Dans un commentaire, trop souvent, l’analyse du champ lexical dissèque le texte et met vraiment "la littérature en péril", comme le dit le titre de l’essai de Tzvetan Todorov (essai sur les dérives dans lesquelles nous risquons de tomber en vous faisant pratiquer cet exercice).

Il faut éviter deux erreurs fréquentes lorsqu’est analysé tel ou tel champ lexical dans un commentaire littéraire, voire une réponse à une question sur corpus.

Première erreur, le corps du texte, fruit d’une composition, semble complètement disséqué lorsqu’un champ lexical donné est identifié, mot après mot.

Par exemple, si en commentant le célèbre extrait du chapitre III de Candide sur la guerre entre Abares et Bulgares, on souhaite mettre en exergue l’emploi du champ lexical de la guerre, et que l’on cite pour cela notamment le mot “boucherie”, on l’ampute de son adjectif, “héroïque”. On déforme ainsi complètement le texte et son sens, puisque l’ironie portée par l’oxymore "boucherie héroïque" disparaît.

Seconde erreur, l’analyse s’arrête souvent au repérage du lexique en question. Quand on a dit que tel texte porte sur l’amour, parce que le champ lexical est celui de l’amour, on n’a plus grand-chose à dire, et le correcteur, plus beaucoup d’espoir dans sa hotte (à points, rappelons-le).

Le champ lexical n’est pas une preuve que le texte ressemble bien à ce à quoi il ressemble ! Dans un tel cas, mieux vaut d’emblée s’intéresser à la dimension implicite du texte : c’est plus difficile, cela demande le temps de la réflexion, mais c’est cela seul qui paye et qui surtout est intéressant.

Ainsi, dans le même extrait, la terrible expression "mamelles sanglantes" relève certes du champ lexical de l’horreur, voire du sous-champ lexical de la violence, ou encore du sous-sous-champ lexical de l’horreur de la violence de la guerre...

Mais il est quand même bien plus pertinent de souligner que ces "mamelles sanglantes" déshumanisent les victimes de la guerre : violées, tuées, elles sont renvoyées à une sordide animalité. La bestialité des "quelques héros" qui arpentent le champ de bataille est contagieuse.

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