Voici une synthèse et une aide à la relecture de ce poème que nous avons étudié à la fin de notre troisième chapitre. Je sais que nous avons lu ce texte complexe assez vite, et à distance. D’où cette aide à la relecture, qui ne doit bien sûr nullement entraver votre capacité d’interprétation, mais au contraire la conforter.


Pour bien situer, de nouveau, ce texte dans notre chapitre “Notre monde vient d’en trouver un autre”

Nous avons commencé à travailler sur le regard porté sur l’altérité par Montaigne, qui trouve matière, en la découverte des Tupinambas et dans le dégoût européen de l’anthropophagie, à renverser la vision que ses contemporains ont de ce qu’est une civilisation. Nous avons pu lire sous sa plume le primat de l’expérience comme moyen de connaître avec justesse ce dont on parle, à la façon d’un “topographe”. Montaigne fondait ainsi dès le XVIe siècle une démarche expérimentale, scientifique et, même si le mot n’existe pas encore, ethnographique à même, pensait-il, de donner à comprendre et de bien juger des coutumes d’autrui, plutôt que de les croire barbares en ne jugeant que l’apparence extérieure. S’approcher d’une culture pour bien la saisir, et non la lire au travers d’un prisme européen empreint d’orgueil, de suffisance et d’intérêt.

Mais nous avons vu que son affirmation de la relativité des cultures (dès la première page, avec l’exemple du roi Pyrrhus), et son corollaire, le refus de l’ethnocentrisme (rappelons que l’ethnocentrisme est le fait de penser en prenant comme référence le groupe ethnique auquel on appartient), rencontraient dans la démarche ethnographique de terribles limites. C’est Michel Leiris qui les souligne dans L’Afrique fantôme, entre essai et journal de bord, ethnographie et réflexions personnelles sur l’expédition “Dakar-Djibouti” : la relation humaine authentique, horizon de toute démarche vers l’autre, ne saurait résister à une approche scientifique.

Il devenait dès lors intéressant, pour comprendre si une véritable rencontre des cultures était possible, d’interroger un texte dont l’auteur se situerait à la croisée de mondes différents. C’est là que pouvait être lu le poème de Senghor, poète africain de langue française, ayant grandi dans un Sénégal colonisé dont il deviendra le premier président de la République, après des études supérieures en métropole.


Quelques rappels sur Senghor

En guise de complément aux repères biographiques que je vous ai donnés sur Pearltrees.

Aimé Césaire et Léopold Sédar SenghorHomme d’État et poète sénégalais, Léopold Sédar Senghor (1906-2001) a été le premier président de la République du Sénégal (de 1960 à 1980) et le premier Africain à siéger à l’Académie française. Ami d’Aimé Césaire, il a livré sa propre définition de la Négritude, mouvement né dans les années 1930 : « La Négritude est la simple reconnaissance du fait d’être noir, et l’acceptation de ce fait, de notre destin de Noir, de notre histoire et de notre culture. » Cette vision anime une poésie qui renouvelle le lyrisme pour retrouver et célébrer les traditions originelles des Africains.

Je vous l’ai dit, le nom du poète lui-même est riche de sens.

  • Son premier prénom, Léopold, chrétien et européen, rappelle qu’il est né dans la tradition de la foi catholique. Senghor y puisera aussi une image, celle du lion, très présente dans sa poésie, et dont il fera l’emblème du Sénégal lors de l’indépendance.
  • Son second prénom, Sédar, est un prénom sérère : il s’agit d’une ethnie africaine à laquelle appartient le père de Senghor. Ce prénom signifie par ailleurs : “qu’on ne peut humilier”.
  • Son nom, Senghor, est peut-être d’origine portugaise : les Portugais ont été les premiers à ouvrir des comptoirs en Afrique de l’Ouest. On peut rapprocher Senghor de senhor, “monsieur”, “maître”, “seigneur” (nom probablement donné par dérision à un Africain par un Portugais). Mais je vous ai aussi rapporté cette anecdote : au cours d’une campagne électorale, dans les années 1950, des jeunes filles accueillent le poète en chantant : “Sunu ngor, sunu ngor” : par homophonie, elles célèbrent celui qui selon elles porte leur “honneur”, en langue ouolof.

