong></p>
<ul>
<li>Comment Antoine parvient-il à récuser le terme « brutal » ? Comment fait-il pour insister sur le refus de ce terme ?</li>
<li>Montrez comment le plaidoyer se transforme déjà en accusation (en réquisitoire), avec le reproche sur le regard que l’on porte sur lui, la répétition du pronom “vous” (qui peut-il désigner ?), la façon dont les autres sont évoqués, dans un mouvement en expansion (comment l’interpréter ?). Commentez l’emploi du présent (“vous ne me regardez pas” : voir ci-dessous ma proposition de questionnement).</li>
<li>Réfléchissez au rôle de la <strong>juxtaposition</strong> dans la tirade d’Antoine, mais aussi, et toujours, aux retours à la ligne ; à partir de “je ne suis pas un homme brutal”, il n’y en a plus : pourquoi cette phrase peut-elle enfin se déployer sans interruption ?</li>
<li>Commenter le détachement d’une partie du texte, ou plutôt l’interruption du propos d’Antoine : pourquoi ce premier blanc : difficulté à s’exprimer, à dire ? reprise de souffle ? début d’une prise de conscience ? pulsion brutale retenue avec peine ? Pensez au personnage à qui il s’adresse à ce moment précis, et à ce qui peut se passer sur scène entre les personnages à ce moment-là (voir ma proposition de questionnement ci-dessous).</li>
<li>Montrez l’importance de l’adjectif “juste” : c’est ce mot en particulier qui peut rappeler les termes dont userait un enfant (“Ce n’est pas une chose juste” est une variation, par un adulte, de la phrase “C’est pas juste”). Commentez également sa polysémie : “juste” est l’adjectif correspondant au nom “justice” mais aussi au nom “justesse” (pour exactitude, vérité). Je vous recommande de réfléchir au fait qu’à l’image de toute la tirade, ce mot fait partie d’un ensemble de termes associés en réseau : fatigué, brutal, méchant, mauvais, juste, exact.</li>
</ul>
<p><strong>POUR AFFINER VOTRE LECTURE</strong></p>
<ul>
<li>Je vous invite à être attentif au retour du verbe « imaginer ». Que dit-il de la façon dont les personnages se pensent les uns les autres au sein de cette famille ?</li>
<li>Réfléchissez au motif du regard : pourquoi parler de regard ? Peut-on faire un lien avec la question de l’abandon et donc avec Louis ?</li>
<li>Pensez à commenter les adresses d’Antoine aux personnages, la répétition du pronom “vous” (quel effet produit-elle ? comment la proférer ? n’inclut-elle que les personnages ?), les didascalies internes qui suggèrent qu’Antoine se tourne tour à tour vers les uns et les autres, et que peut-être ceux-ci esquissent des gestes à son encontre. Qu’est-ce qui a changé dans leur rapport à Antoine par rapport aux premières minutes de la scène ?</li>
<li>Comment interprétez-vous l’emploi du présent dans la phrase “vous ne me regardez pas” : faut-il y voir un présent d’énonciation (c’est-à-dire, rappelons-le, un présent qui réfère à la situation présente, au discours qu’Antoine est en train de tenir), et donc une didascalie interne (les autres membres de la famille, face à lui, ne le regarderaient pas au moment où il énonce cette tirade), ou un présent d’habitude (ils ne le regarderaient jamais), ce qui change aussi légèrement le sens du verbe regarder ?</li>
<li>Pensez à interpréter l’attitude et l’état d’Antoine et des autres personnages au milieu de notre extrait, en vous appuyant sur les didascalies internes (« ça va maintenant » peut éventuellement en être une), le blanc qui interrompt le propos (signe de fatigue ? Reprise de souffle ? Hésitation ? Prise de conscience ?). N’hésitez pas à relever en tout cas tout ce qui exprime, dans ce mouvement, le début d’une prise de conscience, même si vous sautez quelques lignes puis revenez en arrière pour une autre analyse.</li>
<li>Tout ce mouvement sert à la fois le plaidoyer pro domo d’Antoine, déjà engagé, et son réquisitoire contre Louis, à l’origine selon lui de cette situation. Antoine est devant ses juges : observez comme il nomme les uns et les autres dans un mouvement d’expansion. Mais le vocabulaire aussi joue un rôle important. Vous retrouverez le verbe accuser, mais surtout des adjectifs qu’Antoine profère, associe et interroge : méchant, mauvais, brutal, exact et surtout juste. Voir ci-dessus mes remarques sur le terme “juste”.</li>
<li>Montrez comment, dans un deuxième temps, la tirade se déploie à partir d’une prise de conscience. Plusieurs indices en témoignent, notamment l’adverbe “soudain”.</li>
<li>Comment interpréter le rapprochement que fait Antoine entre les termes « juste » et « exact » ? Pensez à prendre le temps de définir le terme “juste”. Songez à sa polysémie (voir plus haut).</li>
</ul>
<hr />
<h4>(Troisième mouvement) Antoine raconte ensuite un souvenir, comme un exemple au service de son plaidoyer ; ce troisième temps de la tirade prolonge aussi sa prise de conscience.</h4>
<p><strong>L’ESSENTIEL</strong></p>
<ul>
<li>Vous commenterez bien sûr le souvenir d’Antoine et la façon dont il est rapporté, devant Louis et à Louis : attachez-vous aux changements de pronoms (Louis est désigné de plusieurs façons différentes, très révélatrices de la façon dont Antoine porte sa parole), au choix de l’imparfait (qui indique la fréquence de tels événements : quelle est-elle ?). Montrez comment, presque à la façon d’une parabole (une histoire entendant révéler la vérité sur un comportement humain), ce souvenir éclaire le présent pour Antoine (et pour les autres personnages, ainsi que pour le spectateur), d’une forme de défense à une autre, d’une forme de brutalité à une autre. Commentez l’expression « se donnait le beau rôle » (voir ci-dessous).</li>
<li>Vous serez attentif aux marques par lesquelles le texte montre qu’Antoine réfléchit au moment même où il parle (sa parole n’a pas été pensée avant : elle ouvre un chemin à la relecture de ses relations avec son frère). Sa prise de conscience, sur son histoire et ses liens avec Louis, est parachevée par le récit de ce souvenir. Soulignez pour ce faire le rôle de la parenthèse.</li>
</ul>
<p><strong>POUR AFFINER VOTRE LECTURE</strong></p>
<ul>
<li>Attachez-vous à tout ce qui souligne qu’une prise de conscience s’opère. Ce peut être l’occasion de commenter encore le présent (d’énonciation, autrement dit le présent d’actualité), et le rôle des phrases entre parenthèses (une nouvelle fois, paradoxalement très importantes dans le texte de Lagarce).</li>
<li>En quoi peut-on dire du souvenir rapporté par Antoine qu’il est emblématique de sa relation avec Louis ? Pensez, bien sûr, à commenter le choix de l’imparfait. Dans la façon qu’a Antoine de le rapporter, soyez attentifs aux pronoms qui désignent ou incluent Louis. Que signifient les changements de pronoms ?</li>
<li>« se donnait le beau rôle » : pensez à vous arrêter sur cette expression du langage courant… qui nous vient justement du théâtre. Toute la pièce est empreinte de théâtralité (les personnages joueraient des rôles) : Louis, déjà, s’est montré comme un metteur en scène (pensez à la scène 1 de cette partie : “c’est juste une idée mais elle n’est pas jouable”). Que dit-elle, cette expression, de Louis, et du regard qu’Antoine porte sur lui ?</li>
<li>Qu’est-ce qui malgré cette prise de conscience en marche, atteste du doute qui persiste chez Antoine ?</li>
<li>Comment Antoine rapproche-t-il le souvenir d’enfance du moment qu’ils viennent de vivre ? Comment interprétez-vous cela ? Quel regard nouveau le lecteur - spectateur peut-il porter sur la question de la brutalité ici ?</li>
<li>Ce mouvement opère une boucle sur lui-même en revenant à la question de la brutalité, de la défense et de l’accusation. Pensez à montrer comment.</li>
</ul>
<hr />
<h3>(Quatrième et dernier mouvement) Le texte se clôt enfin sur une adresse à Catherine et à Suzanne. Faut-il y voir l’expression d’un apaisement ?</h3>
<p><strong>L’ESSENTIEL</strong></p>
<ul>
<li>Pensez à indiquer à qui Antoine s’adresse : Catherine dans un premier temps (« Ne lui dis pas de partir… »), et ensuite ?</li>
<li>Pourquoi Antoine recommande-t-il de ne pas demander à Louis de partir ? En quoi cela est-il libérateur ?</li>
<li>Comment dire la dernière phrase ? Pensez aux blancs.</li>
</ul>
<p><strong>POUR AFFINER VOTRE LECTURE</strong></p>
<ul>
<li>Montrez comment la toute fin de la tirade clôt l’extrait en revenant au thème du départ. Qu’est-ce qui a changé ?</li>
<li>Pourquoi est-il important qu’Antoine demande à Catherine de ne rien dire à Louis, de ne rien lui demander ?</li>
<li>Comment interprétez-vous “Je vais bien” ? Comment le diriez-vous à voix haute ? Faut-il y voir une didascalie interne, qui suggérerait un geste de la part d’un des membres de la famille à l’égard d’Antoine ? À qui adresserait-il cette réplique, si vous étiez metteur en scène ? Pourquoi est-elle encadrée par des blancs ?</li>
</ul>
<hr />
<h3>Pour conclure</h3>
<p><code>Pensez à récapituler l'essentiel de ce que vous avez tenté de démontrer ; puis, c'est toujours apprécié, élargissez votre champ de réflexion (ou prenez de la hauteur si vous préférez : d'une métaphore à l'autre, ces formules reviennent au même geste) : mettez cet extrait en relation avec une autre scène, avec le titre, avec une autre œuvre... pourvu que ce rapprochement soit éclairant, et qu'il ne soit pas perçu comme une obligation rhétorique et académique.</code></p>Guide de relecture : Juste la fin du monde, première partie, scène 5 (lecture 2/16)urn:md5:5d44562c30e788713ed566098c21e15f2023-10-10T09:15:00+01:002023-10-10T09:15:00+01:00PGDanset1re<p>Voici un guide de relecture de ce monologue décisif et révélateur de Louis.</p> <hr />
<h3>Pour situer la scène et réfléchir au plan d’énonciation de ce monologue</h3>
<p><code>Je reviens ici sur une question que nous avons peut-être plus évoqué dans une classe que dans l’autre : de quel lieu, voire depuis quel espace-temps Louis s'adresse-t-il à nous ? Ce monologue, le premier depuis le Prologue, autorise une interprétation, comme l'écrit le metteur en scène Jean-Charles Mouveaux, à savoir que l'histoire de ces retrouvailles familiales pourrait être racontée depuis un seul point de vue : celui de Louis, comme s’il avait filmé les scènes qui réunissent les membres de la famille. Le revoici en récitant, en Coryphée (voir plus bas) de sa propre histoire, qui s'adresse au spectateur.</code></p>
<p><strong>La scène 5 de la 1re partie interrompt les retrouvailles de Louis avec les siens ; elle intervient après les premiers échanges, puis la scène de Catherine (2), celle de Suzanne (3) et celle de la Mère (4) qui reproduisent d’ailleurs, à peu de choses près, l’ordre de leurs répliques dans la scène 1, que l’on peut de ce fait voir comme une scène d’exposition.</strong></p>
<p>Chacun - à part Antoine - a donc eu un moment d’expression, dont Louis, qui s’est au tout début présenté au spectateur, dans un “Prologue” hors du temps et de l’espace des retrouvailles familiales.</p>
<p><strong>C’est le moment que choisit Jean-Luc Lagarce pour interrompre le cours des retrouvailles et remettre en scène Louis, sur un plan d’énonciation qui est le même que celui du Prologue, c’est-à-dire un espace-temps indéterminé, qui n’est manifestement pas le même que celui de la réunion familiale. C’est comme si l’on avait affaire à une suite de ce Prologue : on peut imaginer même lire le Prologue, les trois monologues de Louis et l’épilogue comme une suite.</strong></p>
<hr />
<h3>Le modèle de la tragédie grecque</h3>
<p><code>J’ajoute ici quelque chose d’important, sur quoi je reviendrai prochainement auprès de vous, et qui porte sur la construction de la pièce, qui alterne scènes familiales et monologues de Louis. Ce modèle, Lagarce a été le chercher dans un passé très reculé, aux origines mêmes du théâtre.</code></p>
<p><strong>Manifestement, le dramaturge s’inspire en effet du modèle de la tragédie grecque</strong>, qui alterne épisodes (avec de l’action) et interventions du Chœur (en grec, les stasima au pluriel - stasimon au singulier). Le Chœur, dans une tragédie, commente l’action et représente la cité qui assiste à la pièce. On trouve dans l’œuvre le même nombre de monologues que de « stasima » dans la tragédie grecque (cinq).</p>
<p>Louis serait donc, on l’a déjà dit, personnage et Chœur, personnage et Coryphée (c’est-à-dire chef de Chœur) à la fois. D’un côté, il raconterait son histoire ; de l’autre, on le verrait la vivre.</p>
<p>Les débuts de ces monologues suggèrent qu’il se situe bien dans un autre espace-temps que les scènes consacrées aux retrouvailles familiales. Il est comme un récitant, externe et interne à l’histoire, qui de temps en temps, donne à voir ce qui s’est passé ce jour-là ou ces jours-là, ces dimanches-là :</p>
<ul>
<li>Prologue : « Plus tard, l’année d’après… »</li>
<li>Scène 5 de la 1re partie (1er stasimon) - « C’était il y a dix jours à peine peut-être »</li>
<li>Scène 10 - « Au début, ce que l’on croit »</li>
<li>Scène 1 de la 2e partie « Et plus tard, vers la fin de la journée »</li>
<li>Épilogue - « Après, ce que je fais, je pars »</li>
</ul>
