Voici quelques pistes pour vous aider à relire le texte et vos notes en vue de l’épreuve orale. Il s’agissait de notre 16e lecture en 1re A, 15e en 1re D.


Rappel sur le titre et son évolution

Je vous renvoie à notre échange en cours sur le titre originel sous lequel Colette a publié les trois textes consacré aux membres de sa famille et à son enfance : Sido, ou les points cardinaux (titre qui date de 1929, et que Colette réduira ensuite à Sido).

Sens littéral, sens métaphorique : n’hésitez pas à revoir ce que vous aviez pensé de ce titre, la façon dont vous l’aviez interprété. Ou réfléchissez-y à nouveaux frais pour composer, pourquoi pas, une amorce à partir de ce titre et de son évolution. Pensez à relire l’extrait dans lequel Colette précise que ce diminutif, “Sido”, n’était employé que par son père.


Situation et délimitations de l’extrait

  • de « Il y avait dans ce temps-là de grands hivers… » à « l’Ouest rué sur notre jardin… ».
  • Le texte est situé juste après l’évocation des jardins dans le village natal de l’écrivain, Saint-Sauveur-en-Puisaye, en Bourgogne. Or le jardin est à la fois le territoire et la fière création de sa mère, la preuve visible de son intelligence de la nature - celle-là même, on le sait, que Colette revendique en héritage.
  • Par-delà l’évocation des saisons, en son début, notre extrait renvoie donc à l’époque bénie de Saint-Sauveur, l’âge d’or de l’enfance de Colette en somme, et à la figure de sa mère.

Embryons de projets de lecture

Je ne donne ici que des éléments semi-rédigés, issus de nos cours dans les deux classes.

  • La célébration des saisons disparues et de la figure maternelle.
  • L’expression de la nostalgie de l’enfance.
  • L’évocation, voire l’éloge d’une enfance joyeuse, sensible, faite de contemplation de la nature et de jeu avec elle.
  • L’évocation de souvenirs où se mêlent imaginaire et sensations.
  • L’école du regard, l’art de voir le monde, appris par la jeune Sidonie-Gabrielle Colette. La précision des sensations.
  • Le monde impressionnant qui environne l’enfant - le regard de l’enfant agrandissant tout autour d’elle.
  • La figure de la mère, ici magnifiée, idéalisée, voire déifiée.
  • L’enfance légendée, mythifiée de l’auteur.

Mouvements du texte

  1. « Il y avait dans ce temps-là de grands hivers… » : l’évocation nostalgique des saisons intenses de l’enfance.
  2. « Avertie par ses antennes… » : le jeu de la petite Gabrielle avec la bourrasque d’Ouest sous l’égide de sa mère.
  3. La mise en scène de la mère au milieu du “fracas”, étrange et impressionnante, plongée dans la contemplation d’un flocon de neige (dernier paragraphe).

Pistes pour une relecture au plus près du texte

Colette évoque les saisons de son enfance.