Ainsi la vie comme le nom de Léopold Sédar Senghor s’enracinent-ils dans plusieurs cultures à la fois, à l’image de sa poésie.


Synthèse

Ce poème apparaît comme…

  • une stèle funéraire et poétique, un hommage aux Tirailleurs sénégalais, qui cherche la meilleure voie pour leur rendre leur dignité ; une “hostie noire” pour faire corps avec eux ;
  • un texte empreint de colère et de révolte à l’égard de la France coloniale d’une part, parce qu’elle méprise ces soldats comme elle oublie les valeurs qu’elle a portées, et des poètes d’autre part, même ceux que Senghor a admirés, parce qu’ils ont galvaudé la langue et la poésie à des fins artificielles (lui en tout cas entend faire autrement) ;
  • l’œuvre d’un poète initialement “divisé”, mais qui réfléchit ici à la vocation de sa poésie (et aux conditions de son émergence), et qui en définitive se redéfinit d’une part dans la colère (voir ci-dessus), en second lieu dans la double fidélité à son sang (le peuple africain) et aux idéaux de la France des Lumières dont il fait l’éloge, et en dernier lieu dans une langue nouvelle, porteuse d’une poésie universelle et musicale, française et africaine à la fois. Revivifiée par l’oralité et la musicalité africaines, la langue du colonisateur devient une arme et un instrument sonore, qui permet le rassemblement d’un peuple, telle une “trompette” ; nous comprenons à la fin du poème pourquoi Senghor est alors le seul qui puisse énoncer cet hommage vibrant à ses frères noirs morts au combat.

Guide de relecture, au fil du texte

Je vous propose de relire vos notes et de les compléter en suivant les mouvements du texte.

Sur le titre du recueil

Intitulé “Hosties noires”, le recueil qui s’ouvre avec notre poème emprunte à la religion catholique un de ses symboles, la rondelle de pain qui représente le corps du Christ. Ainsi, Senghor :

  • sacralise des Tirailleurs sénégalais injustement traités selon lui,
  • joue sur le sens étymologique du mot “hostie”, qui signifie originellement victime,
  • et fait de chacun de ses poèmes une hostie, c’est-à-dire une partie d’un tout qui serait un corps à partager.

Il place sa poésie sous le signe de la communion et du partage, alors qu’on le verra plus loin, elle naît d’abord pour reconnaître, fustiger ou regretter la division : celle de la France et des Africains venus combattre pour elle, et celle que lui-même éprouve intérieurement, pour être à la croisée des deux cultures.


Les mouvements du poème disent la quête de légitimité de l’écrivain, qui cherche à ajuster sa parole pour rendre hommage aux Tirailleurs sénégalais.

Attention, le PDF que je vous ai donné présente un problème : ce sont les lignes qui sont numérotées, non les vers. Certains vers étant longs, ils sont anormalement comptés ; ainsi, rectifiez ces numéros à partir du vers 11 ("Car les poètes chantaient les héros... votre peau noire pas classique"). Le poème compte 26 vers au total.

  • Dans un premier temps, Senghor cherche à faire que sa parole se distingue de celle des officiels français (vers 1 à 6), mais aussi des poètes qui l’ont précédé (vers 7 à 11) ;
  • puis il tente de se situer lui-même par rapport à la France, dont il admire les valeurs émancipatrices (vers 12 à 16) ; mais cela le conduit à exprimer la division qu’il éprouve intérieurement (vers 17 à 19) ;
  • enfin, il résout cette division intime en incorporant à la langue française, dans laquelle il écrit, des figures et un rythme originaires d’Afrique, qui légitiment sa parole poétique et lui donnent un juste place (vers 20 à la fin).