<p><code>Vous l'aurez compris : que Jean-Luc Lagarce ait puisé dans la tragédie grecque l'architecture qui sous-tend sa pièce a au moins deux effets : ce modèle éprouvé, remarquable de symétrie, donne à l'œuvre une forme équilibrée (alors même que l'équilibre de la famille, lui, est introuvable) ; mais surtout, ce choix met Louis dans une position très originale, en commentateur de sa propre histoire. Tout le reste est peut-être donné à voir par le prisme de son récit (voir le propos de Jean-Charles Mouveaux ci-dessous) ; il est comme un metteur en scène. Enfin, cette position de commentateur, de Coryphée, témoigne aussi de l'irréductible distance entre lui et les siens.</code></p>
<hr />
<h3>Quel peut être ce hors-temps des monologues de Louis ?</h3>
<p>Je vous invite à réfléchir à cette question et formuler, pour vous-même, une réponse que vous pourrez justifier à l’oral.</p>
<p>Je cite ici Jean-Charles Mouveaux, qui a mis en scène la pièce au Théâtre de l’épée de bois en février 2023 :</p>
<blockquote><p>“Sommes-nous dans la réminiscence, dans l’espoir, l’envie ou le fantasme de son retour ? Il y a ici une vision quasi cinématographique (une proposition d’angle de caméra, de montage) qui continue à m’interroger et me fasciner.”</p></blockquote>
<ul>
<li>Louis parle-t-il depuis la mort comme le suggère l’épilogue (« Je meurs quelques mois plus tard ») ?</li>
<li>Est-ce une rêverie, des pensées qui sont les siennes, au moment où il retrouve les siens ?</li>
<li>On peut se demander si ces monologues sont ces « éclaircies » qui étaient au cœur du titre précédent et non retenu par Lagarce in fine : <em>Quelques éclaircies</em> (je vous renvoie au journal à la fin de l’édition des Solitaires intempestifs, pour ceux qui l’ont).</li>
<li>Cette construction ménage en tout cas des temps au cours desquels, en s’affranchissant de toute esthétique de la vraisemblance (dans laquelle tout est réuni pour que le spectateur croie ce qu’il voit), Louis parle, se parle à lui-même (le monologue en lui-même est un artifice théâtral que l’on accepte par convention), nous parle, sans que les autres personnages puissent l’entendre. Le spectateur, vous l’avez très bien dit en cours, entre donc dans la pensée de Louis ; il en sait plus que les autres membres de la famille sur sa conduite ; il peut confronter ce que dit Louis en famille et ce qu’il dit en son for intérieur.</li>
</ul>
<hr />
<h3>Lecture rapprochée du texte, pour le cœur de l’explication</h3>
<h4>Les mouvements de notre extrait</h4>
<p><strong>Délimitations : de “Je me suis éveillé, calmement, paisible”, à la fin.</strong></p>
<p>Je vous propose d’expliquer l’extrait en en épousant la progression, qui peut se décliner en trois temps.</p>
<h5>En 1A, nous avons distingué :</h5>
<ul>
<li>le récit d’un réveil, occasion d’un bilan de Louis sur ses relations avec les autres ;</li>
<li>un second mouvement du texte, dans lequel le propos acquiert une portée générale, universelle : Louis serait condamné au rejet ;</li>
<li>une conclusion : Louis aurait fait, ce matin-là en se réveillant, et dans ce monologue en y revenant, le deuil de lui-même, mort dans le cœur des autres (je reprends cette très belle formule de votre camarade).</li>
</ul>
<p><br /></p>
<h5>En 1B, nous avons distingué :</h5>
<ul>
<li>le récit d’un réveil serein, au cours duquel est survenue une « pensée étrange et claire » sur l’abandon vécu par Louis ;</li>
<li>de nouveau, le récit de ce réveil, mais avec une insistance sur la confusion, et des explications sur l’abandon subi par Louis ;</li>
<li>une conclusion : Louis a mis au clair une idée désormais « indestructible » sur les causes de l’abandon dont il s’est senti victime.</li>
</ul>
<p><br /></p>
<h5>Je reviens sur vos lectures de la composition du texte :</h5>
<p><code>Je livre ici beaucoup de détails : trop pour tout dire à l’oral, lorsque vous précisez les mouvements de l’extrait. Mais je le fais dans le but de vous rendre claire cette composition.</code></p>
<p><strong>1. Du début de l’extrait à “je demande l’abandon”, Louis raconte son réveil et la survenue d’une “pensée étrange et claire”, comme une prise de conscience.</strong> Son propos s’élabore avec difficulté, comme en témoigne son temps d’arrêt (« je ne sais si je pourrai bien la dire »). Après l’interruption, le propos progresse par reprises, corrections, répétitions et énumérations. Il raconte avoir progressivement compris qu’il a toujours poussé autrui à l’abandonner. Mais ce propos demeure en suspens.</p>
<p><strong>2. De “c’était cette impression” à “c’est m’aimer plus encore”, le discours de Louis reprend comme en bégayant : il revient au réveil et à l’émergence de ce qu’il appelle désormais une “impression”.</strong> Il reprend le récit au début, en évoquant cette sortie du sommeil à nouveau, avant de développer, d’expliciter sa réflexion sur l’abandon auquel il pousse les autres et que cela a toujours fait souffrir les autres. Un point final clôt une très longue phrase commencée avant même l’extrait que je vous ai proposé.</p>
<p><strong>3. Enfin, Louis conclut le récit de sa découverte de façon bouleversante.</strong> Il achève son propos en deux phrases et en deux temps (ponctués par deux points finaux), temps que matérialisent deux ultimes sections dans la scène. Bancale, cette conclusion montre qu’il est aussi aussi difficile pour Louis de finir que de commencer. Formant une boucle avec le tout début (avec un retour sur le réveil), elle reformule et résume de façon abrupte, mais ajustée, cette perpétuelle et lâche demande d’abandon, et le regard que pose désormais Louis sur son départ : la souffrance de ses proches a toujours été plus aiguë que la sienne.</p>
<hr />
<h4>Premier mouvement : Louis fait le récit hésitant de son réveil et de sa prise de conscience : il a toujours recherché l’abandon.</h4>
<p><strong>L’ESSENTIEL</strong></p>
<ul>
<li>Soyez en particulier attentifs à l’effet de retardement, qui diffère l’explicitation de la pensée venue un matin au réveil à Louis : observez la construction de la phrase (les répétitions, la juxtaposition, les phrases en expansion, les commentaires - “(ce que je veux dire)”) ; arrêtez-vous pour évoquer les blancs autour de la phrase qui énonce le trouble et les doutes de Louis.</li>
<li>Vous pourrez d’ailleurs commenter le décalage entre la pensée “étrange et claire” dont on ne sait encore rien, et le mystère qui accompagne le récit de cette prise de conscience. C’est clair pour Louis, mais pas pour le spectateur !</li>
<li>Vous serez sans doute vigilant face aux phénomènes de corrections dans l’énumération qui concerne parents et proches. <code>Attention je parle bien de corrections et de reprises, pas d'épanorthose, ce qui n'est pas la même chose. Ne vous laissez pas influencer par les marchands d'épanorthoses qui pullulent sur internet.</code> (L’épanorthose est une correction explicite : non seulement le propos est rectifié, mais l’on insiste sur cette rectification, par exemple en disant : je voulais dire que…).</li>
<li>Le motif de l’abandon demandé est à commenter, pour sa position (à la fin de ce mouvement) et sa dimension paradoxale.</li>
</ul>
<p><strong>POUR AFFINER VOTRE LECTURE</strong></p>
<ul>
<li>Pourquoi selon vous le personnage insiste-t-il sur son état avec l’adverbe “calmement” et l’adjectif “paisible” ?</li>
<li>Jean-Luc Lagarce a envisagé, un temps, d’appeler sa pièce <em>Quelques éclaircies</em>. Peut-on selon vous parler d’une « éclaircie » pour Louis, pour ce réveil-là ?</li>
<li>Comment interprétez-vous l’isolement de cette phrase, séparée du reste du texte par des blancs : « je ne sais pas si je pourrai bien la dire » ? Vous pouvez vous attarder aussi avec profit sur la répétition.</li>
<li>Que peut-on dire de l’expression “cette pensée étrange et claire” ?</li>
<li>Que peuvent signifier les répétitions ?</li>
<li>Et l’énumération ? Sur quoi insiste-t-elle ?</li>
<li>Pour le mot parents, pensez aux raisons qui peuvent amener Louis à le répéter. Vous pouvez réfléchir à la façon dont Jean-Luc Lagarce théorise, dans sa pièce <em>Le Pays lointain</em> (pièce, je l’ai dit, qui reprend largement <em>Juste la fin du monde</em>), l’idée selon laquelle chacun a deux familles : celle au sein de laquelle on naît, et ce que le dramaturge appelle la « famille choisie ».</li>
<li>Comment les personnages personnages de la famille sont-ils mentionnés ? Est-ce par leur nom ?</li>
<li>Que pensez-vous du commentaire à propos du père ?</li>
<li>Comment le texte insiste-t-il sur le regard des autres ? Peut-on même penser au regard… du spectateur ?</li>
<li>Que dire du passage du passé composé (“je me suis éveillé”) au passé simple (ceux qui s’approchèrent de moi”) ?</li>
<li>Que pouvez-vous dire de la correction qu’opère Louis en passant alternativement du présent au passé simple (“ceux que j’approche…”) ?</li>
<li>Que peuvent suggérer les guillemets dans l’expression « au bout du compte » ? Est-ce une prise de distance du personnage par rapport à une expression toute faite, ou qu’il n’a pas l’habitude d’employer, lui ? Est-ce une manière de mettre la formule en relief, en une scène qui se voudrait une récapitulation de son existence ? D’autres interprétations sont possibles sans doute.</li>
<li>Lagarce use là encore d’un effet de retardement : comment ?</li>
<li>Je vous invite à observer l’élargissement opéré par le texte quant l’entourage de Louis : mes parents, tout le monde, on.</li>
<li>Comment Louis explique-t-il qu’on l’abandonne ? Pensez à souligner le paradoxe et la façon dont le texte le met en relief.</li>
</ul>
<hr />
<h4>Second mouvement : Louis reprend son récit, en repartant du réveil, et explicite ce qu’a été sa prise de conscience, en développant le motif de l’abandon.</h4>
<p><strong>L’ESSENTIEL</strong></p>
<ul>
<li>À partir de “c’était cette impression”, vous pouvez vous attacher à la reprise et au tressage des motifs : celui du réveil (le jour de la prise de conscience), celui de l’abandon recherché (ce dont Louis a pris conscience), et celui de l’explication qu’il tente de fournir (notez l’importance des circonstancielles de cause, en “parce que”).</li>
<li>J’essaierais de formuler un commentaire aussi sur le passage de la généralité (pronom “on”, présent de vérité générale), comme si Louis énonçait des lois qui lui sont propres, à ce qui est effectivement arrivé à lui et à ses proches (pronom “ils”, recours au passé simple).</li>
<li>Pensez à montrer que Louis, ici, montre qu’il porte en lui-même sa propre tragédie (indépendante de celle qui concerne sa mort à venir). C’est important, car cette scène contribue, nous l’avons vu, à déplacer l’enjeu de la pièce.</li>
<li>”(…) ils veulent comprendre que me laisser en paix (…) c’est m’aimer plus encore” : cette formule avec la construction “vouloir comprendre” est difficile à interpréter : surtout, ne passez pas à côté. Essayez de dire comment vous lui donnez sens. Cela veut-il dire : ils veulent accepter, ils font l’effort de comprendre ? se convaincre ? ils essaient de comprendre Louis ? Ou bien est-ce lui qui tente de saisir et de satisfaire leur attente (vouloir comprendre… qui il est) ? Pensez en tout cas à ce paradoxe : consentir à abandonner Louis, qui le demande, ce serait une preuve d’amour - c’est en tout cas ce qu’il raconte avoir découvert.</li>
</ul>
<hr />
<p><strong>POUR AFFINER VOTRE LECTURE</strong></p>
<ul>
<li>la « pensée étrange et claire » est devenue « cette impression » : comment interpréter cette reformulation ?</li>
<li>Comment cette section en particulier suggère-t-elle la difficulté de se dire ? Quel rôle joue la phrase incidente (entre tirets : “- un instant, …”) ?</li>
<li>Pourquoi employer le passé simple ? Quel rôle l’adverbe “toujours” joue-t-il ?</li>
<li>Quelle image de sa solitude Louis donne-t-il ici ? Quel rapport peut-on faire avec sa place dans la pièce, voire à la place de ses monologues dans l’œuvre (je vous invite à cette réflexion : ce peut être un pas de côté intéressant au cours de l’oral, mais aussi bien, vous pouvez réserver cela à l’ouverture en conclusion) ?</li>
<li>Comment se dit le caractère fatal, tragique, obligatoire, du renoncement à Louis ? Comment interpréter le verbe falloir ? Serait-ce nécessaire ? Pour qui ? Plus juste ? Moins douloureux ?</li>
</ul>
<hr />
<ul>
<li>Comment dire le saut de ligne à voix haute ? Pourquoi ce saut de ligne avant “et on renonce…” ?</li>
<li>Je vous invite à observer comme s’opère ici un mouvement inverse de l’élargissement que nous avions vu précédemment (et qui allait de la famille à « on ») ; regardez aussi les temps employés en alternance, et interprétez cette alternance.</li>
<li>Pourquoi isoler sur une ligne le pronom « tous » ?</li>
<li>En quoi cet extrait de la scène nous invite-t-il à construire une nouvelle représentation du personnage, dont nous croyions qu’il était parti, qu’il était celui qui s’était éloigné ?</li>
<li>Comment interprétez-vous l’étrange expression initiée par le verbe vouloir (“ils veulent comprendre”) ? De quoi cela témoigne-t-il ?</li>
</ul>
<hr />
<h4>Troisième et dernier mouvement : Louis conclut le récit de sa prise de conscience en deux phrases.</h4>
<p><strong>L’ESSENTIEL</strong></p>
<ul>