  • Qu’est-ce qui se dégage de la 1re phrase ? Pourquoi ? Appuyez-vous sur le complément circonstanciel à l’attaque de la phrase, sur la référence chronologique, sur le temps employé. On l’a vu en cours, plusieurs interprétations sont possibles.
  • Pensez aussi à recompter les syllabes : qu’entend-on ? Quel sens donner à cela ?
  • Quelle image le texte donne-t-il des étés de l’enfance ? Appuyez-vous bien sûr sur les adjectifs, mais surtout, étudiez tout le système de comparaisons et le réseau de couleurs bâtis par Colette. Comment compare-t-elle les étés disparus à ceux qu’elle a connus après son enfance ? Revoyez ce que sont l’ocre, le panais, si besoin.
  • Toujours sur ce point, examinez bien sûr les images, nombreuses ici. N’hésitez pas à vous attarder avec soin sur celles-ci (par exemple sur le “géranium écarlate”, la “hampe enflammée des digitales”). Songez à ce qu’elles évoquent littéralement (là encore, quel rôle le géranium joue-t-il ?), mais aussi symboliquement.
  • Pensez aussi à donner sens au verbe “commémorer” : que signifie-t-il (ce n’est pas se remémorer) ? quel en est le sujet ? Qui commémore vraiment ces saisons de jadis ?
  • Pensez aussi au rôle de la négation, portée par le déterminant “aucun” et la préposition “sauf”.
  • Du début du texte à la fin du premier paragraphe, intéressez-vous à tout ce qui relève de l’hyperbole.
  • Que dire ensuite de la vision que donne le texte des hivers de l’enfance ? Cette fois, vous aurez à analyser la façon dont l’écriture met en scène les contrastes créés par l’hiver.
  • De quel niveau de langue relève le terme “nues” ? Que dire de ce choix ? Qu’essaye de faire Colette avec cette description ?
  • Soyez attentifs aux effets d’accumulation, et là encore aux hyperboles, à l’importance des pluriels, aux images bien sûr (pourquoi des “bourgeons lancéolés” ? Quel lien peut-on faire avec “la hampe enflammée des digitales” ? Et avec l’ouverture de l’extrait ?).
  • Que peut-on dire quant à la façon dont Colette restitue son regard d’enfant ?
  • Comment la venue la tempête est-elle évoquée ? Que suggèrent le récit de l’observation des présages quant à la petite Colette ?
  • Au risque d’une lecture plus psychanalytique que littéraire, nous avons questionné l’homophonie entre la “mère”, qui est mise en scène quelques lignes plus bas, et la mer d’où provient le vent d’Ouest (cf. le “ronflement de mer lointaine”).
  • Comment sensations et imagination sont-elles articulées ?

L’approche de la tempête est une occasion d’un jeu, d’un partage, d’une initiation.

  • À quoi la jeune Colette joue-t-elle avant que n’apparaisse sa mère ?
  • Comment interprétez-vous l’image de la mère et de la fille, ensemble au dehors (même si la fille est dans le jardin, la mère sur la terrasse) ?
  • Que pouvez-vous dire du terme “antennes” ? N’hésitez pas à reparcourir l’extrait du Journal à rebours que nous avons étudié, et dans lequel vous le retrouverez.
  • Quelle image de la mère la phrase commençant par “Avertie…” donne-t-elle ? Appuyez-vous sur la construction de la phrase et la longueur des groupes qui la composent. Cette phrase est construite sur le principe de la parataxe (les groupes sont juxtaposés).
  • Quel temps est employé ? Pourquoi d’après vous ?
  • Que pensez-vous du cri de la mère ? Et plus largement, comment lisez-vous ce mouvement ? Inquiétude d’une mère attentive à sa maison ? Scène d’initiation ludique pour une jeune fille qui apprivoise les caprices de la nature ?
  • Pourquoi Colette, d’après vous, prend-elle soin de restituer le “cri” de sa mère au discours direct ?
  • Que dire de la métaphore filée (“Mousse exalté” étant suivi de l’image du “navire natal”) par laquelle Colette se met en scène enfant ? Pensez aussi à décompter les syllabes et à repérer les effets de rythme.
  • La phrase qui commence par “Mousse exalté…” est particulièrement travaillée sur le plan de la construction et du rythme. Réduisez-la à son noyau, et vous obtiendrez : “Je m’élançais”. Tout le reste est ajout. @@Attention : ne fatiguez pas les oreilles de votre examinateur avec une remarque sur la quantité de virgules… Ce qu’on attend de vous, sans entrer dans une analyse grammaticale, car ce n’est pas l’objet de l’explication, c’est de décrire la façon dont la phrase se déploie (et c’est à cause de ce déploiement, de l’ampleur donnée à la phrase, que se multiplient les virgules). Quelques précisions au besoin : appositions (“mousse exalté…”, “enthousiasmée”) et subordonnée participiale (“claquant des sabots”) apportent des précisions à la mise en scène vivante de la jeune Colette. Le même principe régit la construction de la subordonnée (“si du fond de la mêlée…”) : je vous laisse l’observer par vous-même. Quels sentiments s’agit-il de suggérer ainsi ? Quelle attitude de la part de l’enfant ?
  • Reportez-vous à ce que la jeune Sidonie-Gabrielle attend, guette au beau milieu de la tempête. Quel sens donnez-vous aux points de suspension ?
  • Je vous invite à commenter aussi les couleurs dans ce passage : elles ne sont pas sans évoquer le travail précédemment opéré pour dépeindre l’hiver.
  • Comment Colette représente-t-elle l’éclair et la foudre ?
  • Que penser de la phrase sur la “fin du monde” ? À quoi l’enfant joue-t-elle ? L’ouverture de l’extrait donnait-il déjà le ton que l’on retrouve ici ?