Senghor donne à son poème une structure circulaire, grâce à l’ouverture et à la clôture du poème (vers 1-2 et vers 25-26).

Revoyez comme le début et la fin du poème se répondent. Ils offrent un cadre au poème, voire, c’est la formule que je vous proposais, une stèle poétique aux Tirailleurs sénégalais :

Vous Tirailleurs Sénégalais, mes frères noirs à la main chaude sous la glace et la mort
Qui pourra vous chanter si ce n’est votre frère d’armes, votre frère de sang ?

Qui pourra vous chanter si ce n’est votre frère d’armes, votre frère de sang
Vous Tirailleurs Sénégalais, mes frères noirs à la main chaude, couchés sous la glace et la mort ?

Mais leur structure en chiasme suggère aussi un aboutissement, comme si la réponse contenue dans la question initiale (question rhétorique, rappelons-le) était réellement justifiée à la fin. Le poète est parvenu, au fil de son texte, à dire quelle était sa place auprès des Tirailleurs sénégalais, celle d’un “frère d’armes”, dépositaire de leur mémoire, seul à même de l’honorer vraiment, en ceci que l’écriture a fait de lui leur porte-parole légitime.

Les contrastes créés par les antithèses soulignent à la fois la mort et la nécessité de l’hommage pour ces hommes tombés en France. Un jeu d’antithèses subtil anime en effet ces vers :

“Vous Tirailleurs Sénégalais, mes frères noirs à la main chaude sous la glace et la mort”

L’antithèse la plus claire renvoie à la mort, qu’elle tend à mettre en évidence : main chaude / glace, mort. Le dernier vers accentue encore l’idée de la mort, avec l’ajout du mot “couchés”. Mais la glace s’oppose aussi à l’adjectif noirs, pour rappeler que la glace est aussi une métaphore pour le sol français sur lequel et au nom duquel ces soldats africains sont morts. Or le mouvement qui suit dénonce le mépris de la France coloniale à l’égard des Tirailleurs sénégalais : l’hommage ne peut être rendu que par un “frère”. Répété trois fois dans ces deux vers, ce mot peut être associé à “main chaude” et suggérer le geste de prendre la main, manière de dire la fraternité et la proximité entre le poète et les Tirailleurs sénégalais.


Du vers 3 au vers 6, il condamne le mépris colonial français pour les soldats venus d’Afrique.

  • À quoi servent l’anaphore, la négation, le futur aux vers 3 et 4 ?
  • À quoi tient la force de la formule “les louanges de mépris” ? De quoi est-elle porteuse ?
  • Comment le poète joue-t-il sur les sons au vers 5 ? Pourquoi ?
  • Comment s’exprime, au vers 6, sa détermination à pourfendre le racisme et les stéréotypes à l’endroit des Africains en métropole ? Bien sûr, songez à examiner la métonymie des “rires banania” (que représente l’affiche originale ? pourquoi est-elle stéréotypée ? quelle est l’efficacité de cette métonymie ?). Pensez là encore à la façon dont les allitérations soulignent la colère du poète.

Rappel sur la métonymie : c’est une figure de style qui consiste en un déplacement (“méta-“) d’un nom (“-nymie”). Contrairement à la métaphore, qui repose sur un rapport de ressemblance entre le nom qui figure dans le texte, et celui qu’il représente, la métonymie repose sur un rapport de voisinage entre le nom mobilisé (“les rires Banania”) et le nom représenté (l’image stéréotypée des Noirs en métropole dans les années 30-40). Ce bref rappel vous aidera à prendre la mesure de l’efficacité et de l’expressivité de la formule de Senghor.


Mais il fait aussi, du vers 7 au vers 11, la satire d’une poésie, sans doute admirée un temps, mais artificielle et usée - ou inadaptée à l’éloge des Tirailleurs sénégalais.