<li>La prise de conscience trouve enfin une formulation achevée, en deux phrases quasi équivalentes en longueur, et plus brèves que ce qui précède, après un récit hésitant.</li>
<li>Je m’appuierais sur l’expression qui remplace et surtout explicite la “pensée étrange et claire” du début (et je montrerais le changement survenu), sur le passé simple, sur la prise de conscience elle-même révélée par la complétive (fin de la section 5 : “que cette absence d’amour (…) les autres que moi”).</li>
<li>Montrez que cette phrase est là encore en expansion (cf. les relatives : “dont je me plains (…) et qui toujours…”, la circonstancielle : “sans que…”), ce qui permet le retardement du groupe verbal (“fit toujours plus souffrir…”).</li>
<li>Dans la dernière phrase, relevez de nouveau le rôle du passé simple, qui permet l’expression d’une prise de conscience achevée, définitive.</li>
<li>Vous observerez aussi la cascade d’adjectifs (la polysyndète, c’est-à-dire la multiplication des conjonctions de coordination, produit un effet de mise en relief).</li>
<li>Enfin, pensez à commenter la révélation qui est parvenue à Louis : “on m’aimait déjà vivant comme on voudrait m’aimer mort” (attention au conditionnel, voir ci-dessous). Comment interpréter cela ? Est-ce la preuve du plus grand des amours que d’aimer Louis comme s’il était mort (parce que ce serait avoir consenti à ce qu’il s’éloigne, à répondre à sa demande d’abandon et à en porter le poids) ? Est-ce l’expression de la vraie tragédie de Louis : il serait déjà mort aux yeux des siens, parce qu’il l’aurait recherché ? Est-ce une façon d’accepter, de son vivant, le deuil de sa présence ? Est-ce l’explication de cette incommunicabilité familiale (voir le dernier complément circonstanciel) ?</li>
</ul>
<p><strong>POUR AFFINER VOTRE LECTURE</strong></p>
<h5>Première phrase (l’insistance sur la prise de conscience de Louis, et le prolongement de celle-ci jusqu’à une réflexion sur la souffrance)</h5>
<ul>
<li>Quel rôle le passé simple joue-t-il ?</li>
<li>Je vous invite à observer l’effet de retardement. Montrez comment il fonctionne et interprétez-le : cette pensée met-elle du temps à s’éclaircir ? Est-elle difficile à énoncer sur un plan moral ?</li>
<li>Que Louis réalise-t-il ?</li>
</ul>
<hr />
<h5>Seconde et dernière phrase (la recherche d’une formule juste, pour terminer)</h5>
<ul>
<li>Que suggère le fait que Louis ait besoin d’une deuxième phrase pour conclure ce récit ?</li>
<li>Montrez comment cette dernière phrase boucle la scène sur elle-même.</li>
<li>Comment Louis reformule-t-il l’expression « cette unique et infime raison », devenue « cette pensée étrange et claire » ? Observez l’accumulation de coordinations (polysyndète, accumulation de coordinations), dites-en l’effet.</li>
<li>Commentez la formule emblématique de toute cette scène : « on m’aimait déjà vivant comme on voudrait m’aimer mort / sans pouvoir et savoir jamais rien me dire ». (Attention : le conditionnel est l’équivalent d’un futur dans ce récit au passé : “on m’aime déjà vivant comme on voudra m’aimer mort”, aurait dit Louis au présent).</li>
<li>In fine, la mort prochaine de Louis est-elle la seule et même la première motivation de son retour ? Quel nouvel enjeu est apparu avec cette scène d’introspection et de révélation ?</li>
</ul>Guide de relecture : Juste la fin du monde, première partie, début de la scène 1 (lecture 1/16)urn:md5:dec12a7cb7f90f9ec091da47f39d1ab12023-09-22T17:11:00+01:002023-10-07T18:04:31+01:00PGDanset1re<p>Nous venons d’achever la lecture de la première scène de la première partie de <em>Juste la fin du monde</em> : voici un guide pour que vous relisiez l’extrait à travailler dans la perspective de la première partie de l’épreuve orale (l’explication de texte).</p>
<p><code>Ce n'est en rien une explication de texte toute faite : une telle proposition n'aurait pas de sens, puisque chaque lecteur met en jeu sa sensibilité lorsqu'il interprète un texte littéraire. Mais l'objectif, avec les pistes de réflexion proposées, est bien de vous aider à bâtir <em>votre</em> future explication.</code></p>
<p>N’hésitez pas à revenir vers moi pour toute question.</p> <hr />
<h2>Notre extrait</h2>
<p>Du début à “c’est ce que je voulais dire” (réplique de la Mère).</p>
<hr />
<h2>Lorsque vous expliquez un extrait de scène de théâtre…</h2>
<p>Toute explication est affaire de rencontre avec le texte, c’est-à-dire de sensibilité (forcément personnelle), bien sûr ; mais on lit aussi en fonction de ce qu’on sait du texte, même si on sait peu de choses. Son genre, l’époque de sa création, le type de texte dont il s’agit…</p>
<p>Mobilisez donc vos connaissances, c’est-à-dire ce que vous savez du genre théâtral grâce au travail des années passées : on ne lit pas du théâtre comme on lit un roman. Le sens naît de l’articulation entre les répliques, les didascalies, la dynamique du dialogue, le caractère des personnages, leurs relations… Je vous propose ci-dessous quelques pistes, comme un prisme de lecture, pour entrer dans l’explication (à l’oral) ou le commentaire (à l’écrit) d’une scène de théâtre. Elles sont extraites d’un <a href="http://lettrines.net/dotclear/index.php?post/2022/08/29/Commentaire-%3A-entrer-efficacement-dans-la-lecture-d-un-texte">billet spécifiquement consacré à l’exercice du commentaire littéraire</a>.</p>
<ul>
<li>Exploitez toute information que vous auriez sur la situation de l’extrait dans l’œuvre, et sur son contenu : scène d’exposition, dénouement, scène de reconnaissance qui va faire basculer l’histoire, scène d’affrontement, scène de tromperie…</li>
<li>Quels sont les personnages ? Sont-ce des types de personnages (correspondant le plus souvent à des positions sociales) ? Et sinon, leur connaît-on un rôle défini dans la <em>dramatis personae</em> (la liste des personnages figurant en tête du texte) ? Quelles sont les relations entre eux ? Comment le lecteur découvre-t-il cela ?</li>
<li>Ordre dans lequel interviennent les personnages, longueur des répliques (tirades ? répliques ? échanges brefs appelés stichomythies ?) ; dialogue, monologue, aparté (voyez le type de réplique proposé)… Pensez à la forme et la distribution des répliques, et ce qu’elle révèle de la situation et des personnages.</li>
<li>Examinez le texte didascalique et les didascalies internes (c’est-à-dire les indications scéniques fournies par les répliques des personnages elles-mêmes). Décor, gestuelle : tout fait sens au théâtre ; Roland Barthes, je l’ai dit, parle d’une “polyphonie informationnelle”.</li>
<li>Rappelez-vous qu’un texte théâtral s’énonce d’une façon singulière : il est écrit par un dramaturge, mais proféré par des personnages (c’est ce qu’on appelle la double énonciation du texte théâtral) ; il est adressé par un personnage aux autres personnages, et aux spectateurs dans le même temps (c’est ce qu’on nomme la double destination du texte théâtral). Il arrive qu’une réplique ou que toute une scène joue très nettement de ces caractéristiques propres au genre.</li>
<li>Au théâtre, le spectateur sait qu’il entre provisoirement dans une fiction, qu’il va temporairement tenir pour vraie (c’est ce qu’on nomme la suspension du jugement). Or, parfois, un personnage peut nous rappeler que nous sommes au théâtre, que tout est imagination. C’est une façon de jouer avec la théâtralité du spectacle.</li>
<li>Comment pourrait-on mettre en scène cet extrait ? Une telle question, on l’a vu, aide à comprendre le sens, ou à ouvrir un champ d’interprétations possibles.</li>
<li>À quoi la scène aboutit-elle ? Fait-elle avancer l’action de la pièce ?</li>
<li>Quelles émotions le texte peut-il susciter chez le spectateur ? (Telle réplique, au ton comique, fera rire le public ; telle remarque peut être empreinte d’ironie de la part du dramaturge, et pas forcément du personnage, dont il se moque peut-être, ce qui peut créer entre l’auteur et le spectateur une forme de connivence…).</li>
</ul>
<hr />
<h2>Notre première lecture</h2>
<p>Malaise, gêne, entrain de Suzanne en contrepoint, incarnation par les personnages de leur <em>rôle</em> au sein de la famille (Antoine, frère aîné, voire père de substitution ; Suzanne, petite sœur, encore enfant ? Catherine, à l’écart ; Louis, au seuil de la maison, tel que vous l’avez imaginé…) : autant de pistes d’interprétation judicieuses, fécondes, que vous avez proposées en cours et sur lesquelles je vous invite à réfléchir à nouveau.</p>
<p><code>Vous n'avez pas à répéter sans distance ce que nous nous sommes dit, mais à choisir et formuler ce qui donnera le LA de votre explication : imaginez que vous soyez metteur en scène : quelle direction donneriez-vous à vos comédiens ? Par exemple : <em>je veux que vous interprétiez le malaise lors du retour de Louis</em>. Au Bac, cela donnera un projet de lecture, un angle d'approche, c'est-à-dire <strong>l'expression du fil conducteur de votre démonstration</strong> :</code></p>
<p><strong>“Je me propose d’interpréter cet extrait comme une scène marquée par la gêne, comme si la rencontre menaçait à chaque réplique de tourner à la confrontation.”</strong></p>
<p>Vous le voyez, j’évite sciemment de vous recommander des constructions interrogatives (“On se demandera comment…”, “En quoi cette scène…) : elles ne sont nullement prohibées, bien entendu. Mais je vous incite à trouver une formule qui marque davantage votre engagement, votre implication dans le choix interprétatif. Et cela permet, au passage, de vous épargner le risque d’erreur grammaticale dont nous reparlerons avec l’emploi les interrogatives indirectes.</p>
<hr />
<h2>Pour aller plus loin</h2>
<p>De nos premières impressions, nous pouvons partir pour découvrir les enjeux profonds de cette scène. À vous de vous y efforcer en relisant l’extrait. Je vous accompagne ici quelque peu dans cette tâche.</p>
<ul>
<li>Sur le plan de l’intrigue, il s’agit d’une scène de retrouvailles après une longue séparation ; quels problèmes ces retrouvailles peuvent-elles poser ? Que peuvent ressentir les différents personnages ? Qu’est-ce qui est dit, qu’est-ce qui est éventuellement tu ?</li>
<li>Sur le plan dramaturgique, c’est-à-dire s’agissant de la construction de la pièce, cette scène apparaît comme une seconde scène d’exposition (après le Prologue), voire comme la véritable scène d’exposition : en commençant sa pièce, que doit nous faire découvrir le dramaturge ? De quelles informations le spectateur a-t-il besoin pour comprendre la suite de la pièce ? (Cette question recoupe la première, mais je vous indique par là que l’on peut changer d’angle d’analyse.)</li>
</ul>
<hr />
<h2>Repérez la progression, autrement dit les mouvements (les étapes) de l’extrait</h2>
<p><code>Indiquer la composition du texte après avoir formulé un angle de lecture : ces deux étapes ne sont pas exigibles à l'oral ; aucun texte officiel n'y fait référence. C'est une proposition que je vous fais, compte tenu de ce qui se pratique souvent à l'examen. L'intérêt d'avoir cerné une progression textuelle, c'est aussi, en aval, de pouvoir regrouper ses remarques, étape par étape, plutôt que de tenir un discours aux airs d'inventaire.</code></p>
<h3>Proposition 1 (1A)</h3>
<p>On peut considérer que notre extrait se compose de deux temps :</p>
<ul>
<li>les présentations faites par Suzanne (jusqu’à la réplique de Louis, qui se résout à “embrasser” Catherine)</li>
<li>l’évocation de son absence au mariage d’Antoine et de Catherine, avec en particulier les dernières répliques de la Mère.</li>
</ul>
<p>Mais on peut préférer mettre en évidence des mouvements plus brefs, avec une décomposition plus détaillée :</p>
<h3>Proposition 2 (1A)</h3>
<ul>
<li>Suzanne, en metteuse en scène, fait les présentations (jusqu’à “Comment veux-tu ? Tu sais très bien”),</li>
<li>avant que le geste de Louis, à savoir serrer la main de Catherine, ne provoque l’étonnement et la discussion (à partir de “Je suis très content”).</li>
<li>(à partir de “En même temps, qui est-ce qui m’a mis une idée pareille en tête”) La Mère s’étonne, ou fait mine de s’étonner que Louis ne connaisse pas Catherine, et prétend avoir oublié le passé ; cette dernière le dédouane de son absence au mariage (vous noterez que cet étonnement apparaît dès la première réplique de la Mère, mais notre extrait se clôt sur les interventions de ce personnage, qui prolongent précisément ses tout premiers mots).</li>
</ul>
<p>En 1B, vous avez eu des lectures un peu différentes : je les restitue ici :</p>
<h3>Proposition 3 (1B)</h3>
<ul>
<li>Suzanne fait les présentations (voir ci-dessus), jusqu’au moment où Louis tente de serrer la main de Catherine,</li>
<li>et ce moment de rencontre et de retrouvailles se poursuit dans la gêne.</li>
</ul>
<h3>Proposition 4 (1B)</h3>
<p>Là encore, une lecture affinée est possible :</p>
<ul>
<li>Suzanne orchestre la rencontre (première réplique),</li>
<li>suscitant ainsi l’agacement d’Antoine,</li>
<li>puis Louis peine à trouver le geste juste pour saluer Catherine,</li>
<li>ce qui conduit à de nouvelles réactions,</li>
<li>et à l’évocation de son absence au mariage.</li>
</ul>
<p>Certains textes, et c’est le cas de celui-là, ne se laissent pas enfermer dans une recomposition figée et définitive.