Colette met en scène sa mère dans un paragraphe conclusif.

  • Pensez à la vision d’ensemble que vous avez construite de ce dernier paragraphe : éloge discret d’une mère aux commandes du monde, ou du moins en harmonie avec lui ? admiration de la petite fille pour sa mère, elle-même admirative de la nature ? Hommage rendu à la mère initiatrice ?
  • Songez à la valeur conclusive du paragraphe. Le blanc final, après les points de suspension, donne d’autant plus d’importance à ces dernières lignes, comme si tout notre extrait tendait vers cette chute : l’image de la mère contemplant un flocon de neige.
  • Pourquoi préciser, avec un “mais” adversatif en début de phrase, que sa mère observe un flocon “dans le pire du fracas” ?
  • Vous avez parfois parlé d’école du regard, d’art du regard de la part de la jeune fille. Je vous invite, relativement à ce point, à observer le changement d’échelle qu’opère ce dernier paragraphe. Le motif de la loupe semble même régir les dernières lignes (la mère regarde un flocon à la loupe, et le regard de la petite fille, tourné vers le ciel, s’oriente vers sa mère et vers la loupe : c’est le mouvement que le lecteur est invité à faire mentalement, d’un plan d’ensemble à un gros plan).
  • Qu’apporte au flocon le terme “ramifiés” ?
  • Après le participe présent, comptez les syllabes dans ce groupe nominal : “les cristaux ramifiés d’une poignée de neige”. Quel effet est ainsi produit ?
  • Que faisait l’enfant avant que la mère ne crie ? Pensez-vous pouvoir faire un parallèle avec sa mère à la fin de l’extrait ?
  • Que dire du fait que le flocon a été cueilli “aux mains même de l’Ouest rué sur (le) jardin” ?
  • Là encore, commentez les points de suspension (gare à ne pas dire : les trois petits points, je vous le rappelle).

Quelques échos et prolongements

  • Toujours dans Sido (premier texte), lisez le très beau passage qui évoque explicitement l’attention de la mère aux points cardinaux, et qui s’ouvre par ces mots : “Levée avant le jour…”. Quels échos décelez-vous avec notre extrait ?
  • De même, lisez la dernière phrase du texte consacré à la mère.
  • Je vous procure, via Pearltrees, un autre texte : au début du roman La naissance du jour, Colette évoque une lettre de sa mère, qui refuse de venir visiter sa fille et son époux (H. de Jouvenel), malgré son souhait affirmé de le faire, au motif qu’elle veut voir fleurir son cactus rose (dont la floraison est rare). Or, nous disposons de la véritable lettre de la mère, qui avait accepté l’invitation. Une telle transformation est révélatrice de la façon dont Colette met en scène sa mère, et fait de cette personne un personnage​​​​​​​.
  • Pourquoi ne pas tisser des liens entre notre extrait sur la mère de l’écrivain, et celui que nous avons étudié (ou étudierons bientôt en 1D), extrait de “Nuit blanche”, dans Les Vrilles de la vigne, et particulièrement à sa toute fin ?
  • Ou encore, avec l’extrait du Journal à rebours. Quels échos pourriez-vous faire entendre ?
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