  • Revoyez l’anaphore “Les poètes chantaient”, évocation d’une poésie au passé.
  • Comptez les syllabes dans le COD “Les fleurs artificielles des nuits de Montparnasse” : pourquoi ce choix ? Sur quel ton diriez-vous ce vers 7 ?
  • Que suggèrent le jeu sur les sonorités au vers 8 ?
  • Que raille Senghor dans les objets dont la poésie s’est emparée jusque-là, à lire l’expression “le désespoir distingué des poètes tuberculeux”, ou encore le vers suivant ?
  • En quoi le vers 11 permet de comprendre sur quoi porte la critique du poète ?

4. Du vers 12 au vers 19, Senghor apporte aux vers précédents une nuance, en faisant l’éloge de la France des Lumières, “peuple de feu” ; mais dans le même temps, il exprime sa division intime.

  • Le vers 12 dit la position difficile à exprimer de Senghor par rapport à la France : comment ?
  • De quoi le poète fait-il l’éloge ? Quelles images mobilise-t-il pour cela ?

Sur l’expression “le festin catholique”
L’éloge s’achève par cette étonnante expression, que j’ai commentée, mais rapidement sans doute : “festin catholique”. Plusieurs éléments permettent de la comprendre.

  • D’une part, le mot catholique signifie en réalité “universel”. L’adjectif convient bien aux valeurs énoncées plus haut : fraternité, liberté, primat de la raison et du savoir (représentés par la “faim de l’esprit”).
  • Le terme “festin” permet de filer la métaphore du repas des peuples, déjà construite par les expressions et mots suivants : “la faim de l’esprit comme de la liberté”, “conviés solennellement”. Le choix de l’adjectif “catholique” ne renvoie pas à la religion, mais il lui emprunte à son caractère sacré. La mission émancipatrice que s’est donnée la France des Lumières est donc ici nettement valorisée.
  • Enfin, on peut et on doit rapprocher ce “festin catholique” du titre du recueil, Hosties noires. Si le recueil s’intitule ainsi, c’est pour suggérer que chaque poème est une hostie. Ainsi, ces deux mots, “catholique” et “hosties” confèrent eux aussi à la poésie une dimension sacrée. Elle est vectrice de communion entre les êtres et entre les peuples. Ici, le poème unit les Tirailleurs tombés au combat et leur “frère d’armes”, mais aussi ces mêmes Tirailleurs et le lecteur qui, lisant le poème, “consomme” une de ces “hosties noires”.

En somme, l’expression “festin catholique” sacralise l’idéal des Lumières et montre que la poésie de Senghor en prend le relais, afin de viser à son tour une communion nouvelle entre les êtres et les peuples.


  • Comment le vers 17 exprime-t-il le sentiment de déchirure et la souffrance qu’éprouve le poète ? À quel vers précédent, par sa structure, fait-il écho ?
  • Quel est l’effet de la répétition “pourquoi cette bombe… ?”
  • Rappelez-vous les hypothèses émises ensemble en cours. La bombe peut être la métaphore du poème lui-même (il y aurait ici une forme de mise en abyme, le poème contenant une image de lui-même), en tant qu’il rejette une France coloniale dont Senghor, venu du Sénégal (des “épines de la brousse” ?), a été l’hôte, jusque dans la langue (puisqu’il hérite brillamment du patrimoine littéraire français). Le “jardin si patiemment gagné sur les épines de la brousse” et “la maison édifiée pierre à pierre” seraient des métaphores renvoyant à la colonisation ; la “maison édifiée pierre à pierre” pourrait également rappeler les “monuments” évoqués plus haut. Le poème apparaîtrait alors comme une “bombe” poétique, dirigée contre les dignitaires de la France coloniale, incapables de rendre un hommage à la hauteur du sacrifice des Tirailleurs sénégalais, et à la hauteur de leurs propres valeurs. Mais cette “bombe” pourrait être aussi l’image de ce que la France détruit en méprisant les habitants de son propre empire : pourquoi avoir créé un jardin si c’est pour l’abîmer et “enterrer furtivement” ceux qui venaient des “épines de la brousse” ?
  • Je vous soumets une autre hypothèse, que je n’ai pas pris le temps de développer lors de notre échange, et qui est un prolongement de la première ici rappelée. Cette bombe verbale est peut-être aussi lancée contre ce que la France a donné à Senghor : une langue riche d’un patrimoine poétique pluriséculaire. La métaphore du “jardin si patiemment gagné sur les épines de la brousse” renverrait alors à la langue française, “classique” (voir l’emploi de cet adjectif plus haut), telle un jardin à la française, ordonné, régulier, mais aussi obsolète et conventionnel, à l’image des “poètes artificiels”, que le poète moque et condamne, avant de leur substituer sa poésie de la Négritude.