<code>Deux critères de choix : lisez le texte à voix haute, faites-vous votre propre idée des articulations, des silences dans l'extrait (critère théâtral et littéraire) ; en vous entraînant à voix haute, lors du développement de votre explication, voyez si votre discours est plus clair lorsque vous multipliez les étapes (comme on multiplierait les paragraphes à l'écrit), ou si au contraire, deux suffisent voire améliorent la clarté de votre propos (critère pratique et rhétorique).</code></p>
<p>En fait, ce qui rend la décomposition difficile ici, ou toute décomposition ci-dessus à la fois recevable et à nuancer, c’est que les personnages ne sont pas tout à fait ensemble. Ainsi, les répliques de la Mère sont toutes orientées par ce qu’elle nomme l’oubli : sa première intervention prépare les suivantes.</p>
<hr />
<h2>Guide pour analyser le texte, en trois étapes</h2>
<blockquote><p>Je fais le choix d’une décomposition en trois temps.</p></blockquote>
<p><code>Qu'est-ce que l'analyse littéraire, si je peux le résumer en un mot ? Je vais reprendre la réponse d'une de vos camarades cette année : cela consiste à "expliquer avec le texte, avec les conséquences du texte (sur le sens)". On entrelace donc dans son propos, ce que j'ai fait en cours, une ou plusieurs INTERPRÉTATIONS, dont on démontre la pertinence par des REMARQUES SUR L'ÉCRITURE, EN CITANT le texte. Je vous propose une vidéo sur Pearltrees pour bien comprendre ce qu'on peut espérer de vous, et comment le mettre en œuvre.</code></p>
<blockquote><p>Pour des raisons d’économie, ci-dessous, <em>je ne cite pas le texte : vous devrez le faire à l’oral.</em></p></blockquote>
<h3>La scène s’ouvre sur la rencontre laborieuse entre Catherine et Louis, avec Suzanne en chef d’orchestre.</h3>
<blockquote><p>Pensez à formuler pour vous-même la phrase qui présentera chaque mouvement. Si vous répétez ce qui est écrit ici, alors que ce n’est qu’une aide, une suggestion pour relire le texte, vous allez tous donner l’impression de répéter le cours de votre professeur, ou le contenu d’un support lu sans réelle digestion de l’esprit, et appris par cœur. Ce sera du plus mauvais effet.</p></blockquote>
<h4>L’ESSENTIEL</h4>
<ul>
<li>Choisissez une interprétation qui vous semble pertinente pour la première réplique de Suzanne : enthousiasme excessif ? Gêne occasionnée par cette rencontre étrange ? Effort pour dissimuler le malaise familial face au retour de Louis ? Sur le plan de l’analyse, à votre place, je m’appuierais, pour étayer mon interprétation, sur le caractère saccadé de la première réplique de Suzanne, en commentant la brièveté des phrases, leur simplicité syntaxique (ligne 1, 3 et 4, elles reposent sur une simple tournure présentative), les répétitions, et les retours à la ligne. </li>
<li>Je vous invite à observer, ensuite, ce qui fait que les autres personnages sont en retrait, qu’ils se situent comme des spectateurs de la scène, mais avec des réactions différentes (Antoine, cassant), qu’ils soient dans une position délicate (Catherine, belle-sœur, Louis, longtemps absent : voyez la brièveté de leurs interventions), ou qu’ils semblent décalés par rapport à la rencontre (la Mère). Pour cette dernière, sur le plan de l’analyse, attachez-vous au rôle de la juxtaposition dans sa réplique, ainsi qu’aux répétitions et à la syntaxe (fait-elle des phrases correctement construites, en tout cas aisément lisibles et compréhensibles ? Pensez à la disparition de certains mots). Songez à leur rôle dans la famille, tel qu’on peut le supposer.</li>
<li>Enfin, vous pouvez souligner l’étrangeté du dialogue : montrez, en vous penchant sur la succession des répliques, qu’elles ne s’enchaînent pas, autrement dit que les personnages ne se répondent pas, ou pas tout à fait (même si Catherine parle bien à Antoine). Vous pouvez très bien proposer à votre examinateur ce que vous imagineriez comme metteur en scène : les entendrait-on successivement ou simultanément ?</li>
</ul>
<p>⠀</p>
<h4>Pour affiner votre explication</h4>
<blockquote><p>La rubrique “Pour l’essentiel” est conçue pour vous permettre de bâtir votre explication… sans perdre courage face à toutes les pistes d’analyse que l’on pourrait proposer. Ici, je vous invite à aller plus loin, et à étoffer vos observations sur l’écriture.</p></blockquote>
<h5>Première réplique de Suzanne</h5>
<ul>
<li>Quel rôle Suzanne tient-elle dans ce début de scène ?</li>
<li>À lire les mots de Suzanne, quel effet produit l’absence de didascalie ? Quel effort le lecteur doit-il faire s’il n’est pas spectateur de la pièce ?</li>
<li>Quel effet produisent les retours à la ligne ? Et les reprises ?</li>
<li>Que peut-on dire de la longueur des phrases ? Qu’est-ce que cela peut suggérer alors que Louis entre tout juste et rencontre Catherine ? Quel ton choisir pour Suzanne ?</li>
<li>Que penser, même sur le plan sonore, des répétitions, des sons de cette première réplique, s’ils traduisent quelque chose de l’attitude de Suzanne ?</li>
</ul>
<h5>L’échange entre Antoine et Catherine</h5>
<ul>
<li>Comment Antoine se répète-t-il exactement ? Qu’est-ce que cela suggère quant à son rapport avec Suzanne ?</li>
<li>Que pensez-vous des répliques entre Catherine et Antoine ? Comment sont-elles dites ? En aparté ? Justifiez votre réponse.</li>
<li>Repérez la didascalie interne dans les répliques d’Antoine. Que dit-elle de Suzanne ?</li>
</ul>
<h5>La mère et Antoine</h5>
<ul>
<li>Que disent les répliques de la Mère quant à sa compréhension de ce qui se passe ? Sa place par rapport aux autres ? Qu’est-ce que cela suggère, dans cette scène d’exposition, quant à son rôle dans l’œuvre ? Quel lien faire avec la façon dont elle est désignée ?</li>
<li>Une scène d’exposition donne des informations sur le passé des personnages. Vous pourriez montrer que Lagarce joue avec cet horizon d’attente de toute scène d’exposition, en commentant la phrase d’Antoine adressée à sa mère : « tu sais très bien » ? Quel “savoir” le spectateur est-il invité à deviner, et qui ne lui sera explicitement délivré que plus loin ?</li>
</ul>
<hr />
<h3>La scène met ensuite l’accent sur les premiers gestes de la rencontre : faut-il se serrer la main ou s’embrasser ?</h3>
<blockquote><p>Je commencerais l’étude de ce mouvement à partir de la réplique de Louis : “Je suis très content”.</p></blockquote>
<h4>L’ESSENTIEL</h4>
<ul>
<li>Rappelez-vous ce qu’est une didascalie interne : “Tu lui serres la main” en est une : une indication scénique donnée dans la réplique d’un personnage. C’est bien sûr une stratégie d’écriture dramaturgique très efficace. Même la réplique de Louis (“Je suis très content”) en est une : on comprend, rétrospectivement, qu’il la prononce en s’approchant de Catherine pour lui serrer la main. Mais rappelez-vous à cette occasion certaines des scénographies que vous aviez imaginées, ou qui vous ont été proposées en cours, et qui insistaient sur la distance entre les personnages.</li>
<li>Vous commenterez en particulier le rôle de Suzanne, à nouveau. À vous d’interpréter ce qui semble, a minima, de l’étonnement. Étayez bien votre propos : observez les répétitions, expliquez l’effet du changement de pronom, soulignez le rôle de la juxtaposition. Faites attention, il n’y a pas là que sa réaction au geste de Louis : le texte développe le motif de l’imagination. Pensez à la contradiction entre “Tu ne changes pas” et “comme ça que je l’imagine”.</li>
<li>Soulignez évidemment le rôle d’Antoine à nouveau (vous pourrez insister sur le crescendo, c’est-à-dire la gradation qui caractérise l’ensemble de ses répliques dans la scène), ainsi que la réaction de Louis à l’attente de Suzanne (sincère ? artificielle ? gênée ?).</li>
</ul>
<p>⠀</p>
<h4>Pour affiner votre explication</h4>
<h5>Louis, Catherine, Suzanne</h5>
<ul>
<li>Que pensez-vous de la façon dont Catherine se présente ?</li>
<li>Comment interpréter la phrase de Louis : “Je suis très content” ? Peut-elle être sincère ? A-t-il le choix de ce qu’il peut dire à cet instant ?</li>
<li>Et la réponse de Catherine ?</li>
<li>Comment le lecteur est-il invité à imaginer les gestes des personnages, dans l’échange de répliques entre Louis et Catherine ?</li>
<li>Quels sont ces gestes et que suggèrent-ils sur les personnages et leurs relations ?</li>
<li>Comment les personnages se répondent-ils, et même : se répondent-ils ? Faut-il envisager ces répliques comme étant dites les unes après les autres, ou simultanément, selon vous ?</li>
</ul>
<h5>Longue réplique de Suzanne (« Tu lui serres la main… »)</h5>
<ul>
<li>Que suggèrent les changements de pronoms (Tu, il) ? Imaginez Suzanne en action.</li>
<li>Comment voyez-vous Louis en scène par rapport aux autres personnages ? Qu’est-ce que cela dit de sa place dans la famille ?</li>
<li>Pensez à commenter cette phrase : « Il ne change pas, comme ça que je l’imagine ». Que penser de ces verbes ?</li>
<li>Que pensez-vous de l’affirmation de Suzanne à la fin de cette réplique, construite autour de la reprise du verbe trouver (“tu te trouveras, vous vous trouverez sans problème, elle est la même, vous allez vous trouver”) ?</li>
<li>Que signifie son dernier « Catherine. » ? Une invite à embrasser Louis ? S’il faut y voir une didascalie interne, quel serait le geste de Suzanne d’après vous ?</li>
</ul>
<h5>Antoine, Suzanne, Louis</h5>
<ul>
<li>Les personnages se parlent-ils (Louis à Suzanne, Catherine à Suzanne) ? Se répondent-ils ? Pensez comme toujours à bien justifier vos réponses en citant le texte, en l’examinant. S’ils ne se répondent pas, que peut-on penser de l’atmosphère de cette rencontre ?</li>
<li>Comment comprendre ce que dit Louis lorsqu’il passe de « très content » à « très heureux » ?</li>
</ul>
<hr />
<h3>Enfin, notre extrait se clôt sur la figure de la Mère, qui recompose sa mémoire laborieusement - ou avec mauvaise foi.</h3>
<h4>L’ESSENTIEL</h4>
<ul>
<li>Ce dernier mouvement de votre explication est centré sur la Mère : c’est l’occasion de montrer le caractère décalé de ses répliques par rapport à l’échange. Mais même si le personnage n’est pas cohérent, pensez à commenter la cohésion de ses répliques : elles semblent se suivre. </li>
<li>J’insisterais, à votre place, sur l’attitude très particulière de la Mère : gêne ? déni ? volonté de recomposer sa mémoire pour gommer l’épisode de l’absence de Louis au mariage ? Étonnement feint pour mieux renvoyer la responsabilité de cette absence aux autres ?… Sur le plan de l’analyse, justifiez votre propos en commentant le rôle de la question initiale (une question rhétorique) ; celui des verbes qui sont au cœur de sa parole et qui s’y télescopent : savoir, connaître, imaginer (le même que celui de Suzanne), croire pensable ; celui des retours à la ligne (quelle attitude peuvent-ils traduire ?).</li>
<li>Bien sûr, ayez une attention particulière pour la façon dont sont désignés les deux fils. Ce passage, noté par une de vos camarades en cours, est très important.</li>
<li>Pour Catherine, pensez à la construction de sa phrase : le sujet, ce sont “les occasions”. Pourquoi ? Qu’essaie-t-elle d’occulter ? Quelle attitude est la sienne à l’égard de Louis ?</li>
<li>La réplique d’Antoine s’inscrit dans le registre cassant de ses précédentes interventions. Mais on peut également en faire une lecture métathéâtrale (comme ci-dessus) : nous sommes dans une scène d’exposition ; Lagarce nous apprend qui sont ses personnages, mais sans lourdeur : il serait inutile d’en dire plus, car la Mère “sait ça parfaitement”.</li>
<li>La dernière réplique de la Mère mérite d’être commentée pour sa construction chaotique (à nouveau, les juxtapositions sont légion), la brièveté des propositions, les contradictions entre savoir et mémoire, le changement de temps (j’oubliais, j’avais oublié). Elle se clôt sur l’un des leitmotivs de la pièce.</li>
</ul>
<p>⠀</p>
<h4>Pour affiner votre explication</h4>
<h5>La Mère</h5>
<ul>
<li>Quelle place, dans l’ensemble, pour la Mère dans cette scène ?</li>
<li>Répond-elle à quelqu’un ? À qui parle-t-elle ? Nous sommes au théâtre : il est fréquent, jusqu’au XXe siècle, que les dramaturges travaillent soigneusement l’enchaînement logique des répliques. Est-ce le cas ici ?</li>
<li>Montrez que la réplique qui commence par “En même temps…” a été préparée par sa toute première réplique.</li>
<li>Quel verbe emploie-t-elle, elle aussi, à l’instar de Suzanne ? Que peut-on en penser ?</li>
<li>Vous pouvez aller plus loin : je vous invite à regarder *les* verbes qu’elle emploie dans cette réplique, et qui semblent ricocher les uns sur les autres : ils livrent une image en réduction des relations familiales…</li>
<li>Examinez l’alternance des pronoms de 2e et de 3 personne, et la façon dont la Mère reformule son propos, parfois le corrige (“qu’ils ne se connaissent / que vous ne vous connaissiez pas”). Rappelez-vous ce qu’est la double destination du texte théâtral (un texte adressé par un personnage aux autres personnages et au public). Comment Lagarce met-il à profit cette caractéristique constitutive du texte théâtral ? Quelle image cela donne-t-il de cette famille ?</li>
<li>Comment la Mère désigne-t-elle Antoine et Louis au milieu de sa réplique ? Que découvre-t-on ainsi ?</li>
<li>Relisez sa dernière phrase : qu’en pensez-vous ? Quel effet le “Vous” produit-il ?</li>
</ul>
<h5>Catherine et Antoine</h5>
<ul>
<li>La réplique de Catherine, qui suit, est-elle utile ? Si oui, pour qui (voir, plus haut, ma remarque sur la destination du texte théâtral, c’est-à-dire à qui il est adressé) ? </li>
<li>Pourquoi la voix passive est-elle employée par Catherine (dans « les occasions ne se sont pas trouvées », le sujet du verbe est : “les occasions”) ? Quel aurait pu être le sujet d’une phrase à la voix active ? Que Catherine contourne-t-elle ainsi ? Comment interpréter cette intervention à la suite du propos de la Mère ?</li>
<li>Que pensez-vous de la réplique d’Antoine ? Si on doit la comparer à celles des autres personnages, que peut-on dire et induire de sa longueur ? Quelle idée nous faisons-nous de ce personnage, compte tenu de sa façon de répliquer aux autres ?</li>
</ul>
<h5>La Mère</h5>
<ul>
<li>Comment caractériser l’expression de la Mère dans cette nouvelle réplique : diriez-vous qu’elle est construite ? Vous pouvez souligner l’importance de la juxtaposition dans la composition de la phrase.</li>
<li>Observez les temps qu’elle emploie successivement. Qu’en penser ?</li>
<li>« toutes ces autres années » : que signifie cette expression ? En quoi ont-elles été « autres », pourquoi cet adjectif ? </li>
<li>« C’est ce que je voulais dire » : que pensez-vous de cette phrase (emblématique de la pièce) qui suggère que la Mère est arrivée à exprimer un point de vue clairement ? En quoi annonce-t-elle un leitmotiv et une problématique essentielle de la pièce ?</li>
</ul>
<p><code>Attention à l'art de la reformulation chez Lagarce, chez qui abondent répétitions et variations. On lit souvent que la figure de style centrale de la pièce serait l'éparnorthose. N'abusez pas de cette référence : il y a épanorthose lorsque la mère dit : "c'est ce que je voulais dire", <strong>parce qu'elle explicite la correction faite préalablement</strong>, à savoir : "j'avais oublié", transformé en "je ne me souvenais pas à ce point". <a href="https://www.cnrtl.fr/definition/épanorthose">L'épanorthose est une correction explicitée.</a> On parlera de correction ou de reformulation lorsque la Mère dit : "qu"ils ne se connaissent, / que vous ne vous connaissiez pas".</code></p>
<hr />
<h2>Pour préparer la conclusion</h2>
<p>Vous avez peut-être été conseillés ainsi, l’an passé, ou précédemment : trois questions assez efficaces permettent aussi bien d’entrer dans une lecture que de récapituler ce qu’on a compris et construit, au terme de l’interprétation. Qu’est-ce que ce texte ? Que dit-il ? Que signifie-t-il ?(C’est-à-dire quelle en est la portée, quels en sont les enjeux, que suggère-t-il implicitement ? Ces dernières formules sont des variantes les unes des autres.)</p>
<p>On pourrait donc récapituler ainsi, à des fins de mémorisation, comme pour préparer une conclusion :</p>
<ul>
<li>Cet extrait se situe au début d’une scène d’exposition.</li>
<li>Il montre des retrouvailles laborieuses entre Louis et les siens.</li>
<li>S’agissant des relations entre les personnages, il révèle déjà… (à vous de compléter, en repartant de votre fil conducteur ou projet de lecture).</li>
</ul>
<hr />
<p>⠀</p>
<h2>Proposition de synthèse : le début de la scène 1 : un condensé de la pièce ; d’impossibles retrouvailles ; une tension sourde</h2>
<ul>
<li>En réduction, cet extrait de la scène 1 annonce la suite de la pièce : Catherine évoquera les enfants ; la Mère reviendra sur le temps perdu et les dimanches ; Suzanne confrontera son image de Louis au frère qu’elle retrouve, entre joie de lui dire qui elle est, et reproches au frère qui l’a abandonnée ; Antoine, ici tout en répliques sourdes et brèves, éclatera à la fin de la pièce : c’est avec lui que culminera la tension.</li>
<li>La pièce s’annonce comme une tragédie familiale. Louis est venu annoncer sa mort, mais il est presque mutique ici, et pris dans des logiques de conventions sociales ; son retour n’est pas vécu de la même façon par les différents membres de la famille (joie peut-être excessive, distance agacée, déni…) : les personnages ne parviennent ni à se retrouver, ni à se parler, ni à se connaître. Le texte présente des répliques étranges et parfois étrangères les unes aux autres, comme les monologues interrompus à quoi ressemblent celles de la Mère. L’échange peine à se faire.</li>
<li>Comme la pièce, la scène tout entière est orientée par sa fin (c’est ainsi qu’écrivait Racine : il partait du dénouement de ses pièces pour en construire toute l’architecture). Dans notre extrait, les retrouvailles entre Antoine et Louis ne se font pas ; mais elles aimantent toute la scène (puisque rencontrer Catherine, ce pourrait, ce devrait être retrouver Antoine) : or c’est par cette confrontation entre les deux frères que l’intrigue familiale s’achèvera.</li>
</ul>Quelques conseils pour rédiger des fiches en vue de l'oralurn:md5:180ec56206a3fd13225209b90e2641e02022-10-12T15:19:00+01:002022-10-12T15:19:00+01:00PGDanset1re<p>Deux choix vous sont possibles : rédiger des fiches très synthétiques, auxquelles il faudra adjoindre alors un travail écrit de préparation à la première partie de l’oral, où vous relirez chaque texte mouvement par mouvement ; ou bien, rédiger des fiches étoffées, qui comprendront cette préparation à l’explication.</p> <hr />
<h3>L’essentiel</h3>
<h4>Pour bien situer le texte</h4>
<p>Listez ce qui permet de situer le texte : auteur, époque, date de publication, éléments biographiques éclairant le texte, genre littéraire (poème par exemple), éventuel sous-genre (sonnet par exemple), œuvre, partie, section, chapitre de l’œuvre, position par rapport à un ensemble de textes.</p>
<hr />
<h4>Pour bien le lire</h4>
<p>Quand vous vous serez entraînés, si vous notez un passage particulièrement difficile, ou bien un extrait dont vous savez qu’il est emblématique du texte, n’hésitez pas à le noter. Vous y serez d’autant plus vigilant lors de la lecture à voix haute.</p>
<hr />
<h4>Angle de lecture</h4>
<p>Préparez une phrase, rédigez-la, assurez-vous qu’à l’oral, elle puisse être dite clairement, efficacement. Si vous n’êtes pas sûr de vous, notez-en plusieurs possibles.</p>
<blockquote><p>Nous verrons en quoi ce texte est…</p></blockquote>
<blockquote><p>Baudelaire développe ici… : c’est ce que je voudrais tenter d’expliquer à présent.</p></blockquote>
<p><a href="http://lettrines.net/dotclear/index.php?post/2015/06/16/Orthographe%2C-syntaxe-%3A-quelques-points-de-vigilance#ancre8">Attention à l’interrogative indirecte, sur laquelle nous reviendrons en cours !</a></p>
<p><code>À l'instar de l'angle de lecture que vous aurez choisi, la lecture détaillée, dont il est question ci-dessous, appelle un tressage intelligent entre les éclairages qui ont été donnés en cours et l'expression de votre sensibilité au texte. En d'autres termes, si vous rédigez tous les mêmes fiches, votre oral aura peu d'intérêt !</code></p>
<hr />
<h4>Composition du texte</h4>
<p>Rédigez une phrase par mouvement. Vous les énoncerez toutes après le projet de lecture (comme une annonce de plan, en somme). Ils structureront ensuite votre explication.</p>
<hr />
<h4>Lecture linéaire détaillée</h4>
<ul>
<li>Si vous choisissez de préparer une fiche très étoffée, au fond, un cours réécrit, c’est ici que vous réunirez, mouvement après mouvement, les remarques intéressantes à faire.</li>
<li>Si votre fiche est très synthétique, notez seulement peut-être les points les plus essentiels, ou ceux qui vous paraissent difficiles à mémoriser.</li>
<li>Vous pouvez, mouvement par mouvement, noter les points essentiels en les numérotant, pour les donner dans l’ordre. Par exemple, dans “Parfum exotique”, la première remarque pourrait porter sur le renoncement à la vue (subordonnée, vers 1), au profit de l’odeur (v. 2), qui donne paradoxalement naissance à une vision irréelle (v. 3, “je vois…”).</li>
</ul>
<hr />
<h4>Conclusion : bilan et ouverture</h4>
<ul>
<li>Ne répétez ni votre angle de lecture, ni les mouvements.</li>
<li>Préparez une conclusion qui récapitule vos découvertes,</li>
<li>et préparez une ouverture : vers un autre texte, vers une œuvre d’art par exemple. Aidez-vous des suggestions intitulées “Pour aller plus loin” sur Pearltrees. Nous reviendrons sur ce point en préparant l’épreuve ensemble.</li>
</ul>
<hr />
<h4>Grammaire</h4>
<p>Gardez un espace pour ce volet de l’épreuve. Certains textes se prêtent à des questions plus que d’autres. Notez donc les points grammaticaux qui ont le plus de chances d’être questionnés pour chaque texte.</p>
<p>Évidemment, il vous sera plus aisé d’inscrire cela dans votre fiche lorsque nous aurons derrière nous un nombre conséquent de séances de grammaire.</p>Commentaire : entrer efficacement dans la lecture d'un texteurn:md5:d83e7110c109d06a60a8913b59bb9dd22022-09-01T17:57:00+01:002022-09-13T10:37:53+01:00PGDanset1re<p>Quelques conseils pour entrer dans la lecture du texte à commenter. Je mobilise (et détourne) de nouveau, sommairement, la notion d’horizon d’attente.</p> <hr />
<h3>L’essentiel</h3>
<p>Posez-vous ces trois questions :</p>
<ul>
<li>qu’est-ce que ce texte (voir ci-dessous) ? Et au vu de ce que je découvre, à quoi puis-je m’attendre ?</li>
<li>que dit-il, littéralement ?</li>
<li>quelle est sa portée, autrement dit que fait-il ? (Fait-il rire ? Pleurer ? Réfléchir ?…)</li>
</ul>
<p>Répondre à ces questions, par écrit, vous aidera à cerner l’essentiel. Peut-être même, avec certains textes, ces réponses vous permettront-elles de structurer votre commentaire (d’échafauder votre « plan »).</p>
<hr />
<h3>Premiers conseils</h3>
<p>Devant une œuvre, ou juste avant de la découvrir, nous avons toujours un <em>horizon d’attente</em>, lié à notre culture et nos connaissances. Au tout début d’un travail sur un commentaire de texte, avant même de le lire en entier, expliciter cet horizon d’attente, c’est-à-dire écrire au brouillon la liste de ce à quoi l’on peut s’attendre, en fonction du texte qui est soumis à notre lecture, donne un prisme de lecture qui rend l’appréhension du texte plus efficace.</p>
<ul>
<li>Tout ce que vous connaissez au sujet de l’époque d’écriture et de publication, sur le plan de <code>l'Histoire et de l'histoire littéraire</code>, peut être mobilisé à bon escient. Attention toutefois à ce que cela ne vienne pas gauchir votre lecture du texte. En premier lieu, ne mobilisez tel pan de l’histoire littéraire que si vous le connaissez bien : tous les poèmes du XXe siècle ne relèvent pas du Surréalisme, tant s’en faut. Souvent, le texte lui-même se chargera de vous indiquer comment il s’inscrit dans son époque.</li>
<li>L’horizon d’attente que vous pouvez expliciter tient aussi au <code>genre</code> et au <code>type</code> (incipit romanesque, scène de dénouement…) du texte que vous avez sous les yeux. C’est ce qui est détaillé dans les différentes rubriques ci-dessous.</li>
<li>Par ailleurs, vous rencontrerez peut-être des éléments issus de telle ou telle tradition, <code>des thèmes et des topoï privilégiés</code> : le topos romanesque de la rencontre amoureuse, la scène de reconnaissance au théâtre, la célébration de la femme aimée en poésie, le thème de la fuite du temps… Vous serez alors attentifs aux effets de reprise et de variation de ces éléments traditionnels.</li>