Du vers 20 à la fin, le poème puise aux sources africaines : ainsi Senghor peut-il définir quel est son rôle et trouver, dans une forme d’écriture renouvelée, sa légitimité de porte-parole des Tirailleurs sénégalais, en transcendant ses conflits intérieurs.

  • Pourquoi le poète s’adresse-t-il à Sira-Badral, princesse sérère du XIVe siècle (ayant appartenu à la même ethnie que celle de son père) ? Comment se relie-t-il à elle ?
  • Comment les sons permettent-ils de donner au vers français une musicalité africaine ?
  • Que comprendre lorsque Senghor dit avoir lancé sa lance pour lui préférer le “sorong” ? À quel forme de combat renonce-t-il ? Quelle forme d’engagement entend-il privilégier ?
  • Quels mots suggèrent l’humilité de cette position du poète ?

Repères sur le sorong :
Le sorong est une sorte de kora, un instrument africain traditionnel à cordes qui se rapproche de la harpe, et qui comprend une calebasse servant de caisse de résonance. Le poète suggère ainsi une substitution : il renonce à un combat réel en “lançant sa lance” et lui préfère un combat verbal, porté par la poésie - une poésie musicale. Ces deux vers en font la démonstration : leur musicalité imite “les seize sons du sorong”, tant sur le plan du rythme, avec l’anaphore “Pardonne” et la répétition de ce verbe au vers 21, que sur celui des sonorités, en particulier les allitérations en S et les assonances en AN et en ON. La poésie fait littéralement vibrer l’africanité du poète et la brandit comme un étendard.

C’est aussi la figure du griot qui s’impose ici, par l’évocation du sorong. En Afrique, le griot est un conteur-poète qui s’accompagne d’un instrument. D’une certaine façon, Senghor renouvelle le lyrisme en se faisant griot, porte-parole du “monde noir” (selon ses termes), auteur d’une poésie qui mêle musique et oralité.

Remarques sur l’expression “frère de sang” : Elle semble prise dans son sens littéral, et ainsi revitalisée par le vœu que forme Senghor au vers 22 : être le “rythme” et le “cœur” du peuple, autrement dit proposer une poésie qui vibre à l’unisson des Noirs. Senghor renonce là à un rôle de domination, pour une poésie plus humble, au sens figuré comme littéral du terme : l’image du “grain de millet” dit combien sa poésie sera ferment, nourriture pour les siens. Ainsi accomplit-elle l’hommage aux Tirailleurs sénégalais, qui vont eux aussi “pourrir dans la terre”. Le poète se veut un porte-voix ; son rôle nouveau est métaphorisé par la “bouche” et la “trompette”. Sa mission transcende sa division initiale, car sa poésie, empreinte d’africanité, donne toute sa force à l’hommage aux Tirailleurs en prolongeant l’idéal des Lumières, et en s’exprimant dans la langue du colonisateur.


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