<li>La lecture d’un texte s’attache aussi aux émotions qu’il crée, et pour cela aux <code>tons</code> qui le caractérisent : comique, tragique, pathétique, ironique, lyrique, épique, didactique…</li>
<li>Soyez aussi, bien entendu, attentif à la <code>composition</code> du texte : même si vous n’organisez pas vous-même votre commentaire en la suivant de près, cette composition en différents mouvements éclaire souvent le sens et mérite d’être dégagée.</li>
</ul>
<hr />
<h3>À chaque genre correspond un prisme de lecture particulier.</h3>
<h4>Analyser un poème</h4>
<ul>
<li>En vers ou en prose ?</li>
<li>S’il est en vers, sont-ce des vers traditionnels ou des vers libres ? Les vers sont-ils rimés ? Est-ce une forme fixe comme le sonnet ?</li>
<li>S’il est en prose, conserve-t-il quelque marque de la poésie versifiée ? Comment est-il organisé ?</li>
<li>Pour ces derniers points, la question du thème du poème et celle de son époque de publication est cruciale.</li>
<li>Quelle tension éventuelle peut-il y avoir entre le thème et la forme poétique ? (Que l’on pense par exemple à cet objet trivial que sont les “fenêtres” de Baudelaire).</li>
<li>Images, sons, rythme, mise en pages du texte sont bien sûr à étudier.</li>
<li>Quel rôle le titre joue-t-il ?</li>
<li>Quelle place le poète occupe-t-il ?</li>
<li>Le texte est-il adressé ? Si oui, à qui ?</li>
<li>Peut-on parler de lyrisme (l’expression exaltée d’un manque ou d’un idéal, qui exploite les ressources musicales de la langue) ?</li>
</ul>
<hr />
<h4>Analyser une scène de théâtre</h4>
<ul>
<li>Songez d’emblée au genre de pièce d’où est extraite la page à commenter : pour les œuvres des XVIIe et XVIIIe siècles, le répertoire français s’organise en deux grands genres que sont la comédie et la tragédie. Pour chacun de ces genres, à quoi pouvez-vous vous attendre ? À partir du XIXe siècle, les frontières entre ces genres se brouillent à la faveur de la remise en cause du Classicisme par les auteurs romantiques, qui créent le drame romantique, où l’on peut à la fois rire et pleurer ; le vaudeville et le théâtre de boulevard succèdent à la comédie. La porosité entre les genres, les tons et les émotions est encore plus flagrante aux XXe et XXI siècles, ce qui n’empêche pas telle ou telle scène d’être porteuse de tragique, par exemple, quand bien même on ne parlerait pas de tragédie pour la pièce dont elle est tirée.</li>
<li>Exploitez toute information que vous auriez sur la situation de l’extrait dans l’œuvre, et sur son contenu : scène d’exposition, dénouement, scène de reconnaissance qui va faire basculer l’histoire, scène d’affrontement, scène de tromperie…</li>
<li>Quels sont les personnages ? Sont-ce des types de personnages (correspondant le plus souvent à des positions sociales) ? Quelles sont les relations entre eux ? Comment le lecteur découvre-t-il cela ?</li>
<li>Répliques, tirades, longueur des répliques, échanges brefs appelés stichomythies ; dialogue, monologue, aparté… Pensez à étudier le dialogue et ce qu’il révèle de la situation et des personnages.</li>
<li>Examinez le texte didascalique et les didascalies internes. Décor, gestuelle : tout fait sens au théâtre.</li>
<li>Comment pourrait-on mettre en scène cet extrait ?</li>
<li>À quoi aboutit la scène ? Fait-elle avancer l’action ?</li>
</ul>
<hr />
<h4>Analyser un extrait de roman, un récit</h4>
<ul>
<li>Exploitez toute information que vous auriez sur la situation de l’extrait dans l’œuvre : un incipit joue un rôle lié à la découverte du roman ; la dernière page doit clore l’œuvre, etc.</li>
<li>L’extrait est-il narratif ? descriptif ?</li>
<li>Quel est la vitesse du récit ?</li>
<li>S’il y a dialogue, quelle insertion dans le récit ? À quoi le dialogue sert-il ? Aboutit-il à quelque chose ?</li>
<li>Qui donne à voir l’action, et comment (point de vue omniscient, interne, externe) ? Attention, les points de vue varient dans une même page.</li>
<li>Le narrateur (la voix narrative) est-il (est-elle) un personnage de l’histoire, ou une instance extérieure à l’histoire ?</li>
<li>Le narrateur s’implique-t-il dans le récit ? Donne-t-il son point de vue, même discrètement, sur les personnages ?</li>
<li>Que sait-on du personnage ?</li>
<li>Comment ses paroles et ses pensées sont-elles rapportées ?</li>
<li>Est-il un type ? De quelles valeurs est-il porteur ?</li>
</ul>
<hr />
<h4>Analyser un texte argumentatif</h4>
<ul>
<li>Peut-on identifier la thèse de l’auteur ?</li>
<li>Comment est-elle dévoilée au lecteur ? L’auteur prend-il position explicitement (dans un essai, un discours…) ? Ou le lecteur est-il appelé à la construire a posteriori, d’après un récit qui lui sert d’enveloppe (un apologue, comme une fable ou un conte philosophique) ?</li>
<li>Quels sont les arguments de l’auteur ? Là encore, sont-ils explicites ou non ?</li>
<li>Quels exemples viennent les illustrer ?</li>
<li>Si le texte relève du discours, quelle est la part d’oralité ?</li>
<li>S’il relève du genre de l’apologue (fable, conte philosophique, roman à visée argumentative…), en quoi les personnages et l’histoire servent-il le propos de l’auteur ? Une morale ou une leçon se dégage-t-elle du texte ? L’allégorie est-elle mobilisée au service de l’argumentation ?</li>
<li>L’auteur fait-il par ailleurs appel aux émotions du lecteur ? Si oui, lesquelles ?</li>
<li>Quelle relation l’auteur construit-il avec le lecteur ?</li>
<li>Le texte est-il empreint d’ironie ? Avec quels effets ?</li>
</ul>Commentaire : entrer efficacement dans la lecture d'un texteurn:md5:abed9bca9ac0aa5d4d416ef7dd6f746a2022-08-29T13:55:00+01:002023-10-15T09:07:47+01:00PGDansetMéthodologie<p>Quelques conseils pour entrer dans la lecture du texte à commenter. Je mobilise (et détourne) de nouveau, sommairement, la notion d’horizon d’attente.</p> <hr />
<h3>Premiers conseils</h3>
<p>Rappelez-vous ce que nous avons évoqué plusieurs fois cette année : devant une œuvre, ou juste avant de la découvrir, nous avons toujours un horizon d’attente, lié à notre culture et nos connaissances. Au tout début d’un travail sur un commentaire de texte, avant même de le lire en entier, expliciter cet horizon d’attente, c’est-à-dire écrire au brouillon la liste de ce à quoi l’on peut s’attendre, en fonction du texte qui est soumis à notre lecture, donne un prisme de lecture qui rend l’appréhension du texte plus efficace.</p>
<ul>
<li>Tout ce que vous connaissez au sujet de l’époque d’écriture et de publication, sur le plan de <code>l'Histoire et de l'histoire littéraire</code>, peut être mobilisé à bon escient. Attention toutefois à ce que cela ne vienne pas gauchir votre lecture du texte. En premier lieu, ne mobilisez tel pan de l’histoire littéraire que si vous le connaissez bien : tous les poèmes du XXe siècle ne relèvent pas du Surréalisme, tant s’en faut. Souvent, le texte lui-même se chargera de vous indiquer comment il s’inscrit dans son époque.</li>
<li>L’horizon d’attente que vous pouvez expliciter tient aussi au <code>genre</code> et au <code>type</code> (incipit romanesque, scène de dénouement…) du texte que vous avez sous les yeux. C’est ce qui est détaillé dans les différentes rubriques ci-dessous.</li>
<li>Par ailleurs, vous rencontrerez peut-être des éléments issus de telle ou telle tradition, <code>des thèmes et des topoï privilégiés</code> : le topos romanesque de la rencontre amoureuse, la scène de reconnaissance au théâtre, la célébration de la femme aimée en poésie, le thème de la fuite du temps… Vous serez alors attentifs aux effets de reprise et de variation de ces éléments traditionnels.</li>
<li>La lecture d’un texte s’attache aussi aux émotions qu’il crée, et pour cela aux <code>tons</code> qui le caractérisent : comique, tragique, pathétique, ironique, lyrique, épique, didactique…</li>
<li>Soyez aussi, bien entendu, attentif à la <code>composition</code> du texte : même si vous n’organisez pas vous-même votre commentaire en la suivant de près, cette composition en différents mouvements éclaire souvent le sens et mérite d’être dégagée.</li>
</ul>
<hr />
<h3>À chaque genre correspond un prisme de lecture particulier.</h3>
<h4>Analyser un poème</h4>
<ul>
<li>En vers ou en prose ?</li>
<li>S’il est en vers, sont-ce des vers traditionnels ou des vers libres ? Les vers sont-ils rimés ? Est-ce une forme fixe comme le sonnet ?</li>
<li>S’il est en prose, conserve-t-il quelque marque de la poésie versifiée ? Comment est-il organisé ?</li>
<li>Pour ces derniers points, la question du thème du poème et celle de son époque de publication est cruciale.</li>
<li>Quelle tension éventuelle peut-il y avoir entre le thème et la forme poétique ? (Que l’on pense par exemple à cet objet trivial que sont les “fenêtres” de Baudelaire).</li>
<li>Images, sons, rythme, mise en pages du texte sont bien sûr à étudier.</li>
<li>Quel rôle le titre joue-t-il ?</li>
<li>Quelle place le poète occupe-t-il ?</li>
<li>Le texte est-il adressé ? Si oui, à qui ?</li>
<li>Peut-on parler de lyrisme (l’expression exaltée d’un manque ou d’un idéal, qui exploite les ressources musicales de la langue) ?</li>
</ul>
<hr />
<h4>Analyser une scène de théâtre</h4>
<ul>
<li>Songez d’emblée au genre de pièce d’où est extraite la page à commenter : pour les œuvres des XVIIe et XVIIIe siècles, le répertoire français s’organise en deux grands genres que sont la comédie et la tragédie. Pour chacun de ces genres, à quoi pouvez-vous vous attendre ? À partir du XIXe siècle, les frontières entre ces genres se brouillent à la faveur de la remise en cause du Classicisme par les auteurs romantiques, qui créent le drame romantique, où l’on peut à la fois rire et pleurer ; le vaudeville et le théâtre de boulevard succèdent à la comédie. La porosité entre les genres, les tons et les émotions est encore plus flagrante aux XXe et XXI siècles, ce qui n’empêche pas telle ou telle scène d’être porteuse de tragique, par exemple, quand bien même on ne parlerait pas de tragédie pour la pièce dont elle est tirée.</li>
<li>Exploitez toute information que vous auriez sur la situation de l’extrait dans l’œuvre, et sur son contenu : scène d’exposition, dénouement, scène de reconnaissance qui va faire basculer l’histoire, scène d’affrontement, scène de tromperie…</li>
<li>Quels sont les personnages ? Sont-ce des types de personnages (correspondant le plus souvent à des positions sociales) ? Quelles sont les relations entre eux ? Comment le lecteur découvre-t-il cela ?</li>
<li>Répliques, tirades, longueur des répliques, échanges brefs appelés stichomythies ; dialogue, monologue, aparté… Pensez à étudier le dialogue et ce qu’il révèle de la situation et des personnages.</li>
<li>Examinez le texte didascalique et les didascalies internes. Décor, gestuelle : tout fait sens au théâtre.</li>
<li>Rappelez-vous qu’un texte théâtral s’énonce d’une façon singulière : il est écrit par un dramaturge, mais proféré par des personnages (c’est ce qu’on appelle la double énonciation du texte théâtral) ; il est adressé par un personnage aux autres personnages, et aux spectateurs dans le même temps (c’est ce qu’on nomme la double destination du texte théâtral). Il arrive qu’une réplique ou que toute une scène joue très nettement de ces caractéristiques propres au genre.</li>
<li>Au théâtre, le spectateur sait qu’il entre provisoirement dans une fiction, qu’il va temporairement tenir pour vraie (c’est ce qu’on nomme la suspension du jugement). Or, parfois, un personnage peut nous rappeler que nous sommes au théâtre, que tout est imagination. C’est une façon de jouer avec la théâtralité du spectacle.</li>
<li>Comment pourrait-on mettre en scène cet extrait ? Une telle question, on l’a vu, aide à comprendre le sens, ou à ouvrir un champ d’interprétations possibles.</li>
<li>À quoi la scène aboutit-elle ? Fait-elle avancer l’action de la pièce ?</li>
<li>Quelles émotions le texte peut-il susciter chez le spectateur ? (Telle réplique, au ton comique, fera rire le public ; telle remarque peut être empreinte d’ironie de la part du dramaturge, et pas forcément du personnage, dont il se moque peut-être, ce qui peut créer entre l’auteur et le spectateur une forme de connivence…).</li>
</ul>
<hr />
<h4>Analyser un extrait de roman, un récit</h4>
<ul>
<li>Exploitez toute information que vous auriez sur la situation de l’extrait dans l’œuvre : un incipit joue un rôle lié à la découverte du roman ; la dernière page doit clore l’œuvre, etc.</li>
<li>L’extrait est-il narratif ? descriptif ?</li>
<li>Quel est la vitesse du récit ?</li>
<li>S’il y a dialogue, quelle insertion dans le récit ? À quoi le dialogue sert-il ? Aboutit-il à quelque chose ?</li>
<li>Qui donne à voir l’action, et comment (point de vue omniscient, interne, externe) ? Attention, les points de vue varient dans une même page.</li>
<li>Le narrateur (la voix narrative) est-il (est-elle) un personnage de l’histoire, ou une instance extérieure à l’histoire ?</li>
<li>Le narrateur s’implique-t-il dans le récit ? Donne-t-il son point de vue, même discrètement, sur les personnages ?</li>
<li>Que sait-on du personnage ?</li>
<li>Comment ses paroles et ses pensées sont-elles rapportées ?</li>
<li>Est-il un type ? De quelles valeurs est-il porteur ?</li>
</ul>
<hr />
<h4>Analyser un texte argumentatif</h4>
<ul>
<li>Peut-on identifier la thèse de l’auteur ?</li>
<li>Comment est-elle dévoilée au lecteur ? L’auteur prend-il position explicitement (dans un essai, un discours…) ? Ou le lecteur est-il appelé à la construire a posteriori, d’après un récit qui lui sert d’enveloppe (un apologue, comme une fable ou un conte philosophique) ?</li>
<li>Quels sont les arguments de l’auteur ? Là encore, sont-ils explicites ou non ?</li>
<li>Quels exemples viennent les illustrer ?</li>
<li>Si le texte relève du discours, quelle est la part d’oralité ?</li>
<li>S’il relève du genre de l’apologue (fable, conte philosophique, roman à visée argumentative…), en quoi les personnages et l’histoire servent-il le propos de l’auteur ? Une morale ou une leçon se dégage-t-elle du texte ? L’allégorie est-elle mobilisée au service de l’argumentation ?</li>
<li>L’auteur fait-il par ailleurs appel aux émotions du lecteur ? Si oui, lesquelles ?</li>
<li>Quelle relation l’auteur construit-il avec le lecteur ?</li>
<li>Le texte est-il empreint d’ironie ? Avec quels effets ?</li>
</ul>Un diptyque emblématique de l'Humanismeurn:md5:fe274bae50d19e572301cf6c2df585d02021-10-04T08:48:00+01:002021-10-04T08:48:00+01:00PGDansetHumanités - Tle<p>Une image, ou plutôt deux, sont emblématiques de ce mouvement européen qu’a été l’Humanisme : il s’agit des portraits d’Érasme et de Peter Gilles, réalisés par le peintre flamand Quentin Metsys.</p> <hr />
<h3>Un diptyque adressé à Thomas More par Érasme</h3>
<p>En 1517, l’humaniste hollandais Érasme, auteur de <ins>L’éloge de la folie</ins> notamment, demande à Quentin Metsys de peindre un diptyque qui le représente, lui (sur le premier tableau) et son ami Pierre Gilles, jurisconsulte anversois (conseiller juridique d’Anvers, sur le second tableau). Ces toiles accompagnent une lettre adressée à leur ami commun, Thomas More.</p>
<hr />
<p><a href="http://lettrines.net/dotclear/public/Illustrations_billets/Portraits/metsys-portrait-d-erasme-de-rotterdam-1517.jpg" title="metsys-portrait-d-erasme-de-rotterdam-1517.jpg"><img src="http://lettrines.net/dotclear/public/Illustrations_billets/Portraits/.metsys-portrait-d-erasme-de-rotterdam-1517_m.jpg" alt="metsys-portrait-d-erasme-de-rotterdam-1517.jpg" style="display:block; margin:0 auto;" /></a></p>
<p><em>Portrait d’Érasme de Rotterdam</em>, Quentin Metsys, 1517.</p>
<hr />
<p><a href="http://lettrines.net/dotclear/public/Illustrations_billets/Portraits/Metsys-_I<strong>-_Portrait_of_Pieter_Gillis_-_1517.jpg" title="Metsys-_I</strong>-_Portrait_of_Pieter_Gillis_-_1517.jpg"><img src="http://lettrines.net/dotclear/public/Illustrations_billets/Portraits/.Metsys-_I__-_Portrait_of_Pieter_Gillis_-_1517_m.jpg" alt="Metsys-_I__-_Portrait_of_Pieter_Gillis_-_1517.jpg" style="display:block; margin:0 auto;" /></a></p>
<p><em>Portrait de Peter Gilles</em>, Quentin Metsys, 1517.</p>
<hr />
<blockquote><p>“Je t’envoie les portraits, afin que nous soyons toujours près de toi, même quand la mort nous aura anéantis.”</p></blockquote>
<p><em>Érasme à Thomas More, le 8 septembre 1517.</em></p>
<p><code><strong>Non seulement ces portraits mettent en scène les deux hommes dans un cadre livresque et savant qui deviendra caractéristique de l'Humanisme, mais de surcroît, la construction en diptyque et la destination de ces toiles, offertes à Thomas More, forment un symbole de ce qu'on appellera la "République des lettres",</strong> c'est-à-dire à la fois une communauté des érudits à l'échelle européenne, avec ce que cela implique quant à la circulation des idées (en France, Rabelais lit Érasme et Thomas More ; les humanistes voyagent et l'imprimerie favorise la large diffusion de leurs œuvres), mais aussi la conscience qu'a chaque humaniste de l'existence de cette communauté et des valeurs qui la fondent (foi en l'homme, mesure de toute chose ; promotion, révolutions et partage du savoir ; redécouverte de l'Antiquité à travers les traductions, notamment).</code></p>
<p>Cette sociabilité des érudits européens prend son essor pendant la première moitié du XVIe siècle, avant la fracture confessionnelle causée par les guerres de Religion, qui traverse toute l’Europe.</p>
<hr />
<p>On trouve sur internet cette image qui fusionne les deux portraits :</p>
<p><a href="http://lettrines.net/dotclear/public/Illustrations_billets/Portraits/Fusion_Metsys.jpg" title="Fusion_Metsys.jpg"><img src="http://lettrines.net/dotclear/public/Illustrations_billets/Portraits/.Fusion_Metsys_m.jpg" alt="Fusion_Metsys.jpg" style="display:block; margin:0 auto;" /></a></p>La FAQ du Bac (3) : quelles sont les limites d'un sujet ? Comment garder un fil directeur ?urn:md5:f4dc26a740be9913d5dbe86894b1a73c2021-06-15T16:35:00+01:002021-06-15T16:35:00+01:00PGDanset1A<p>Nouveau billet à la suite de nos échanges, qui lie deux questions a priori distinctes.</p> <hr />
<h3>Questions posées en cours :</h3>
<ul>
<li>Jusqu’où on peut analyser son sujet ? Quelles sont les limites d’un sujet ?</li>
<li>Comment garder un bon fil directeur, sans divaguer ?</li>
</ul>
<p><code>Je lie ces deux questions, posées séparément, car une même réponse me semble pouvoir être proposée aux deux.</code></p>
<hr />
<h4>Quelles sont les limites d’un sujet ? Seule l’analyse de ce dernier en permet la délimitation.</h4>
<p>Chaque sujet doit être circonscrit lorsqu’on le découvre : c’est à vous de comprendre comment délimiter le champ de votre réflexion. @@On ne doit pas plaquer ce qu’on sait d’une œuvre lorsqu’on disserte sur elle ; le sujet est premier ; votre connaissance de l’œuvre est en partie mobilisée pour réfléchir au sujet - c’est-à-dire pour envisager la lecture de l’œuvre sous un angle nouveau, forcément nouveau et différent de ce que nous avons fait en cours.</p>
<p>Imaginons par exemple que vous soyez invités à réfléchir sur <em>Juste la fin du monde</em> de Lagarce, avec le sujet de dissertation suivant :</p>
<blockquote><p>Diriez-vous de la pièce de Jean-Luc Lagarce qu’elle est une tragédie du langage ?</p></blockquote>
<blockquote><p>Vous répondrez à cette question dans un développement organisé. Votre réflexion prendra appui sur l’œuvre de Jean-Luc Lagarce au programme, sur le travail mené dans le cadre du parcours associé et sur votre culture littéraire.</p></blockquote>
<p>Votre analyse du sujet, qui permettra aussi de le délimiter, si elle est bien menée, vous permettra d’écarter les lectures, les interprétations trop éloignées de cet angle de vue.</p>
<h5>Premiers éléments d’analyse</h5>
<ul>
<li>Ce qu’on entend par tragédie, au sens courant et au sens théâtral (drame terrible ; genre théâtral à peu près épuisé au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles, marqué par la grandeur des personnages, de leur parole, des défis qu’ils affrontent, et de la fatalité : c’est là une approche sommaire, bien entendu).</li>
<li>Comment redéfinir, au brouillon, la place de la fatalité, dans cette pièce familiale ? Au minimum, il s’agit d’un horizon déjà connu, vers lequel se dirigent inexorablement les protagonistes. Que sait dès lors le spectateur qu’ignorent les personnages ? Sont-ils tous soumis à une loi fatale ? Si oui, laquelle ? Si l’on comprend bien quelle fatalité pèse sur Louis, que dire des autres personnages ? Quelle sorte de fatalité pèse sur la vie familiale ?</li>
<li>Le « ressort » bandé de la tragédie (cf. <em>Antigone</em> d’Anouilh : je cite ici une célèbre tirade du Chœur) : des retrouvailles en forme d’adieu avec un compte à rebours chez Lagarce.</li>
<li>Une tragédie qui repose sur les limites mêmes du langage : elle résiderait dans la matière même de l’échange, voire dans les failles du langage entendu comme instrument de communication, d’action, d’interaction, d’expression d’une vérité de l’être. Quelles limites seraient celles du langage ici ? Songez par exemple à la façon dont les personnages, face à Louis, sans cesse reformulent leur propos, aux répétitions, à ces fameuses “épanorthoses”, mais aussi aux aveux d’impuissance face à la difficulté de dire, chez Antoine, chez Louis. Au sein d’une famille, n’est-il pas fatalement difficile de dire le besoin de s’éloigner, tout comme il est difficile de dire la nécessité de se retrouver ?</li>
<li>Une pièce qui emprunterait à la tragédie grecque son modèle : songez à ce que nous avons dit de la composition de la pièce, qui alterne action et dialogues d’une part, et commentaires sous forme de monologues d’autre part, avec un personnage coryphée, Louis, qui intervient dans les deux types de scènes.</li>
</ul>
<hr />
<h4>L’analyse du sujet aboutit à une problématique et à une organisation - un plan - qui vous aidera à garder le fil de votre propos, si vous en concevez les axes sous la forme d’une seule phrase.</h4>
<h5>Première esquisse de problématique</h5>
<p>Dans quelle mesure <em>Juste la fin du monde</em> relève-t-elle d’une forme renouvelée de tragédie, dans laquelle le tragique réside au cœur même du langage, fatalement impuissant à dire la vérité des êtres au sein de la sphère familiale ?</p>
<h5>Première esquisse de plan</h5>
<p><code>Considérez ici les segments en gras. Ils forment un tout ; ils ne cessent d'envisager les mots du sujet sous plusieurs angles ; ils reviennent toujours à ces termes. Ainsi garde-t-on le fil de ce que l'on veut dire.</code></p>
<ol>
<li>. <strong>La pièce est faite de petites et de grandes tragédies ordinaires, exprimées par le langage.</strong> La mort, au principe de retrouvailles en forme de nouvelle séparation (le compte à rebours du départ dans le film) ; la séparation et la distance, sur lesquelles la pièce insiste : le mariage auquel Louis n’a pas assisté, les cartes postales envoyées avec des textes succincts et peu expressifs, qui redoublent la distance ; le père mort, les dimanches disparus, la sœur qui n’a pas connu le passé commun ; les deux frères séparés par leurs modes de vie.</li>
<li>. <strong>Elle dit aussi, dans l’usage même du langage, dans les limites qui sont les siennes, la difficulté, voire l’impossibilité de dire la vérité</strong>, avec des conversations aux airs de monologues juxtaposés, les silences, les non-dits, les reformulations, les répétitions, la violence verbale, la mort qui vient et qui n’est pas nommée, les émotions tues, le goût du silence d’Antoine, les relations impossibles à évoquer sans colère ou amertume, le cri final… Mais il faudrait nuancer ce point de vue : Antoine a tout de même la possibilité de dire sa colère à la fin, précisément en raison du silence de Louis.</li>
<li>. <strong>Enfin, cette pièce s’inscrit dans le langage de la tragédie antique</strong>, en en renouvelant la forme, entre dialogues de la famille et monologues de Louis : cette alternance semble le seul moyen pour Louis de dire vraiment ce qu’il cherche à dire - mais au spectateur seulement. Cette structure est ce qui permet à Louis de dire peut-être plus que sa mort prochaine : l’inachèvement d’une vie, dans les moindres gestes ; la conscience qu’il “demande l’abandon”, que la distance a perpétuellement été son mode de relation avec les siens. Ce n’est pas tant la mort que la vie qui a été synonyme de séparation entre lui et sa famille.</li>
</ol>
<p><code>Dans cette dernière partie, je joue sur le sens du terme "langage", employé ici au sens de "codes", de forme, de tradition.</code></p>
<p><code>Élaborer le plan de sa dissertation (avec les grandes lignes seulement ici) est en réalité impossible si vous ne partez pas, simultanément, de votre connaissance de l'œuvre. Votre réservoir de 10 citations intervient ici : vous réfléchirez à ce qu'ils disent de la pièce, à l'aune du sujet analysé ; ils vous permettront de dégager des éléments de réponse (des arguments), qu'il vous reviendra ensuite de regrouper, de réunir dans les parties envisagées. Faire le plan, c'est donc opérer des allers-retours entre un premier schéma d'ensemble qui peut se dessiner assez vite - comme ci-dessus - mais que l'on peut réaménager au fur et à mesure, et des zooms sur des extraits précis de l'œuvre, source de futures sous-parties. L'essentiel, c'est que l'ensemble soit cohérent.</code></p>La FAQ du Bac (2) : travailler son planurn:md5:d2f5b6e4b3c38bcee4661d154b11db9e2021-06-15T15:42:00+01:002021-06-15T15:42:00+01:00PGDanset1A<p>Je reviens dans une série de billets sur vos différentes questions à quelques jours de l’épreuve.</p> <hr />
<h3>Comment travailler son plan en dissertation ?</h3>
<p>Vous pouvez vous aider de <a href="http://lettrines.net/dotclear/index.php?post/2015/04/29/Dissertation-%3A-le-bon-plan-existe-t-il">ces conseils</a> sur le plan d’une dissertation, publiés il y a quelques années, toujours valables, mais à adapter à la dissertation sur œuvre.</p>
<p>Mais je vous recommande surtout, pour bâtir un devoir intelligent, de partir de vos exemples, donc, des citations extraites de l’œuvre que vous avez mémorisées. J’avais proposé <a href="http://lettrines.net/dotclear/index.php?post/2016/10/03/Méthodologie-de-la-dissertation-%3A-comment-partir-des-exemples">une petite vidéo</a> sur le sujet avant la réforme : méthodologiquement, elle est toujours d’actualité, même si là aussi la dissertation sur œuvre resserre le champ de la réflexion.</p>
<p>Imaginons que vous ayez sélectionné dix extraits, comme je vous le recommande, pour chaque œuvre. Prenons trois citations du <em>Rouge</em> récemment données en cours par Clémence :</p>
<p>I, VII :</p>
<blockquote><p>Il n’éprouvait que haine et horreur pour la haute société où il était admis, à la vérité au bout de la table.</p></blockquote>
<p>II, XIII :</p>
<blockquote><p>Cet amour n’était fondé que sur la rare beauté de Mathilde, ou plutôt sur ses façons de reine.</p></blockquote>
<p>I, XVI :</p>
<blockquote><p>Son amour était encore de l’ambition, c’était de la joie de posséder, lui pauvre être malheureux et si méprisé, une femme aussi noble et aussi belle.</p></blockquote>
<p>Votre camarade aura choisi ces extraits parce qu’ils reflètent un ou plusieurs aspects de l’œuvre. Lorsque vous vous emparez du sujet de dissertation et que vous l’avez problématisé, il vous reste à faire parler vos extraits, en lien avec le sujet. Autrement dit, à réfléchir à la façon dont le sujet peut être questionné par ces extraits, dont ceux-ci peuvent permettre d’y réfléchir.</p>
<p>Par exemple, si le sujet de dissertation porte sur le <em>Rouge</em> comme roman d’apprentissage, on lira les trois citations à l’aune d ce questionnement.</p>
<ul>
<li>La première citation met en évidence l’initiation de Julien aux mœurs de la haute société - et son rejet de celle-ci.</li>
<li>La seconde et la troisième permettront de réfléchir à son apprentissage de l’amour et du bonheur.</li>
</ul>
<p>En développant chaque réflexion autour de chacune de ces citations, on arrive à un paragraphe. Le plan de la dissertation efficace consistera à organiser ces paragraphes en différentes parties, pour composer une réflexion progressive, logique, cohérente et si possible dynamique.</p>
<hr />La FAQ du Bac (1) : comment insérer ses citations dans une dissertation ?urn:md5:46d68b24714d78a5cf6d09c48f96ad1f2021-06-08T20:26:00+01:002021-06-15T14:43:31+01:00PGDanset1A<p>Je reviens dans une série de billets sur vos différentes questions à quelques jours de l’épreuve.</p> <hr />
<h3>Comment insérer ses citations dans une dissertation ?</h3>
<p>S’agissant des citations, la principale difficulté que je vous vois rencontrer, dans vos copies, qu’il s’agisse de commentaires (principalement) ou de dissertations, c’est celle de leur insertion dans votre propos. Guillemets manquants, deux points manquants aussi parfois… Il faut intégrer une citation à une phrase existante, sans rendre bancale cette dernière.</p>
<h4>Exemple</h4>
<p>Prenons cet extrait du <em>Rouge</em>, choisi par Sacha :
“Mathilde, sûre d’être aimée, le méprisa parfaitement.”</p>
<p>Essayons de l’intégrer à une phrase de dissertation, qui porterait, par exemple, sur les relations entre les personnages :</p>
<blockquote><p>Le personnage de Mathilde pourrait bien être perçu comme un double de Julien ; l’orgueil guide ses actes tout autant que ceux de son amant et prime longtemps sur l’amour. Ainsi la voix narrative nous confie que, “sûre d’être aimée” de Julien, elle “le méprisa parfaitement”.</p></blockquote>
<p>Vous le voyez, dans ma subordonnée (à partir de que, vous aurez reconnu une complétive), j’ai décomposé mon extrait pour utiliser dans ma phrase un pronom, “elle”, qui ne figurait pas dans l’extrait d’origine ; j’ai retiré le prénom du personnage, déjà présent dans la phrase précédente ; j’ai commencé une phrase ayant pour sujet “la voix narrative”, mais ma phrase intègre bien l’extrait pour lui donner sens, et pour que ce dernier illustre mon propos.</p>
<p><a href="http://lettrines.net/dotclear/index.php?post/2015/05/30/Comment-insérer-les-citations-dans-un-commentaire-littéraire">Pour rectifier vos erreurs et insérer correctement vos citations, notamment en commentaire</a></p>
<hr />Retour sur le mythe d'Actéonurn:md5:8b1f31c893aef24568aa80234103037e2021-03-12T16:49:00+00:002021-03-12T17:10:26+00:00PGDanset1re-Humanités<p>Voici un exemple de question, et de réponse organisée sur le texte d’Actéon. Ma réponse est évidemment plus longue que celle que vous pouvez rendre en une heure ; mais il s’agit aujourd’hui de vous donner une idée de ce qu’il serait possible de faire en Terminale avec deux heures.</p>
<p>Le texte étant traduit du latin, je ne propose guère de commentaires sur le style, qui est à la fois celui d’Ovide et celui du traducteur. En revanche, le récit est régulièrement cité et commenté.</p> <hr />
<h3>Pourquoi et comment s’opère cette métamorphose ?</h3>
<p>Les mythes qui fondent notre civilisation offrent notamment de pouvoir comprendre notre rapport aux animaux. C’est le cas des métamorphoses qui structurent notre imaginaire collectif, et qu’Ovide, poète romain du Ier siècle avant Jésus-Christ, a mis en récit dans son œuvre éponyme. Cette dernière a été parmi les plus lues en Occident, jusqu’à nos jours. L’une de ces <em>Métamorphoses</em> raconte comment Actéon, un jeune chasseur, est puni par Diane, la déesse chasseresse, pour l’avoir vue nue. Il est particulièrement intéressant de se demander pourquoi et comment s’opère cette métamorphose : en effet, un mythe mêle toujours un récit et une explication du monde, sous une forme allégorique. Comprendre les raisons et les modalités du changement d’Actéon en cerf, c’est accéder un peu à la vision du monde dont nous sommes les lointains dépositaires.</p>
<hr />
<p>Qu’il y soit entré par hasard, ou comme le jouet d’une fatalité, ainsi que le suggère Ovide en écrivant que « c’était là que le poussait sa destinée », ou bien encore que son désir et sa curiosité l’aient amené jusqu’en cet antre « où rien n’est une création de l’art », Actéon a brisé un triple interdit. C’est l’analyse de l’archéologue Simon Reinacht (1858-1932), selon qui le jeune chasseur a pénétré un espace sacré, y a vu une déesse, et qui plus est dans sa nudité. </p>
<p>Le caractère pur du lieu est patent : il est dépeint comme un endroit idéal, que jamais les hommes n’ont touché, puisque rien n’y est « une création de l’art », c’est-à-dire de la technique humaine. C’est donc un « asile » pour le repos de Diane, un « locus amoenus ». La nature lui offre un abri harmonieux, comme le suggère l’image du « murmure » de la source : « Là s’étendait une vallée qu’ombrageaient des épicéas et des cyprès à la cime pointue <a href="http://lettrines.net/dotclear/index.php?post/2021/03/12/…" title="…">…</a> Sur la droite murmure une petite source, dont l’eau transparente remplit un large bassin entouré d’une bordure de gazon. » </p>
<p>Mais le moment où apparaît Actéon revêt lui aussi un caractère sacré : le bain de Diane s’apparente à une cérémonie, dont toutes les étapes, notamment celle du déshabillage de la déesse, sont racontées. Chaque nymphe joue un rôle dans une partition parfaitement réglée : Diane « remet à la nymphe qui a soin de ses armes son javelot, son carquois et son arc détendu ; une autre reçoit sur ses bras la robe dont la déesse s’est dépouillée ; deux autres détachent les chaussures de ses pieds ; plus adroite qu’elles, Crocalé, fille de l’Isménus, rassemble en forme de nœud les cheveux épars sur le cou divin ». Ainsi, tout le premier paragraphe de l’extrait met en scène un cérémonial dans un lieu idyllique, reflets d’un monde dont l’ordre est garanti par les dieux. </p>
<p>Or, l’arrivée d’Action est marquée, au contraire, par le désordre, la transgression, l’hésitation et l’incertitude : il a « interrompu ses travaux », ses pas sont « incertains », les lieux lui sont « inconnus ». Ultime affront à l’ordre du monde, Diane est littéralement dévoilée aux yeux du chasseur. C’est peut-être ainsi qu’il faut comprendre son châtiment : elle réaffirme symboliquement que seuls les dieux sont les garants de cet ordre et qu’eux seuls peuvent le modifier à leur guise.</p>
<hr />
<p>Actéon est alors métamorphosé en cerf : on pourrait certes voir cette punition essentiellement comme une transformation en bête. Sur le plan symbolique, le texte appelle pourtant une lecture affinée. Il y a une logique, si cruelle soit-elle, dans la malédiction divine. L’eau que les nymphes répandaient sur le corps de la déesse devient l’instrument de sa vengeance. Ironiquement, Diane fait du prédateur une proie que dévoreront bientôt ses propres chiens. Livrée aux yeux d’un homme dans son apparence véritable, elle change la sienne en retour. Par ailleurs, si l’apparence se modifie, la métamorphose semble plus une déformation qu’une transformation du corps : Diane « fait naître sur la tête ruisselante du malheureux les cornes du cerf vivace, elle allonge son cou, termine en pointe le bout de ses oreilles, change ses mains en pieds, ses bras en longues jambes et couvre son corps d’une peau tachetée ».</p>
<p>Mais la malédiction divine, de façon explicite, porte avant tout sur le langage. Il s’agit d’interdire tout récit d’Actéon : le tabou ne doit pas être brisé une seconde fois par la narration, même indirectement. « Maintenant va raconter que tu m’as vue sans voile ; si tu le peux, j’y consens », lance ironiquement Diane au jeune homme. La distinction qui s’opère ici entre l’homme et l’animal porte sur la faculté de communiquer, de se faire comprendre. Actéon réalise que la parole lui échappe désormais : « aucune parole ne sortit de sa bouche. Il gémit ; ce fut tout son langage ; ses larmes coulèrent sur une face qui n’était plus la sienne ; seule sa raison lui restait encore. » C’est même l’impossibilité de s’adresser à ses chiens qui le rend totalement méconnaissable : « Il aurait voulu leur crier : “Je suis Actéon, reconnaissez votre maître.” Les mots n’obéissent plus à sa volonté ». La cruauté de Diane vient donc de ce que les chiens dévorent leur propre maître, dressés qu’ils ont été à le faire par lui-même.</p>
<hr />
<p>Ainsi, Diane métamorphose Actéon parce qu’il a, volontairement ou non, usurpé une place qu’il n’est pas la sienne en un lieu et un moment sacrés ; garante de l’ordre des choses, elle le rétablit et le modifie en déesse, selon sa volonté. Mais faire d’un homme un animal, ici, n’est pas seulement, et peut-être pas d’abord modifier son apparence : c’est surtout le priver de la parole, tant il est vrai que c’est grâce à elle, à ses pouvoirs, que les hommes tentent d’agir et de régir le monde, comme le chasseur ses chiens. Lorsqu’il meurt, Hippolyte, autre héros de la mythologie grecque, sacrifié par un père aveuglé à la cruauté déchaînée de Neptune, n’est pas non plus reconnu par les chevaux qu’il a élevés et qui lui donnent son nom : l’homme a perdu sa place par la faute d’un autre. L’ordre du monde grec n’est pas immuable, mais il est à la main des dieux.</p>